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America first ou America über alles ?

L’affaire des sous-marins australiens montre une fois encore que les États-Unis ne s’embarrassent pas de sentiments pour imposer leur hégémonie militaire, économique, culturelle et judiciaire.

Sous-marins d'attaque français (800tonnesNavalArt, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons)
Sous-marins d’attaque français (800tonnesNavalArt, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons)

La France vient de rappeler ses ambassadeurs à Washington et à Canberra. La belle affaire ! Deux jours après l’annonce d’un partenariat stratégique entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni, l’AUKUS (c’est son nom) s’est traduit par la rupture unilatérale d’un contrat de livraison par la France à l’Australie de douze sous-marins à propulsion conventionnelle pour un prix d’environ 50 milliards de dollars. Le « contrat du siècle » échappe donc à Naval Group. En revanche, les Etats-Unis équiperont l’Australie de sous-marins à propulsion nucléaire. Une nouvelle guerre du Pacifique vient de commencer. Si la Chine dénonce « une mentalité de guerre froide », les observateurs les plus avertis s’inquiètent d’une guerre plus réelle autour de l’avenir de Hong Kong et de Taïwan.

Les intérêts stratégiques

Cette affaire est un camouflet pour la France que le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drain, traduit en termes peu diplomatiques « un coup dans le dos ». Mais qui devrait ouvrir les yeux sur l’attitude des États-Unis à l’égard de ses « alliés » français et européens, appelés désormais à jouer les faire-valoir.
La formidable puissance économique et donc militaire des États-Unis les a rendus maîtres du ciel, de la mer, de l’espace. Grâce à quoi ils sont devenus les maîtres du monde imposant leurs lois sur le reste de la planète. Des conflits armés « au nom de la liberté » au Vietnam, en irak, en Libye et ailleurs n’avaient pour but que préserver leurs intérêts économiques et stratégiques. Et pour assurer la suprématie du dollar !

America first !

De fait, la puissance américaine lui permet d’imposer ses règles aux entreprises et aux États étrangers. Sous couvert de lutte contre la corruption, les Américains affaiblissent certaines entreprises stratégiques pour mieux se positionner sur les marchés mondiaux. Elle utilise le droit comme une arme économique. Deux exemples parmi beaucoup d’autres.
En 2015, la banque BNP Paribas a écopé d’une amende de 8,9 milliards de dollars. Sa faute ? Avoir utilisé le dollar dans ses transactions avec « des ennemis des Etats-Unis », en particulier l’Iran et Cuba.
En avril 2013, Frédéric Pierucci, président de la filiale chaudière d’Alstom et trois de ses collaborateurs sont arrêtés à New York par le FBI pour une affaire de corruption en Indonésie. Le 22 décembre 2014, l’entreprise française est condamnée par la justice américaine à payer une amende record de 772 millions de dollars. Dans la foulée, Alstom est rachetée par l’américain General Electric, au nez et à la barbe de l’Etat français.

Du piratage

L’affaire Alstom pose de vraies questions d’indépendance, car c’est une entreprise stratégique, dans la filière nucléaire notamment. « La vente d’Alstom à General Electric nous prive d’autonomie stratégique sur deux points essentiels : les turbines pour les sous-marins nucléaires, les navires de surface, le porte-avion Charles de Gaulle, ainsi que sur les centrales nucléaires civiles », explique le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) Éric Denécé qui a enquêté sur cette affaire.
Bref, un acte de piratage des temps modernes.

La langue universelle, le billet vert, les GAFAM

Grâce à leur puissance gigantesque, les multinationales comme les Gafam (Google, Appel, Facebook, Amazon) ont réussi à conquérir le monde. Elles engrangent de fabuleux profits. L’extra-territorialité du droit américain est là pour les protéger. Il suffit d’utiliser une puce électronique, un iPhone, un hébergeur ou un serveur américain pour se retrouver sous le coup de la loi américaine. Rappelons que c’est une société de droit privé californien, l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) qui attribue les noms de domaines et les adresses sur Internet.
Grâce aux Gafam, l’Amérique impose peu à peu la langue anglo-américaine au reste du monde, véhicule les idées américaines, la culture américaine, contrôle tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux…
Dans son livre publié en 2008 aux éditions du Seuil, Frédéric Charpier prévenait déjà que, depuis 1947, date de sa création, de la CIA intervenait partout en France. Ses agents agissent sous couverture officielle pour mener des opérations clandestines « infiltrant, finançant et manipulant des syndicats, des partis politiques, des fondations, des instituts, des culturelles ». La Centrale est présente dans la haute administration française et surveille de près les secteurs sensibles comme l’aéronautique ou le nucléaire.
L’affaire des sous-marins australiens n’est finalement qu’un aspect de cette guerre économique asymétrique qui illustre une fois encore la faiblesse de la France et de l’Europe face aux enjeux du monde qui vient.
Nos dirigeants devraient savoir que l’Amérique n’a pas d’alliés, elle n’a que des intérêts qu’elle défend sans état d’âme.
America First ou America über alles ?

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