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Affaires immobilières thionvilloises, suite au tribunal

Procès de Yan Rutili contre Stéphane Noël : récit d’une audience sous tension

Bernard Aubin,
Bernard Aubin,

Par Bernard Aubin

Yan Rutili, lanceur d’alerte et désormais candidat aux municipales, comparaissait une nouvelle fois pour diffamation devant le tribunal judiciaire de Thionville. En cause : deux publications diffusées sur les réseaux sociaux en avril 2023, dans le cadre de sa série de vidéos #Thionvileaks, visant le promoteur immobilier thionvillois Stéphane Noël. Une audience dense, parfois confuse, où la question de la corruption a davantage plané qu’elle n’a été véritablement jugée.

Une affaire politique avant d’être judiciaire

Depuis plusieurs années, Yan Rutili dénonce publiquement ce qu’il considère comme une proximité excessive entre certains élus de Thionville et Stéphane Noël, promoteur local influent. Au cœur de ses accusations : des opérations immobilières, notamment la vente d’un ensemble situé près de la gare, que l’opposant estime avoir été cédé à un prix très inférieur à sa valeur réelle.
La municipalité, elle, s’est toujours retranchée derrière l’avis des Domaines, validant le prix de vente et la légalité de la transaction.
Pour étayer son propos, Yan Rutili a diffusé cinq vidéos très bien produites, les #Thionvileaks, dont l’une intitulée sans détours « Pacte de corruption ». On y voit notamment des images de la fête des 50 ans de Stéphane Noël, célébrée à Marrakech en présence de plusieurs élus thionvillois.

Ce que jugeait le tribunal

Contrairement à ce que le titre de certaines vidéos pourrait laisser croire, l’audience de ce 16 décembre 2025 ne portait pas sur des faits de corruption. Il s’agissait d’une plainte en diffamation déposée par Stéphane Noël, après plusieurs procédures similaires engagées par des élus locaux, toutes restées sans suite.
Les propos incriminés tiennent en deux messages publiés le 4 avril 2023. Yan Rutili y évoque une « accumulation de richesses » permise, selon lui, par la proximité du promoteur avec les élus et décrit un système d’« enveloppes » remises par un proche collaborateur.

Stéphane Noël : « Je suis une victime collatérale »

À la barre, le promoteur se dit profondément affecté par les vidéos. Il affirme ne pas connaître personnellement Yan Rutili et conteste fermement toute accusation d’abus de biens sociaux ou de pratiques illégales.
Il déplore l’exposition de ses enfants dans les vidéos, évoque des répercussions professionnelles importantes, notamment avec les banques, et insiste sur son parcours personnel : des débuts modestes jusqu’à la création de son activité de promoteur.
Quant à la fête de son cinquantième anniversaire, il la décrit comme un événement strictement privé, réunissant amis, famille et collaborateurs.

Repas, cadeaux et confusion des genres

Les débats se concentrent ensuite sur une série d’éléments périphériques :

  • des repas réunissant élus et promoteur dans des restaurants réputés ;
  • des invitations dans une loge privée au stade Saint-Symphorien ;
  • des cadeaux offerts à l’ex-compagne de Stéphane Noël (montre de luxe, œuvre d’art) et leur mode de financement.

Maître Olivier Dantin, avocat du promoteur, s’attache à démontrer le caractère strictement privé de ces relations. Maître Vincent Poudampa, pour la défense, interroge au contraire la frontière entre vie personnelle et relations professionnelles, et la concomitance de certains événements avec des décisions municipales.

Le témoignage clé de l’ex-compagne

Moment central de l’audience : le témoignage de l’ex-compagne de Stéphane Noël, citée par la défense. Elle raconte avoir assisté à plusieurs rencontres mêlant élus et promoteurs, où les discussions immobilières se poursuivaient dans un cadre qu’elle qualifie d’« amical et professionnel à la fois ».
Elle évoque notamment un repas à Zoufftgen, au cours duquel elle affirme avoir entendu des propos laissant entendre que tous les projets ne pouvaient être attribués au même promoteur. Elle décrit également un climat de méfiance, des téléphones mis de côté, et des tensions lorsqu’elle posait des questions.
Sur les vidéos de Yan Rutili, elle affirme se reconnaître dans la description faite par la voix off féminine et reconnaît qu’une partie des cadeaux reçus aurait été financée par l’entreprise de son ancien compagnon.
Face aux questions insistantes de l’avocat de Stéphane Noël, elle lâche cette phrase, qui marquera l’audience : « Je ne comprends pas votre acharnement… si vous n’avez que cela à me reprocher. »

Deux lectures irréconciliables

Dans sa plaidoirie, Maître Dantin dénonce une construction diffamatoire nourrie par l’ambition politique de Yan Rutili. Il conteste la crédibilité du témoignage de l’ex-compagne, évoque une démarche de vengeance personnelle et balaie toute notion d’intérêt général.
À l’inverse, Maître Poudampa regrette que le fond des affaires immobilières ait été évacué au profit d’un débat sur la forme. Il invoque la bonne foi de son client, rappelle que la vente du quartier de la gare a été annulée par la justice pour conflit d’intérêts, et souligne le refus de Stéphane Noël de répondre publiquement aux accusations.

Yan Rutili : « Je suis passé à autre chose »

En conclusion, Yan Rutili affirme vouloir tourner la page de ce dossier pour se consacrer à sa campagne municipale à la tête du groupe ACTHIFS. Il précise que les procédures qu’il mène aujourd’hui visent des élus, et non le promoteur, qu’il qualifie à nouveau de « victime collatérale ».
Il maintient néanmoins que certains faits reposent sur des attestations existantes et que la justice a bien censuré une opération immobilière majeure à Thionville.
Délibéré le 23 février 2026

Yan Rutili et son avocat, Me Poudampa lors d'une précédente audience à Thionville (DR)
Yan Rutili et son avocat, Me Poudampa lors d’une précédente audience à Thionville (DR)
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