Officiellement, non. Il n’y a pas de déclaration de guerre contre la Russie. Dans la pratique oui, puisque nous envoyons des armes à l’Ukraine et que nous participons à la « guerre économique ». La Russie peut-elle se retourner contre nous ?
Vladimir Poutine a annoncé la couleur. Dans son entretien avec Emmanuel Macron, le 7 février, le maître du Kremlin n’a pas fait mystère qu’il pourrait, le cas échéant, utiliser l’arme atomique. Il l’a répété, le dimanche 27 février en précisant : « J’ordonne au ministre de la Défense et au chef d’état-major de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat. »
C’est le ministre français des Affaires étrangères qui lui a répondu, jeudi. Interviewé sur le plateau de TF1, Jean-Yves Le Drian a souligné : « Je pense que Vladimir Poutine doit aussi comprendre que l’Alliance atlantique est une alliance nucléaire ».
Les missiles de Kaliningrad
La Russie dispose d’un arsenal militaire comprenant plus de 6.000 ogives nucléaires, contre 5.500 pour les Etats-Unis, 350 pour la Chine et 290 pour la France. Avec ses missiles hypersoniques la Russie est capable de frapper n’importe qui, n’importe quand et n’importe où dans le monde.
Depuis les déclarations de Poutine, la situation a évolué. Les sanctions sévères prises à l’encontre de la Russie par le camp occidental et les propos irresponsables du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, déclarant « la guerre économique totale » à la Russie, ont contribué à renforcer la détermination du Kremlin, comme l’a laissé entendre l’ancien président, Dmitri Medvedev, en parlant de « guerre réelle » (contre la France ?).
De fait, les missiles hypersoniques Kinjal déployés à Kaliningrad peuvent atteindre n’importe quelle capitale européenne, comme le souligne le Magazine « Zone Militaire Opex 360 ». En précisant que le 8 février 2022 « une vidéo montrant l’arrivée dans l’enclave de Kaliningrad d’un chasseur MiG-31K, porteur du missile hypersonique Kh-47M2 Kinjal, a été diffusée sur les réseaux sociaux. Ce qui est inhabituel, cet appareil étant notamment en œuvre par deux unités de l’aviation navale russe, l’une étant basée à Monchegorsk [Flotte du Nord], l’autre à Yelizovo [Flotte du Pacifique]. »
Selon un bon connaisseur de ces armes « les missiles de Kaliningrad mettraient moins de 10 mn pout atteindre la France et une petite heure pour toucher New York sans que personne puisse les intercepter. »
L’ouverture des silos à missiles
Du côté occidental, où l’on confond allègrement l’Europe et l’OTAN, qui pourrait déclencher « l’alerte » nucléaire ? L’Europe s’est placée sous le parapluie militaire de l’OTAN. Donc c’est l’Amérique qui est seule capable d’agir.
« La dissuasion, c’est un rapport de forces entre belligérants, confirme notre informateur. Cela suppose de pouvoir réagir au feu nucléaire en l’espace de quelques minutes si l’ennemi décide une attaque. »
Or, seulement des moyens satellitaires entre les mains des États-Unis permettent de voir que « les silos » à missiles viennent de s’ouvrir. Le temps est donc compté pour une mise en alerte des avions et des sous-marins susceptibles d’apporter une réponse à l’attaque. Donc de lui faire savoir qu’il sera vitrifié s’il continue ses manœuvres inquiétantes.
« Pour pouvoir dissuader un ennemi d’une attaque nucléaire, il faut disposer d’un système d’alerte performant que nous n’avons pas, explique notre informateur. Il faut maîtriser la chaîne décisionnelle : l’alerte, l’analyse de la situation, la prise de décision. L’Europe ne la maîtrise pas. Poutine oui. Et les États-Unis ne veulent pas être entrainés dans une guerre mondiale. »
La bombe atomique financière
L’équation est pathétique. D’un côté, la Russie pourrait utiliser l’arme nucléaire tactique par des frappes de premier niveau. Bien qu’acculé par le camp occidental qui a déclenché contre lui « la bombe atomique financière » Poutine n’a pas d’autre choix que de réussir. Mais il ne devrait pas viser les pays de l’OTAN. Trop dangereux pour lui. En revanche, il pourrait envoyer un ou plusieurs missiles sur l’Ukraine qui n’est ni membre de l’Union européenne ni membre de l’OTAN.
Pourtant, la guerre entre la Russie et l’Occident peut prendre d’autres aspects : comme une cyberattaque massive contre des institutions ou de grandes entreprises, le sabotage d’infrastructures stratégiques, ou l’attaque d’avions et de navires.
Reste que cette affaire montre les limites de Poutine en tant que stratège : il n’a pas prévu de »porte de sortie » à son ennemi. C’est une faute. Il est donc obligé de réussir son entreprise guerrière. Ou de disparaître.
La désescalade n’est pas à l’ordre du jour.