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Poutine fait faux bond à l’Occident

Point-de-vue. C’est une autre lecture du conflit en Ukraine qui est proposée ici, fondée à la fois sur les accords passés entre les grandes puissances et sur la réalité du terrain.

Robert Harneis
Robert Harneis, journaliste

Par Robert Harneis

Je pense que nous pouvons dire sans risque que Poutine a trompé tout le monde sur ses intentions en Ukraine. Bien sûr, toutes ces histoires de Russes marchant sur Kiev et massacrant des milliers de personnes se sont avérées être des foutaises, mais qui avait prédit qu’il reconnaîtrait les Républiques sécessionnistes de Donetsk et de Luhansk ?

Le non-respect des engagements

Il semblerait que la patience russe à l’égard du double langage occidental ait finalement été épuisée, vu qu’il n’y avait aucun signe de l’Occident obligeant l’Ukraine à honorer ses obligations au titre des accords de Minsk, qu’elle a signés en 2015.
Ces accords auraient, entre autres, accordé au Donbass l’autonomie et la liberté linguistique. Le gouvernement ukrainien a clairement indiqué qu’il n’avait pas l’intention de respecter les engagements qu’il a signés.
Il convient de noter qu’ils ont été approuvés par le Conseil de sécurité des Nations unies. Les gouvernements occidentaux n’ont cessé de suggérer que la Russie était partie aux accords et qu’elle pouvait et devait donc prendre des mesures pour les rendre effectifs. Mais les accords comportaient un calendrier strict qui dépendait d’abord des actions du gouvernement ukrainien pour prendre effet. En particulier, le paragraphe 9 demandait « le rétablissement du contrôle total de la frontière de l’Ukraine par le gouvernement ukrainien dans l’ensemble de la zone de conflit, qui devrait commencer le premier jour après les élections locales et être achevé après un règlement politique global (élections locales dans les différentes zones des régions de Donetsk et de Louhansk sur la base de la loi ukrainienne, et une réforme constitutionnelle) d’ici à la fin de 2015, à condition que le paragraphe 11 soit mis en œuvre – avec des consultations et en accord avec les représentants des différentes zones des régions de Donetsk et de Louhansk dans le cadre du groupe de contact trilatéral ».

Nul et non avenu

Le paragraphe 11 susmentionné exige de « mener la réforme constitutionnelle en Ukraine, la nouvelle constitution entrant en vigueur d’ici la fin de 2015, en prévoyant la décentralisation comme élément clé (en tenant compte des caractéristiques des zones individuelles des régions de Donetsk et de Louhansk, en accord avec les représentants de ces zones), ainsi que l’adoption de la législation permanente sur le statut spécial des zones individuelles des régions de Donetsk et de Louhansk conformément aux mesures spécifiées dans la note [1] , jusqu’à la fin de 2015.
Le gouvernement ukrainien n’a fait aucun geste pour mettre en œuvre ces paragraphes et l’accord est donc resté nul et non avenu.
Or, depuis 2014, l’Occident a prétendu que l’armée russe était déjà dans les républiques séparatistes de Donetsk et de Louhansk. Cela n’était vrai que dans le sens très limité où des volontaires étaient autorisés à y servir et où des munitions et de la nourriture étaient fournies.
En outre, aucune personne sensée ne doute que les habitants de Donetsk sont absolument ravis d’être « envahis » et protégés contre leur propre gouvernement brutal. L’Occident doit donc mettre à exécution la menace d’imposer de nouvelles sanctions à la Russie pour avoir fait ce qu’elle est déjà censée avoir fait pendant plusieurs années et dont les habitants se félicitent.

Coup d’État à Kiev

N’oublions pas que les sanctions ont nui à l’Europe et n’ont gêné que la Russie, tout en renforçant la nature fortement autarcique de l’économie russe. Bien entendu, elles n’ont en aucun cas gêné les États-Unis. Pour ajouter à la confusion, les diplomates américains ne semblaient pas certains qu’il s’agissait réellement d’une invasion.
Les diplomates et experts occidentaux n’ont pas hésité à affirmer que les actions de la Russie étaient contraires au droit international. Cependant, le ministère russe des affaires étrangères a souligné que ce qu’il faisait était conforme à la Charte des Nations unies. Notons les parties essentielles du texte de la déclaration du ministère russe des Affaires étrangères qui accompagne cette déclaration : « Il y a exactement huit ans, le monde a assisté à un coup d’État anticonstitutionnel sanglant à Kiev… »
« Cette décision a pris en considération le fait que le peuple du Donbass a librement exprimé sa volonté conformément à la Charte des Nations unies, à la Déclaration de 1970 relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États, à l’Acte final de la CSCE et à d’autres documents internationaux fondamentaux. »

