Point-de-vue. « La mobilisation de la force nucléaire relève-t-elle du bluff, d’une simple volonté de bomber le torse face aux difficultés rencontrées par la puissante armée russe freinée par un peuple muni lance-pierres et mobilisé par une détermination en acier trempé ? »
Par Bernard Aubin
« J’ordonne au Ministre de la Défense et au chef d’état-major de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat », déclarait hier un Vladimir mis en scène comme il aime. Toisant ses responsables militaires, il a asséné un message clair, genre : « Ici, je suis le grand chef, le seul chef. Le chef dont on exécute les ordres sans discuter, avec application et en baissant la tête en signe de soumission ».
Ce trait de caractère de Poutine, c’est aussi la marque de fabrique qu’il impose à ceux qu’il répertorie parmi les « faibles ». Elle s’est maintes fois illustrée : par la longueur de la table qui le séparait d’Emmanuel Macron lors de la rencontre du 7 février, par le Molosse qui trônait dans les jambes d’une Angela Merkel qu’il savait terrorisée par les chiens, et par la « branlée » (c’est le terme le mieux approprié) infligée à Nicolas Sarkozy juste après son élection.
Un animal à sang froid
En juin 2007, notre nouveau Président de la République Française avait trouvé intelligent de fanfaronner devant un homme qui a le pouvoir, à lui seul, de raser la planète entière. Et qui de surcroît est peu adepte du politiquement correct. Lors de la conférence de presse qui suivit, Sarkozy parut ivre. La vodka n’y était pour rien : il était encore groggy sous l’effet d’une riposte de Poutine teintée d’autorité et agrémentée d’insultes.
Poutine est un animal à sang froid. Il jauge ses interlocuteurs et les répartit en deux catégories : les forts et les faibles. Pour lui, ces derniers n’ont droit à aucune compassion. Il pousse le cynisme jusqu’à jouer avec eux comme font certains prédateurs avant de dévorer leur proie. Attitude que nos dirigeants français successifs n’ont visiblement pas intégrée avant de le rencontrer. Manque évident de professionnalisme !
Il annonce ses coups
Autre trait de caractère facilement identifiable par simple observation des faits : Poutine se plaît à être délibérément prévisible, et il en joue. Tant mieux pour ceux qui prendront le temps de l’écouter et tant pis pour les autres. En 2005, déjà, le Président russe prévenait : « L’Ukraine pourrait avoir des problèmes, je le dis franchement » si elle persistait à vouloir adhérer à l’Otan. Le conflit d’aujourd’hui ne devrait donc surprendre personne.
Au risque d’insister, rappelons que les faits démontrent que Poutine annonce systématiquement ses positions à l’avance. Parfois de manière très directe, parfois de manière subliminale. Mais il ne cache jamais ses intentions. Sa stratégie est étalée à l’avance, pour qui prendra la peine d’ouvrir grand ses oreilles. Et parce qu’il a horreur de ne pas être pris au sérieux, tout porte à penser qu’il ira jusqu’au bout de ses intentions. Il part du principe qu’après tout, on avait qu’à l’écouter.
Bluff ou pas bluff ?
C’était en 2005 : Poutine provoqua un électrochoc dans les esprits des dirigeants mondiaux lors d’une intervention sur l’hégémonisme américain. Mais le soufflet est rapidement retombé. À tort. Une situation qui ne va pas sans rappeler l’échange récent entre Macron et Poutine, durant lequel le dernier menaçait clairement la France de graves représailles si elle venait à rallier le camp de ses opposants. Une phrase très riche de sens, mais totalement passée sous silence par les médias.
Les mêmes s’interrogent aujourd’hui sur l’importance à donner à l’annonce faite par Poutine hier. La mobilisation de la force nucléaire relève-t-elle du bluff, d’une simple volonté de bomber le torse face aux difficultés rencontrées par la puissante armée russe freinée par un peuple muni lance-pierres et mobilisé par une détermination en acier trempé ?
La troisième guerre mondiale ?
Poutine aime à pratiquer l’humiliation vis-à-vis des autres. Mais soyons conscients qu’il ne supportera pas l’inverse. Son orgueil risque de le pousser à l’extrême, quelles qu’en soient les conséquences. Une nouvelle fois, il a affiché ses intentions à l’avance. La mine déconfite d’Emmanuel Macron laisse entendre que, pour une fois, la menace est prise au sérieux.
Au moindre dérapage, la troisième guerre mondiale frappera notre « petit pays ». Peut-être même avant les États-Unis, ne serait-ce que pour l’exemple. Par effet d’escalade, un conflit nucléaire pourrait raser notre planète.
Bien malin sera celui en mesure d’apaiser des tensions qui atteignent aujourd’hui leur paroxysme. Mais sans céder au catastrophisme, arrêtons de nous poser des questions qui n’ont pas lieu d’être. Poutine a, une nouvelle fois, déjà tout dit. Et l’on a de quoi douter de la bonne foi du Kremlin lorsqu’il revendique la volonté de trouver un accord avec Kiev.
Il ne nous reste plus qu’à espérer…