Comme nous le redoutions, la réunion du Syndicat Mixte Intercommunal des Transports Urbains (SMITU) de Thionville-Fensch du 9 septembre a été particulièrement animée. Compte-rendu.
Par Bernard Aubin
Environ quatre-vingts personnes ont manifesté mercredi soir devant le complexe de Veymerange où se réunissaient anciens et futurs membres du SMitU (syndicat mixte des transports urbains). L’organisme, composé d’élus locaux et de représentants des communautés d’agglomérations est l’autorité organisatrice des transports qui circulent sous la marque Citéline. Étaient présents des parents d’élèves, des chauffeurs de bus de la Trans-Fensch inquiets pour leur sort, des usagers, des membres du Collectif Yussois DEFY et quelques élèves victimes de la refonte des horaires de cars.
Baptême du feu
Les membres du SMiTU ont dû affronter les huées et les invectives des manifestants dressés sur le passage qui mène à leur salle de réunion. La représentante de l’association de parents d’élèves FCPE leur a égrainé, en guise d’entrée, la longue liste des carences affectant le plan de transport en vigueur depuis la rentrée. Des dizaines de mails de parents excédés, qui pour certains ont dû transférer leurs enfants vers de nouveaux établissements accessibles en bus.
Des parents en colère ont apostrophé le Président du SMitU, Roger Schreiber. « 80 % des problèmes qui nous ont été signalés seront réglés d’ici une semaine, leur a-t-il signifié ». « Et les 20 % qui restent ? » lui a objecté le représentant du Collectif DEFY, rappelant au passage que hormis les scolaires, d’autres usagers sont impactés tels les salariés et les personnes âgées dont c’est le moyen de locomotion. « Pourquoi avoir cassé un plan de transport qui ne marchait pas trop mal pour le remplacer par quelque chose qui ne fonctionne pas du tout ? La seule solution viable pour tous, c’est le retour à l’ancien plan de transport ! » poursuit DEFY qui n’obtiendra aucune réponse de la part de Roger Schreiber.
Rappelons que la pétition contre le nouveau plan de transport dépasse désormais les 4000 signatures, agrémentées de 2000 commentaires détaillant souvent précisément les carences de la nouvelle organisation : arrêts de bus ou itinéraires supprimés, temps de parcours allongés, bus bondés qui ne peuvent recueillir les clients des dernières haltes, correspondances brisées… Autant de défauts de conception du plan de transport qui ne pourront être corrigés qu’à la marge dans le meilleur des cas.
C’est en ce sens que les membres du Collectif DEFY ont remis une lettre ouverte aux membres du SMitU dès leur arrivée sur les lieux. Ils ont réclamé qu’un point soit ajouté à l’ordre du jour de la réunion : le vote sur la remise en vigueur de l’ancien plan de transport, le temps qu’une véritable concertation soit menée avec les usagers. Une lettre ouverte qui restera lettre morte. Visiblement, le sort des usagers importe peu les élus une fois le seuil de la salle de réunion franchi.
Y-a-t-il un président dans la salle ?
L’ordre de jour de la réunion du SMitU n’a pas été modifié comme l’avait suggéré DEFY et comme aurait pu le proposer un ou plusieurs responsables présents. Leurs administrés sont pourtant directement impactés par la nouvelle organisation : 35 villes sont concernées. Certaines disposent de représentants au SMitU, mais la salle semble déconnectée des réalités… On n’y entend même pas la sono de la FCPE, l’atmosphère reste feutrée. Au programme, l’investiture des nouveaux membres du SMiTU, suite des dernières élections municipales, et l’élection du nouveau Président et des Vice-Présidents du syndicat. C’est à cette occasion que nous avons vécu un grand moment d’anthologie.
Le président de séance, doyen de l’organisme, fit un appel à candidature… Y-a-il un candidat à la présidence ? Silence de plusieurs secondes… Pas de réponse ! Ce suspens fut interrompu par une demande de parole du Maire de Hettange-Grande. S’ensuivit la lecture d’une longue déclaration. Conclusion : « je vous demande de poursuivre ! » supplie Roland BALCERZAK qui détaillait les épreuves surmontées au sein du syndicat des transports urbains. Des trémolos dans la voix, Roger Schreiber accepta finalement de rempiler, concédant « j’étais pas parti pour ça… Comme je suis un serviteur de l’État, j’accepte ». Pas d’autre candidat. L’intéressé récolte 41 voix pour, 18 bulletins blancs et un nul : une voix pour le député MoDEM de Thionville, Brahim Hammouche, dont les récentes critiques contre le nouveau plan de transport ont été copieusement décriées au sein de l’assemblée.