Le camp Bondsteel

Pour l’Occident, il y a aussi le problème du Kosovo. Le Kosovo ? En 1999, les États-Unis et l’OTAN ont attaqué la Serbie par un assaut aérien massif du 24 mars au 10 juin. À la fin de cette opération, ils ont occupé le territoire serbe du Kosovo et les États-Unis y ont établi leur plus grande base étrangère au monde, le Camp Bondsteel. L’attaque a eu lieu sans le consentement des Nations unies et a été justifiée par le fait que la population avait besoin d’être protégée de son gouvernement. Ce sont précisément les mêmes motifs que le président Poutine a invoqués pour reconnaître Donetsk et Louhansk.
Pour les populations d’origine russe de l’Est de l’Ukraine, tout cela est une bonne nouvelle, et peut-être même pour tout le pays. Les bombardements et le harcèlement constants des républiques séparatistes vont maintenant cesser ou les auteurs de ces actes seront probablement éliminés.
Le gouvernement ukrainien réfléchira bien avant de poursuivre son harcèlement des populations d’origine Russe en Ukraine proprement dite. Ils ont été avertis dans le discours de Poutine que les auteurs du massacre d’Odessa (2014) seront retrouvés et jugés. Cela permettra aux Ukrainiens favorables à de meilleures relations avec la Russie de s’exprimer avec beaucoup moins de crainte des persécutions qu’ils subissent actuellement.

Poutine ne fait pas de menaces en l’air

Les fascistes d’Ukraine occidentale seront très mécontents. Ils savent maintenant qu’ils sont des hommes marqués. Dans son discours de reconnaissance du 21 février, Poutine a déclaré : « On frémit au souvenir de la terrible tragédie d’Odessa, où des manifestants pacifiques ont été brutalement assassinés, brûlés vifs dans la Maison des syndicats. Les criminels qui ont commis cette atrocité n’ont jamais été punis et personne ne les recherche. Mais nous connaissons leurs noms et nous ferons tout pour les punir, les retrouver et les traduire en justice ». Il avait déjà déclaré par le passé : « Mon travail consiste à envoyer les terroristes au paradis, c’est à Dieu de décider ce qu’il faut faire d’eux. » Poutine ne fait pas de menaces en l’air.
Il faut donc espérer que ce mouvement inattendu améliorera la nature de la politique à Kiev. Les puissances occidentales ont utilisé des éléments fascistes pour mener le coup d’État de Maidan à Kiev en 2014, lorsqu’un président élu librement et équitablement a été renversé. Ils ont empoisonné la politique ukrainienne depuis lors. L’Occident n’a rien fait pour les freiner. Il faut espérer que ce problème sera maintenant abordé. Si c’est le cas, cela ne peut que renforcer la main des modérés à Kiev.
Comme prévu, les puissances occidentales ont réagi par des sanctions. L’Allemagne a réagi à la décision de Poutine en annonçant qu’elle ne poursuivrait pas la certification du gazoduc Nord Stream 2 « dans les circonstances actuelles ». Il sera intéressant de voir combien de temps ils s’y tiendront – certainement jusqu’à la fin des élections américaines de mi-mandat en novembre, afin que Biden puisse prétendre qu’il a arrêté le projet.
Quoi qu’il en soit, étant donné la pénurie d’énergie en Europe, l’arrêter définitivement semble être un bon moyen pour l’Europe de se tirer une balle dans le pied. Curieusement, personne ne veut parler de l’identique parallèle Nord Stream 1 et de son arrêt. Pourquoi pas ?
Pour mémoire, il semble que, nulle part, un diplomate occidental ait exprimé la moindre préoccupation pour les milliers de personnes d’origine Russe qui ont été tués et blessés au cours des huit dernières années dans les républiques séparatistes.
À suivre…

[1] Accords de Minsk English – https://www.unian.info/politics/1043394-minsk-agreement-full-text-in-english.html

[1] Accords de Minsk Français – chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/viewer.html?pdfurl=https%3A%2F%2Fhorlogedelinconscient.fr%2Fwp-content%2Fuploads%2F2020%2F10%2FAccords-de-Minsk-2-Texte-integral.pdf&clen=134977&chunk=true

[1] English version – https://www.mid.ru/ru/foreign_policy/news/1799883/?lang=en

[1] Washington Post 9 Feb 2010 https://www.oscepa.org/en/news-a-media/press-releases/press-2010/international-observers-say-ukrainian-election-was-free-and-fair

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