Vosges
Partager
S'abonner
Ajoutez IDJ à vos Favoris Google News

Bientôt cinq plaintes déposées contre l’hôpital de Remiremont

Quatre plaintes pour homicide involontaire et une pour mise en danger de la vie d’autrui, cela fait beaucoup pour un même établissement. L’hôpital de Remiremont (88) est dans la tourmente judiciaire. Et ce n’est peut-être qu’un début.

Centre hospitalier de Remiremont (Mathieu Kappler, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons)
Centre hospitalier de Remiremont (Mathieu Kappler, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons)

C’est l’avocate spinalienne Nancy Risacher qui a lancé l’alerte en déposant récemment trois plaintes au pénal, toutes contre X et toutes visant l’hôpital de Remiremont dans les Vosges. Une autre plainte avait déjà été déposée en amont par l’un de ses confrères, dont elle a repris le dossier. Et une cinquième, en cours de rédaction, sera déposée en début de semaine prochaine. Quatre de ces plaintes sont pour homicide involontaire, la dernière étant pour blessure et mise en danger de la vie d’autrui. Des accusations graves, avec des cas de décès inexpliqués qui se ressemblent étrangement.

Deux décès suite à des fractures du fémur

Quand Martine Souque, âgée de 67 ans, est hospitalisée à Remiremont pour une fracture du fémur en juillet 2022, aucune de ses filles ne s’attend à ce qu’elle décède à l’hôpital. D’autant plus que l’opération de leur mère s’est bien passée et que celle-ci devait partir en centre de réadaptation. Mais Martine Souque meurt soudainement le jour de sa sortie. Ses filles ne comprennent pas : que s’est-il passé ?
Aucune explication claire et cohérente ne leur sera apportée, malgré leur insistance à vouloir comprendre. « Elles se sont heurtées à un mur, à un manque de communication de la part des équipes de l’hôpital et parfois même à des réflexions désagréables », note Me Risacher.
Le cœur du problème réside cependant ailleurs : le dossier de suivi médical est complètement nébuleux, contient « plusieurs incohérences, des manques de données, des éléments troublants », si bien qu’il est « impossible de reconstituer l’historique de la prise en charge de la patiente ». On sait juste qu’elle s’est plainte de douleurs au niveau du dos, puis peu après au niveau du thorax, avant qu’on la retrouve inanimée. Mais a-t-elle été prise en charge pour ces symptômes ? Mystère. Et était-elle décédée quand on l’a retrouvée inanimée ? « On peut le penser, puisque d’après son dossier médical, elle était déjà en hypothermie. Mais avec 6 de tension ! Comment est-ce possible ? », souligne l’avocate.

Alors que cette affaire fait parler d’elle, le fils d’une femme décédée en juillet 2020 contacte Me Risacher et lui raconte peu ou prou la même histoire. Sa mère de 78 ans a, elle aussi, été hospitalisée à Remiremont suite à une fracture du fémur et elle aussi est subitement décédée quelques temps après son opération. Son dossier médical indique qu’elle a été prise en charge par le même chirurgien et le même anesthésiste que Martine Souque… Le fils de cette patiente n’a pas non plus obtenu d’explications claires sur le décès de sa mère, mais il se souvient qu’elle n’allait pas bien du tout et lui avait téléphoné pour qu’il vienne la chercher…

Deux décès suite à des pancréatites aiguës

Autre décès inexpliqué : celui d’une femme de 59 ans, Iréna Rouillon, hospitalisée à Remiremont en mai 2022 pour une pancréatite aiguë. La patiente est brutalement décédée, là encore sans explications valables et avec un dossier médical rempli d’incohérences et de mystères dans la prise en charge.

Comme précédemment, la médiatisation de cette affaire en a fait émerger une autre, puisque Me Risacher a été contactée il y a peu par l’époux de Claudette Zanin, une femme de 51 ans, elle aussi décédée à l’hôpital de Remiremont en décembre 2018 suite à une pancréatite aiguë, dans des circonstances à nouveau très floues.

« A chaque fois, ces décès sont expliqués par un arrêt cardiaque ou une défaillance multi-viscérale, mais ce ne sont pas des explications. Que s’est-il passé pour que l’état de ces patientes se dégradent ainsi soudainement ? Et a-t-on réellement pris en charge les symptômes et mis tous les moyens en œuvre pour éviter ces aggravations ? Au vu des dossiers de suivis médicaux fournis, on peut sérieusement en douter », insiste l’avocate du barreau d’Epinal, pour qui « les familles des patientes, maintenues dans une sorte d’opacité, ont le droit de connaître la vérité ».

Dix côtes cassées passées inaperçues

Dans le dernier cas, il n’y a heureusement pas eu de décès, mais le pire aurait pu arriver, d’où une plainte pour blessure et mise en danger de la vie d’autrui. Il s’agit d’un homme de 46 ans, hospitalisé à Remiremont en octobre 2022 après une chute d’un toit. Malgré ses douleurs et sa difficulté à respirer, l’équipe soignante ne détecte rien d’anormal au scanner et le laisse repartir chez lui avec une ordonnance de Doliprane. Environ trois semaines plus tard, les douleurs étant insupportables, l’homme finit par passer une radio dans un centre d’imagerie médicale à Essey-lès-Nancy. Le résultat est net et sans appel : dix côtes cassées !
« C’est incompréhensible et les conséquences auraient pu être très graves si une des côtes avait touché la rate, le foie ou les poumons », s’indigne Me Risacher qui, même si elle se dit consciente du manque de moyens et de personnels dans les hôpitaux, estime que l’on ne peut pas accepter de tels manquements.

Enquêtes judiciaires en cours

Concernant les décès inexpliqués, le Parquet d’Épinal a ouvert une information judiciaire « contre X pour homicide involontaire » et le Procureur de la République, Frédéric Nahon, a saisi des juges d’instruction. Les enquêtes devront permettre de clarifier s’il y a eu des erreurs médicales ou non dans les différents dossiers.

De son côté, la direction de l’hôpital de Remiremont s’est dite « désolée de la situation ». Son directeur, Dominique Cheveau, a déclaré que les patientes avaient bénéficié d’une « prise en charge selon les règles de l’art » par une « équipe chirurgicale chevronnée ». Et de conclure : « Nous ne demandons qu’à comprendre ce qui s’est passé ».

L’affaire risque toutefois de s’alourdir. En effet, plusieurs familles ont contacté Me Risacher ces derniers jours pour lui rapporter des cas similaires de décès suspects à l’hôpital (et pas uniquement à Remiremont). Même si, après examen, tous n’aboutiront pas à des dépôts de plaintes, il est fort probable cependant que la liste des plaignants augmente.

France Grand Est Lorraine Vosges