Suite du programme : l’élection des Vice-présidents. Et là, pas de concours de circonstances, d’interventions qui par le plus grand des hasards tombent à point nommé. Le Président sort du chapeau une liste de candidats qu’il souhaite présenter au vote. Une anticipation bien surprenante de la part d’un individu surpris d’être réélu, qui n’a pas tardé à reprendre ses marques. Mais ce qui devait passer comme une lettre à la poste devait être compromis par l’intervention du Maire de Hayange. « Il y a peut-être d’autres candidats ! » s’exclame Fabien Engelmann. Patatras : appel à candidatures et votes interminables à bulletin secret pour chaque candidat, mais avec un résultat sans grande surprise sauf une . Jérôme Barbé, ancien Vice-Président du SMitU et président de la Trans-Fensch ne s’est pas représenté. Cette confusion des genres avait été dénoncée par DEFY.
Un silence presque assourdissant…
Dos au mur, dans tous les sens du terme, le public a été impressionné par la réaction ou plutôt par l’absence de réaction des élus locaux, plus prolixes dans les colonnes des journaux ou sur les sites internet de leur ville qu’au sein de l’instance décisionnaire dont ils font désormais partie. Pas facile, en effet, d’avoir le cul entre deux chaises. Les usagers auraient sans doute espéré d’eux la manifestation d’un minimum de compassion et d’exigences face à la situation qu’ils vivent au quotidien. Les interventions en ce sens se comptent sur les doigts d’une main.
Pour leur part, les représentants des communautés d’agglomération, qui financent le SMitU, critiquent mollement le nouveau service. Le représentant de Val de Fensch avoue recevoir tous les jours les récriminations des usagers. Celui de « Portes de France » rappelle l’impact du nouveau changement de service, et qu’il contribue largement au budget. Rappelons aussi que cette dernière communauté est aussi à l’avant-garde du projet de bus à haut niveau de service, celui-là même dont le financement est à l’origine des restrictions imposées au réseau de bus classique et la désorganisation qui en découle…
Quelques -rares- maires osent rompre la sérénité des lieux. : « Avec le nouveau plan de transport, des jeunes sont en danger, et il y a risque de fermeture de classes ! Votre plan favorise l’échec des jeunes ! » critique l’un deux, le seul de toute l’assemblée à réclamer officiellement de rétablissement de l’ancien plan de transport. Un autre fustige l’absence de communication préalable à la mise en place de la nouvelle organisation : « on ne sait pas quoi répondre lorsque les gens réclament ! ». « Il va falloir faire des adaptations » concède Roger Schreiber qui rappela au passage qu’il mènera des discussions avec les présidents des deux communautés d’agglomérations pour obtenir un abondement supplémentaire au fonctionnement du SMiTU.
Le piège risque de se refermer
Le Président qui avoue avoir été un peu chahuté à son arrivée par les manifestants, n’en a pas moins souligné la qualité du dialogue avec les représentants de la FCPE qu’il qualifie de « gens raisonnables ». Reste à savoir qui ne l’est pas ? Ceux qui persistent à maintenir le plan de transport précédent dans son intégralité ?
Car la stratégie du SMiTU est cousue de fil blanc. L’organisme à l’origine du calvaire des usagers s’érige désormais en sauveur, proposant de modifier les services les plus contestés. Il entérinera ainsi la suppression définitive de plusieurs dessertes sur lesquels élus et usagers n’auront pas fait entendre leur voix. Rappelons que Roger Schreiber s’est engagé à résoudre 80 % des dysfonctionnements qui lui auront été communiqués. Les 2000 anomalies recensées dans la pétition et les 650 récriminations postées sur la page Facebook de Citéline risquent en grande partie de passer à la trappe !
Dans d’autres régions de France, l’incompétence des élus, ou leur passivité face à un sujet aussi important, auraient fait l’objet de réactions sans doute moins « raisonnables ». Les nouveaux membres du SMitU doivent se garder d’abuser de leur chance… Pour peu qu’un jour les usagers voient rouge pour de bon.