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Énergie : Un autre scénario est possible

Le Cérémé, un think tank indépendant, appelle à une réorientation stratégique urgente, basée sur des choix rationnels, économiquement viables et écologiquement efficaces, afin de garantir l’avenir énergétique de la France. Explications et entretien avec Bruno Ladsous, administrateur et président de la fédération Vent de Colère.

Éoliennes en baie de Saint-Brieuc (Photo Gardez les caps)
Éoliennes en baie de Saint-Brieuc (Photo Gardez les caps)

Une tribune virulente publiée le 3 juillet dans Le Figaro par trois figures de la droite — Bruno Retailleau, François-Xavier Bellamy et Julien Aubert — a jeté un pavé dans la mare en pleine discussion parlementaire sur la politique énergétique de la France, comme nous l’avons écrit. Les auteurs y appellent à mettre fin aux subventions publiques à l’éolien et au photovoltaïque, qu’ils jugent trop coûteux, peu fiables et nuisibles à l’environnement. Cette prise de position, en faveur d’un retour massif au nucléaire, a immédiatement ravivé des tensions au sein des Républicains (LR) et provoqué des remous au sein du gouvernement.

Alerter l’opinion publique et les politiques

Le Cérémé, critique vivement la politique énergétique actuelle de la France, fondée sur le « en même temps énergétique », c’est-à-dire le développement simultané du nucléaire et des énergies renouvelables intermittentes (éolien et solaire). Une autre politique est possible à l’horizon 2035-2050. Le Cercle d’Étude Réalités Écologiques et Mix Énergétique (Cérémé), vise à « alerter l’opinion publique et les responsables politiques sur les enjeux fondamentaux associés à la stratégie de la France et de l’Union européenne à l’égard du mix énergétique. »
Il demande par exemple : « Combien de Français savent que l’éolien et le solaire ont fait doubler leur facture d’électricité depuis dix ans ? » En effet, le think tank constate que :

  • L’éolien et le solaire ont fait doubler la facture d’électricité des Français en dix ans.
  • La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE 3) poursuit cette voie, malgré son coût élevé et son inefficacité énergétique.
  • La France ne parvient pas à mener un débat rationnel et démocratique sur sa stratégie énergétique.

En toute logique, le Cérémé propose d’abandonner l’éolien et le solaire à grande échelle et de s’appuyer sur un mix énergétique basé sur le nucléaire, l’hydraulique, les énergies renouvelables thermiques (biomasse, géothermie, etc.). Il propose aussi d’investir dans la sobriété énergétique des secteurs clés : industrie, logement, transport, tertiaire.

Une vision à long terme

Cette vision à long terme de la politique énergétique présente de nombreux avantages, selon le Cérémé :

  • Des économies estimées à 400 milliards d’euros d’ici 2050.
  • Un renforcement de la souveraineté énergétique.
  • Une accélération de la décarbonation des secteurs les plus polluants.
  •  Une réduction de la dépendance aux industries étrangères et aux rentiers fonciers.

Le Cérémé appelle donc à une réorientation stratégique urgente, basée sur des choix rationnels, économiquement viables et écologiquement efficaces, afin de garantir l’avenir énergétique de la France.

Entretien avec Bruno Ladsous, administrateur du Cérémé, président de la fédération Vent de Colère.

Bruno Ladsous, admijistrateur du Cérémé et président de la fédé Vent de Colère (DR)
Bruno Ladsous, admijistrateur du Cérémé et président de la fédé Vent de Colère (DR)

Le Cérémé dont vous êtes l’un des administrateurs affirme que les énergies renouvelables intermittentes et non pilotables, éolien et solaire, ont fait doubler la facture d’électricité des Français en douze ans. Comment l’expliquez-vous ?

