« L’appel » des trois grands énergéticiens français dans le JDD de ce dimanche 26 juin 2022 est inquiétant. Car, disent-ils, la flambée des prix qui s’annonce « menace notre cohésion sociale et politique ». Qu’en termes policés ces choses-là sont dites !
C’est un avertissement sans frais que font, dans une tribune au Journal du Dimanche, les trois grands énergéticiens français : Catherine MacGregor, patronne d’Engie, Jean-Bernard Lévy, P-DG d’EDF et Patrick Pouyanné, P-DG de Total Énergies. Ils annoncent une prochaine flambée des prix de l’énergie et appellent les Français à s’habituer à la sobriété.
De plus en plus rare
Les raisons du marasme sont connues : la baisse des livraisons de gaz russe, les tensions sur le marché de l’électricité (24 des 56 réacteurs du parc nucléaire français sont en maintenance), ajoutées aux conditions climatiques et à la sècheresse qui viennent amputer la production hydraulique. L’énergie devient de plus en plus rare, donc de plus en plus chère. D’où les difficultés à venir. Les trois énergéticiens rappellent, sans plaisanter, que « la meilleure énergie, c’est celle que nous ne consommons pas ».
Le retour des Gilets jaunes
Au-delà de la boutade, la mise en garde est sérieuse. Car, plus que quiconque, les patrons français des trois principales énergies savent combien les augmentations du gaz, de l’électricité et des carburants vont peser sur l’économie en général et les ménages en particulier.
Au point de provoquer des émeutes et de mettre en péril « notre cohésion sociale ».
Rappelons-nous le mouvement des Gilets jaunes. Il a commencé en novembre 2018 à la suite de la hausse des carburants. Le gazole était alors à 1,46 € à la pompe. Aujourd’hui, le litre de gazole a dépassé les deux 2 €. Il est annoncé à près de 2,50 € dans quelques semaines. Les augmentations seront du même ordre pour l’électricité et pour le gaz. À ces prix-là, qui pourra prendre sa voiture pour aller travailler ? Comment pourra-t-on se chauffer ?
Au début de la crise des Gilets jaunes, en novembre 2018, nous expliquions qu’il y avait en France près de 10 millions de travailleurs pauvres et une véritable fracture entre la France des nantis et la France des gueux.
Nous écrivions alors « Les Gilets jaunes ? Ce sont ces Français qui n’en peuvent plus. Ces gagne-petit, ces sans-grades, ces retraités et ces travailleurs qui gagnent moins de 1.000 € par mois et qui ont du mal à boucler les fins de mois, à payer le carburant toujours plus cher, les loyers toujours plus élevés, les assurances et tout le reste qui augmente inexorablement pendant que les salaires restent misérables. »
La guerre en Ukraine
Quatre ans et deux élections plus tard, rien, ou presque, n’a changé. Macron est resté à l’Élysée.
L’Assemblée s’est garnie de députés d’extrême droite et d’extrême gauche. Mais une majorité de Français a boudé les urnes pour montrer qu’ils ne croyaient plus à ces politiciens hâbleurs et inefficaces. Inutile de rappeler que ce qui ne se dit pas dans les urnes, se dit dans la rue.
La guerre russo-ukrainienne est venue changer la donne. Tout le monde se souvient de ces fanfaronnades du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, le 14 mars 2022, après une nouvelle série de sanctions de la Russie : « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe. » Trois mois plus tard, on voit où en est l’économie russe et l’économie française. Vladimir Poutine doit bien rigoler.
« Un ouragan économique arrive »
Les raisons de s’inquiéter viennent aussi de l’étranger. Comme nous l’avons publié le 14 juin dernier, Jamie Dimon, le patron de la plus grande banque américaine, la JPMorgan Chase, met en garde « contre l’imminence d’un ouragan économique ».
Il dénonce les effets négatifs de la pandémie et de la guerre en Ukraine, mais aussi une politique irresponsable et criminelle de la Réserve fédérale et du Congrès « qui savent qu’un tsunami économique et financier est en formation. »
Autre mise en garde, plus récente, celle de Magdalena Martullo-Blocher, la patronne de EMS Chemie et vice-présidente de l’UDC, le premier parti suisse. Elle s’inquiète, dans la presse allemande, de l’impact en Europe et en Suisse des sanctions contre la Russie.
Que dit-elle ? Qu’il faut négocier, rapidement, avec Poutine sur les livraisons de gaz et la paix en Ukraine. C’est une obligation des leaders européens, s’ils ne veulent pas entraîner avec eux « l’ensemble du continent dans les abysses d’une crise énergétique majeure, provoquant à son tour une crise économique, financière et sociale gigantesque dont personne, à ce jour, ne peut prévoir les conséquences.
Tous les clignotants sont au rouge. L’automne sera chaud, très, très chaud !