Yan Rutili qui se présente comme un lanceur d’alerte, publie sur les réseaux sociaux une série de vidéos mettant en cause des élus de Thionville et de Metz et des promoteurs immobiliers. Plusieurs plaintes en cours et un procès le 5 juin à Thionville.
Il a déjà publié sur les réseaux sociaux deux vidéos intitulées #ThionviLeaks (Traduction : fuite de documents) avec un petit bonus, le 8 mai 2023. Le troisième épisode consacré aux « contreparties » est annoncé « dans 15 jours ». L’auteur de ces vidéos sulfureuses, le Thionvillois Yan Rutili, ne va pas se faire que des amis puisque ce sont une quinzaine d’épisodes au total qui seraient en préparation. Avec, pour chacun d’eux, des documents pour appuyer sa démonstration.
« Une procédure bâillon »
Dans une première vidéo, Yan Rutili annonce la couleur : Bienvenue à Thionville, à 20 km du Luxembourg, deuxième ville de Moselle, où les loyers sont très élevés. Le prix moyen du m2 est de 2.207 € avec un rendement locatif de 7%. « C’est ici qu’un promoteur immobilier a pris le pouvoir » dit-il tout de go. Il s’agit de Stéphane Noël, patron de la société Habiter Promotion.
Yan Rutili se présente comme le principal opposant au maire de Thionville, Pierre Cuny. Il explique qu’il a été mis en examen pour avoir « offensé l’adjointe au maire ». Une procédure bâillon, affirme-t-il, pour faire taire les gens. Or, le lanceur d’alerte ne compte pas se taire. Au contraire. Il a fait appel aux dons pour tourner de nouvelles vidéos.
Voyage à Marrakech
Dans une deuxième vidéo intitulée « Voyage à Marrakech » Yan Rutili brosse à grands coups de crayon le portrait de Stéphane Noël, ce promoteur thionvillois amateur de voitures de luxe, d’appartements prestigieux, de bons vins et de jolies filles. Il évoque ses nombreuses relations d’affaires parmi les décideurs économiques et les élus, de Thionville, de Metz, du Grand-Duché et d’ailleurs.
En témoigne ce voyage de trois jours à Marrakech, en décembre 2018. Une centaine d’invités pour fêter son cinquantième anniversaire. Avec du beau monde : chefs d’entreprise, architectes, banquiers, assureurs et, bien sûr, des élus dont la première adjointe au maire de Thionville, Véronique Schmit, l’adjoint à l’urbanisme de la ville de Metz, à l’époque, Richard Lioger et quelques autres.
L’auteur de la vidéo dénonce « des proximités malsaines entre promoteurs et élus ». Ces derniers n’ont pas apprécié, ils ont assigné Yan Rutili devant le tribunal de Thionville pour « atteinte à la vie privée et droit à l’image ». Audience prévue le 5 juin 2023.
De son côté, le lanceur d’alerte a décidé de déposer plainte « contre la première adjointe de Thionville pour prise illégale d’intérêts » et contre l’adjoint à l’urbanisme, Roger Schreiber, pour « détournement de biens publics ».
Le troisième épisode sera consacré aux « retours d’ascenseur ». On l’attend avec impatience.
Parfum de scandale
Sans que l’on sache vraiment, pour l’instant, ce qui relève du simple règlement de comptes, des pratiques illégales dans l’attribution des marchés publics, des relations troubles entre promoteurs et élus, force est de constater que ces premiers épisodes des #ThionviLeaks n’ont pas surpris beaucoup de monde en Moselle.
Depuis plusieurs années déjà, une odeur malodorante flotte le long de la Moselle. Des rumeurs malsaines circulent dans les loges VIP des clubs sportifs, s’immiscent dans les discrètes loges maçonniques, s’invitent à la table des grands restaurants, alimentent les débats des conseils municipaux, animent les controverses dans les estaminets, nourrissent les querelles de familles dans les chaumières. Depuis longtemps déjà, les ‘’affaires’’ thionvilloises sont de toutes les conversations.
Un promoteur de la place, René Hombourger, fin connaisseur du microcosme thionvillois a déposé plusieurs plaintes dans lesquelles il dénonce une kyrielle d’anomalies dans l’attribution des marchés. En 2021, les policiers de la brigade financière de la PJ de Nancy ont été chargés de l’enquête.
