Quitter la haute fonction publique pour se lancer dans les affaires peut parfois être un exercice périlleux. Voire dangereux. Le cas de Franck Supplisson est là pour le démontrer. Avec force et fracas.
La reconversion hasardeuse de cet ancien directeur de cabinet ministériel lui vaut d’être actuellement en détention à la prison de Nanterre (Hauts-de-Seine).
Et pourtant l’homme avait une carrière toute tracée au sein de l’administration centrale française. Il y a des débuts plus modestes : il n’a que 34 ans en 2007 quand il intègre le pool des conseillers de Nicolas Sarkozy à l’Élysée et en devient le benjamin. Puis Christine Lagarde le choisit pour diriger son équipe à Bercy et, enfin, Eric Besson lui donne toute sa confiance en le faisant venir par la suite au ministère de l’Industrie.
Un réseau au sein des ministères
Énarque et polytechnicien, Franck Supplisson qui a le CV rassurant, a su se créer un excellent réseau au sein des ministères. C’est ce qui a séduit Alain Samson, un self-made man, qui a fait fortune entre autres dans le transport routier. À la tête d’un groupe en pleine expansion – il vient de racheter TLW un « poids lourd » du secteur au Luxembourg, l’homme d’affaires tombe de haut. Aujourd’hui, il avoue avoir été trahi par celui qu’il avait fini par prendre pour associé.
« J’ai été trompé »
Tout démarre peu avant l’épidémie de Covid. Samson, à la tête de la société d’investissement Samfi Invest décide en décembre 2019 de racheter, pour une somme très modique, l’entreprise Alpine Aluminium de Cran-Gevrier, proche d’Annecy (Haute-Savoie). Supplisson est à la manœuvre et promet monts et merveille aux salariés, aux représentants de l’État ainsi qu’au Tribunal de commerce. En l’occurrence une réindustrialisation du site.
Or la suite des événements est plutôt brutale : à ce jour, l’ensemble des salariés a été licencié, les stocks et les machines revendus. À la suite d’un long combat judiciaire, la cession d’Alpine Aluminium a pu finalement être annulée.
Alain Samson ne décolère pas. L’homme qui dirige un nombre incalculable de sociétés a l’habitude de déléguer la gestion de ses entreprises à des hommes de confiance.
Selon Mediapart il aurait déclaré lors d’une garde à vue en 2023: « Je me suis trompé d’homme. Supplisson n’a pas fait ce qu’il fallait ».
Escroquerie au jugement et falsification de documents
Pour sa défense, Franck Supplisson estime quant à lui qu’il n’a pas pu relancer l’entreprise en raison du confinement de 2020 et d’une histoire de pollution sur le site. L’ancien haut fonctionnaire doit regretter d’avoir embarqué Alain Samson. D’autant que celui a été contraint au même moment de s’éloigner de la gestion de ses affaires en raison d’un drame familial. Sa fille qui l’épaulait dans la conduite du groupe a trouvé la mort dans un accident d’avion.
Au final, Franck Supplisson a été mis en examen pour escroquerie au jugement et falsification de documents, entrainant avec lui l’investisseur principal.
Procès prévu en 2025
Mais celui-ci a décidé de se défendre becs et ongles. Il vient de décider la révocation du président d’Alpine Aluminium, Jean-Noel Henon. Dans un courrier que nous avons pu consulter, il lui reproche d’avoir « joué un rôle actif, aux côtés de Monsieur Frank Supplisson, dans le processus de reprise des actifs de la SCOP ALPINE ALUMINIUM. » Contacté par infodujour.fr Jean-Noel Henon s’est refusé à tout commentaire.
Il s’agit sans aucun doute d’un nouvel élément à charge contre l’ancien haut fonctionnaire qui, de sa cellule – il est détenu pour non-respect de son contrôle judiciaire – prépare sa défense pour un procès prévu au début de l’année prochaine.
Contacté par nos soins, son avocat Antoine Vey n’a pas souhaité s’exprimer.
Frédéric Crotta