A la base, les coûts d’investissement de ces électricités, peu abondantes au sens où l’entend le Premier ministre, sont élevés pour des durées de vie et des facteurs de charge moyens limités, en comparaison des énergies réellement abondantes parce que de longue durée de vie et avec des taux de disponibilité élevés comme le nucléaire et les hydrauliques.
Il faut y ajouter les coûts de raccordement élevés de ces électricités diffuses, et les coûts de renforcement des réseaux (transfos etc.) qui sont associés à ces électricités produites loin des centres de consommation. Ces coûts rentrent discrètement dans notre facture via ce que l’on appelle le TURPE.
Il faut enfin y ajouter les coûts Système résultant de leur intermittence, et enfin leurs coûts environnementaux calamiteux.
Le problème en France c’est que les pouvoirs publics ne veulent pas tenir compte des coûts complets de production, tout compris. C’est pourtant ce que les sénateurs ont demandé dans leur vote le 8 juillet, en y intégrant le coût des subventions.
Cette augmentation du prix de l’électricité pour les ménages vaut également pour les entreprises, dans des proportions variables selon la nature de leurs contrats. Elle ruine ce qui depuis 40 ans était le seul véritable atout de la France dans la compétition mondiale : le prix de son électricité.
Le Cérémé a publié une étude économétrique réalisée sur trois pays (Allemagne, Danemark, France sur la période 1990 à 2020 , qui démontre un lien de causalité significatif entre la hausse des capacités éoliennes et solaires d’une part, le prix de l’électricité (ménages) corrigé de l’inflation d’autre part.

Malgré un moratoire voté par l’Assemblée nationale puis rejeté le 23 juin, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE 3) poursuit dans cette voie, malgré son coût élevé et son inefficacité énergétique. Comprenez-vous, en tant qu’administrateur du Cérémé mais aussi président de la Fédération Vent de Colère, ces manifestations qui, un peu partout en France, s’opposent au développement de l’éolien terrestre et maritime ?

Les Français ont depuis longtemps compris que l’éolien et le solaire ne sont pas abondants, qu’ils ne décarbonent plus un mix électrique largement décarboné en France depuis la fermeture des centrales fuel et charbon entre 2015 et 2019 (1), qu’au moment de la demande de pointe en hiver dans des conditions sans vent ni soleil ils ne sont pas au rendez-vous, et qu’ils sont à l’origine du doublement du prix de l’électricité en 12 ans.
Ils savent que tous les jours, en France on remplace de l’électricité nucléaire, la plus bas-carbone qui soit, par une électricité nettement plus carbonée qui bénéficie d’un avantage exorbitant : la priorité d’injection dans le réseau, on appelle cela la modulation du nucléaire.
Et surtout les Français n’en finissent pas de découvrir le désastre environnemental de ces machines, ruineuses de l’attractivité des territoires : saccage du patrimoine paysager, historique et mémoriel, nuisances sonores et visuelles notamment la nuit, énorme tribut payé par les zones naturelles et par les espèces volantes, et destruction de zones humides pour implanter ce qui n’est pas autre chose que des zones industrielles à la campagne.
La beauté du monde est pourtant essentielle. Ce n’est pas qu’une question esthétique, car le beau englobe l’histoire, l’éducation, l’art, la culture, et s’ancre dans des valeurs partagées par la Société. Il procure un sentiment de satisfaction, d’équilibre et d’harmonie entre le tout et ses parties.
C’est inculture profonde que de ramener le paysage à un lieu de production d’énergie. La destruction, au nom d’une idéologie vert-de-gris, du beau et de tout ce qui donne un sens à l’existence à la campagne ou sur nos façades maritimes, cela seul explique les oppositions croissantes qui se manifestent partout en France. La Fédération Vent de Colère les accompagne, en outillant les associations par des services qu’elle met à leur disposition.
Ces oppositions citoyennes respectueuses du droit ne sont pas violentes, mais un drame n’est jamais à exclure, car les pouvoirs publics n’en finissent pas de tordre le droit au bénéfice de cette filière, en oubliant totalement la Charte de l’Environnement. Ils feraient bien de prendre garde.

Notre politique énergétique n’est-elle pas trop dépendante de Bruxelles ?