Enquête au Luxembourg
Ce n’est pas tout. Une enquête a été ouverte au Luxembourg, début 2023, portant sur les transactions financières effectuées entre différents protagonistes thionvillois ayant des intérêts au Grand-Duché. En février, la section anti-blanchiment du service de police judiciaire a interrogé un premier ‘’témoin’’ au Luxembourg. Les enquêteurs lui ont posé très exactement 37 questions durant quatre heures. Des questions sur les relations entre certains individus, en France et au Grand-Duché, sur les transactions financières, mais aussi sur la mystérieuse disparition du notaire et businessman mosellan, Yvon Gérard, 54 ans, dont on est sans nouvelle depuis le 17 août 2022.
Une autre plainte, contre X, a été déposée le 12 avril 2023 par AC ! anticorruption auprès du Parquet National Financier (PNF) pour « escroquerie, abus de confiance et prise illégale d’intérêts ». Rien que ça ! Elle concerne la vente d’un ensemble immobilier, près de la gare de Thionville à une société civile de construction vente (SCCV) propriété du groupe Habiter. L’adjointe Véronique Schmit aurait pris part à la délibération sur la cession du bien alors que son époux Christophe Schmit était directeur du développement de la société Habiter. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération. Mais la mairie a interjeté appel, estimant que le tribunal s’était trompé en raison d’un problème d’homonymie. Une nouvelle délibération a été votée en l’absence, cette fois, de Véronique Schmit.
De Thionville à Metz
Les rumeurs thionvilloises trouvent un écho jusqu’à Metz. Le groupe Habiter Promotion et le groupe Claude Rizzon ont lancé conjointement, avec la participation de nombreux acteurs locaux, un programme de logements (110 M€) à l’emplacement de l’ancien hôpital Bon-Secours : 438 nouveaux logements dont une centaine de logements sociaux, une centaine d’appartements de luxe, une résidence séniors de grand standing.
Cet ensemble immobilier s’appelle Cœur Impérial. C’est « grâce à Richard [Lioger, alors premier adjoint au maire de Metz, chargé de l’urbanisme] que l’on construit Cœur Impérial à Metz » précise Stéphane Noël en présentant ses invités à Marrackech. Epinglé par la presse locale, Richard Lioger affirme avoir « payé sa part en remettant un chèque de 1500 € à Stéphane ». Amusant.
La première pierre a été posée le 12 mars 2018. Après de gigantesques travaux, l’inauguration a eu lieu en grandes pompes deux ans plus tard. Stéphane Noël, le promoteur thionvillois, s’était réservé un appartement magnifique de 200 m² avec 300 m² de terrasse sur le toit de l’immeuble Le Monarque. Finalement, l’appartement a été vendu 836.000 € en état futur d’achèvement (VEFA) le 5 mai 2021 à Jean-Marie Nicolas, adjoint au maire de Metz qui doit épouser prochainement l’adjointe au maire de Thionville, Carol Thil.
L’acte de vente a été reçu au siège de l’Office notarial d’Hettange-Grande (57) géré par Me Yvon Gérard, notaire habituel du promoteur Stéphane Noël. Me Gérard est aussi promoteur immobilier et notaire à Paris, proche de vedettes du showbiz, en particulier de Florent Pagny. Nous en reparlerons.
Précision : Nous avons tenté de joindre Stéphane Noël. Nous lui avons laissé un message sur son téléphone. Il ne nous a pas encore répondu. C’est bien volontiers que nous lui donnerons la parole dès qu’il le souhaitera.
Un bonus des #ThionviLeaks pour patienter en attendant le 3ème épisode : https://t.co/RLPijBR4Fc
— Yan RUTILI (@YRUTILI) May 9, 2023
🛑Après avoir défendu 💪🏼les Nord-mosellans, je vous informe dorénavant car tout est lié. Je vous explique les enjeux 🚧🏗️💶urbanistico-politico-économiques pour, un jour, faire à nouveau battre le ❤️🩹 de Thionville !#ThionviLeaks #S1E1https://t.co/D5HCr7AvUS
— Yan RUTILI (@YRUTILI) March 2, 2023