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La France face à ses limites militaires : entretien avec le général Faugère

Les promesses de puissance militaire française se heurtent à une réalité bien plus modeste, selon le général Jean-Marie Faugère, interrogé par Ligne Droite.

ITW-général-Faugere (capture YouTube)
ITW-général-Faugere (capture YouTube)

Le général d’armée cinq étoiles Faugère dresse un constat sans concession de l’état actuel des forces armées françaises et de leur capacité à se projeter dans des conflits comme celui en Ukraine. Dans un entretien approfondi, il met en lumière le décalage entre les discours politiques et la réalité du terrain.

Une armée de temps de paix face à des discours guerriers

« Nous avons aujourd’hui une armée du temps de paix », affirme d’emblée le général Faugère. Bien que l’armée française soit l’une des mieux constituées en Europe et ait prouvé sa valeur en opérations extérieures depuis plus de 30 ans, elle n’est pas dimensionnée pour un conflit de haute intensité comme celui qui se déroule en Ukraine.
Avec seulement 77 000 hommes dans l’armée de terre, dont moins de la moitié sont des combattants directs, la France est loin de pouvoir rivaliser sur un front russo-ukrainien qui mobilise des centaines de milliers d’hommes sur plus de 1 300 km. Le général souligne également le manque criant de capacités de projection à longue distance, la France ne disposant pas des gros porteurs stratégiques nécessaires.

Les promesses présidentielles face à la réalité

Le général Faugère qualifie de « surréaliste » la promesse d’Emmanuel Macron de déployer 50 000 hommes le long de la frontière russo-ukrainienne. Il rappelle que selon le plan stratégique du chef d’état-major de l’armée de terre, l’objectif est de pouvoir projeter une brigade (environ 8 000 hommes) d’ici à 2025-2026, et une division (20 000 à 24 000 hommes) d’ici à 2027-2030.

Un budget en hausse mais insuffisant

Si les lois de programmation militaire initiées depuis 2017 marquent un changement d’échelle par rapport aux réductions constantes opérées sous Sarkozy et Hollande, l’effort actuel ne permet que de « combler des lacunes » et non de « remonter en puissance ».
Le budget de la défense représente aujourd’hui 1,6% du PIB, loin des 2% promis pour 2025 et exigés par l’OTAN, et encore plus loin des 3% d’après la chute du mur de Berlin ou des 6% sous de Gaulle lors du lancement de la dissuasion nucléaire.

Les pièges de l’exécution budgétaire

Le général dénonce également les « perfidies de Bercy » qui, par des gels de crédits, des annulations et des reports de charge, empêchent l’exécution fidèle des lois de programmation militaire. Fin 2024, le report de charge pour la défense atteignait près de 7 milliards d’euros, « une hauteur qu’on n’avait jamais connue jusqu’à présent ».
Cette incertitude budgétaire paralyse l’industrie de défense qui, faute de commandes garanties sur le long terme, hésite à investir dans de nouvelles capacités de production.

Une souveraineté de défense compromise

« Nous n’avons aucune souveraineté de défense actuellement en France, » affirme le général. La France dépend largement de l’extérieur pour son équipement militaire, notamment pour les composants électroniques, souvent d’origine américaine ou chinoise.
Une remontée en puissance nécessiterait non seulement des investissements massifs, mais aussi 10 à 20 ans d’efforts pour former les officiers, recréer des régiments et reconstruire les infrastructures dilapidées ces dernières décennies.

La dissuasion nucléaire en question

Sur la question nucléaire, le général Faugère rappelle que la France dispose de deux composantes : la force océanique avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (dont un seul est en permanence à la mer) et la composante aéroportée avec les avions Rafale.
Avec environ 290 têtes nucléaires, l’arsenal français reste modeste face aux plus de 1 000 têtes russes ou américaines. La crédibilité de cette dissuasion repose entièrement sur le président de la République, seul à détenir le pouvoir de déclencher un tir nucléaire.
Le général conclut en soulignant l’ambiguïté française sur la définition de ses « intérêts vitaux » qui justifieraient l’emploi de l’arme nucléaire, une ambiguïté qui deviendrait encore plus « vaporeuse » dans le cadre d’une défense européenne.

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