L’énergie est une compétence partagée entre l’Union européenne et les Etats-membres. C’est pourquoi il faut mettre en œuvre les trois principes de subsidiarité, proportionnalité et de neutralité technologique, par application notamment de l’article 5 du traité de l’UE.
Le respect de ces principes est essentiel parce qu’il est inacceptable que le bilan carbone de la France soit dégradé par l’importation d’électricité carbonée venue d’Allemagne.
Mais les gouvernements français successifs n’en finissent pas de s’aplatir devant les exigences invraisemblables de la Commission européenne, pilotée par l’Allemagne. En réalité, nous payons ainsi le prix de l’incapacité chronique de nos gouvernants à sortir des déficits budgétaires.
L’éolien et le solaire c’est bien pour l’Allemagne, assise sur des centrales gaz et charbon : ils contribuent à la décarboner, faute de nucléaire. C’est par faiblesse que nous acceptons presque tous les jours leurs surplus carbonés et erratiques, ce qui nous met en danger au plan de la sécurité du système.
Enfin, les pouvoirs publics cachent soigneusement sous le tapis une information essentielle (2) : dès 2024, les énergies renouvelables y compris la vertueuse hydraulique couvraient 35% de notre consommation électrique domestique, proche de l’objectif 2030 UE auquel la France a souscrit (40%). Mieux encore, en tenant compte des 35 GW de projets éoliens et solaires autorisés mais non encore raccordés, toujours oubliés par le ministère, la part des EnR atteindra 43% en 2030.
Quant au mix énergétique total (incluant chaleur, biogaz, biocarburants…), les renouvelables représentent déjà 25% et devraient atteindre 48% en 2030, bien au-delà de l’objectif de 42,5% fixé par la directive RED III.
La dynamique actuelle des projets suffit donc à respecter les objectifs UE, et par conséquent il n’est pas nécessaire d’investir dans de nouvelles capacités d’énergies intermittentes.

En quelques mots, comment pourrait-on garantir aux Français une énergie à la fois abondante, peu chère et décarbonée ?

Il faut raisonner sur le mix énergétique total, qui inclue les EnR thermiques et les biocarburants, parce que l’électrification des usages de l’énergie n’est pas systématiquement la meilleure des solutions en qualité et en coûts.
Sur le mix électrique, le socle de base nécessaire à la France est celui qui lui a permis de vivre correctement pendant 40 ans, en étant avec les pays du Nord le pays européen le plus vertueux au plan bas-carbone et au plan des prix.
Il faut donc investir dans le nucléaire en veillant à remotoriser et à prolonger les réacteurs actuels, jusqu’à 70 ou 80 ans dans le respect des règles de sûreté. Ainsi que dans les hydrauliques et notamment les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP).
Il convient de débarrasser peu à peu, en fin de vie, nos campagnes et nos côtes des éoliennes qui les encombrent et les dénaturent. Quant au solaire, il convient de le réserver, sous des conditions environnementales plus strictes, à des toitures et à des terrains déjà artificialisés non renaturalisables.
Ce qu’il faut à la France c’est donc un scénario du type de celui proposé par le Cérémé (3) : un scénario respectueux de l’environnement et du cadre de vie des habitants de la campagne.
A tout le moins, l’ensemble des alternatives au projet coûteux et destructeur de décret PPE 3 doivent être étudiées, par une autorité indépendante d’un ministère qui a perdu la confiance des Français par le fait qu’il manifeste une partialité étonnante en faveur de l’éolien et du solaire, au détriment des intérêts fondamentaux de notre pays.

[1] https://cereme.fr/wp-content/uploads/2022/04/De-linfluence-du-capacitaire-intermittent-sur-les-prix-de-lelectricite_avril-2022-modifie-1.pdf

[2] https://cereme.fr/wp-content/uploads/2025/04/Fiche-objectifs-EnR-atteints_Ce%CC%81re%CC%81me%CC%81_avril2025.pdf

[3] https://cereme.fr/wp-content/uploads/2025/01/CEREME-sce%CC%81nario-mix-e%CC%81nerge%CC%81tique.pdf

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