Alors que le budget communal n’a pas été voté, que plusieurs procédures sont en cours, le maire Yvon Vincent reste serein, car, dit-il, « tout va bien » dans la commune.
Située à une vingtaine de km de Nancy, à deux encablures de Moncel-sur-Seille, la commune de Sornéville (54) paraît paisible au milieu des champs. Le calme n’est qu’apparent. Car, depuis des années, la population se déchire à propos d’histoires de harcèlement, de prise illégale d’intérêts au profit du fils du maire, de complaisances ou de disgrâces qui frappent les uns ou les autres. Cette atmosphère délétère s’exprime jusqu’à la mairie où elle a fait littéralement exploser le conseil municipal.
Toutes les délégations
« C’est un maire autocrate, assène Ruth Dubillard, ex-première adjointe de Sornéville. Il gère la commune seul. Nous sommes désormais sept conseillers municipaux dans l’opposition. Le budget des deux derniers exercices n’a pas été voté. »
Le maire, c’est Yvon Vincent, 72 ans à la Sainte-Bertille, natif du village comme il se plait à le dire. Ancien chef d’entreprise, il gère la commune comme une firme. Il décide, les autres exécutent.
« Je me suis rendu compte qu’il ne fallait surtout pas le contredire, rajoute l’ancienne adjointe. J’ai posé trop de questions. Il m’a enlevé mes délégations. Nous sommes allés devant le tribunal administratif qui lui a donné raison. Aujourd’hui, le maire a tous les pouvoirs et toutes les délégations. Nous ne l’acceptons pas. Nous demandons sa démission. »
Une enquête des gendarmes
Les choses se sont envenimées lorsque des terrains agricoles ont été attribués à l’entreprise du fils du maire pour y construire un petit lotissement. Plainte a été déposée en octobre 2021. La section des recherches de la gendarmerie de Nancy a été chargée d’aller voir tout ça d’un peu plus près. Les enquêteurs ont entendu les élus, y compris le maire. Car pour transformer des terres agricoles en terrains constructibles, il faut modifier le Plan Local d’Urbanisme (PLU). D’où les remous au sein du conseil mais aussi dans le village. Les rumeurs, fondées ou non, se sont invitées dans toutes les conversations. « L’ambiance est détestable » admet une habitante sous couvert d’anonymat. « Il y a des clans, de l’animosité, parfois de la haine entre les gens. »
Lettre à la Première ministre
Plusieurs élus de la liste du maire en 2020 ont basculé dans l’opposition, désormais majoritaire. Les sept élus d’opposition ont adressé une lettre au préfet en mai 2022 pour lui demander de débloquer la situation. Mais aussi au maire, le 12 août 2022, lui expliquant que « la confiance qui nous liait est rompue ». Ils expliquent : « Vous usez de votre pouvoir de manière abusive, par des courriers ou des poursuites judiciaires abusives envers de nombreux habitants… les élus n’ont pas droit à la parole ».
Le 12 janvier 2023, Ruth Dubillard adresse une longue lettre à Elisabeth Borne pour se plaindre de la situation, rappelant qu’une tentative de médiation avec la préfecture n’a pas abouti. Elle demande à la Première ministre de « prendre en considération la demande de dissolution du conseil municipal ». Le 28 septembre 2023, un élu, Christian Thirion écrit à Mme le préfet pour lui demander, une nouvelle fois la dissolution du conseil municipal puisque, dit-il, « les dissensions entre le maire et la majorité des élus sont irréversibles ».
« La loi 3DS de février 2022 »
Qu’en pense le maire ? « Ce sont des histoires qui datent d’avant les élections de 2020, explique Yvon Vincent. Il n’y a rien contre le maire, il n’y a pas matière à poursuites dans l’affaire de la modification du PLU puisque c’est de la compétence de la communauté de communes, pas de la mairie de Sornéville. »
Pourquoi a-t-il enlevé ses délégations à Ruth Dubillard ? « Pour des petites choses, comme il y en a dans toutes les communes. Elle est allée au tribunal administratif, elle a perdu. De là s’est formée une opposition au maire. La mise sous tutelle par la préfecture ? Cela n’existe pas. Du point de vue du fonctionnement, tout va bien dans notre commune, plutôt riche. L’élément clé, dans tout cela, c’est la loi 3DS de février 2022 qui a pour objet, notamment, la simplification et la facilitation de l’action publique locale. »
En d’autres termes, la loi donne tous les pouvoirs au maire.
Yvon Vincent poursuit : « Moi, je suis né dans ce village, j’en suis un peu la dernière mémoire active. J’ai été chef d’entreprise pendant 38 ans. Je cherche les côtés positifs. Pour moi tout va très bien, j’ai beaucoup donné à la commune en 13 ans. C’est ce que je vais continuer à faire jusqu’en 2026 puisque j’ai pris cet engagement. Dans deux ans, ils [les opposants] peuvent se présenter et se faire élire. Après, on verra…