Point-de-vue. Les sévères réquisitions du parquet qui requiert contre Marine Le Pen l’inéligibilité avec exécution provisoire, c’est-à-dire immédiate, pourrait signer l’arrêt de mort (politique) de la fille Le Pen. Mais pas du Rassemblement National qui apparaîtrait alors comme le parti du vrai changement, anti-magouilles, à l’image de Trump, aux États-Unis. Analyse.
Par Bernard Aubin
Cinq ans de prison, dont deux ferme, et cinq ans d’inéligibilité ont été requis contre Marine Le Pen. Une peine assortie d’une exécution provisoire qui l’empêcherait de se présenter à la présidentielle en 2027. Le Parquet de Paris estime que la candidate potentielle était au centre d’un « système organisé » de détournement d’argent public, destiné à l’embauche de collaborateurs parlementaires. Un préjudice estimé à près de 7 millions d’euros par le Parlement Européen.
Des soutiens inattendus
L’intéressée pousse des cris d’orfraie, et crie à l’assassinat politique. Elle estime que ce réquisitoire révoltant et profondément outrancier. Elle affirme que le parquet réclame des « condamnations sans commune mesure avec le moindre réquisitoire du même type, allant même jusqu’à demander la peine de mort politique avec exécution provisoire ».
Contre toute attente, l’ancienne présidente du RN récolte des soutiens divers et inattendus : Dupont-Aignan, Zemmour, Ciotti bien sûr, mais aussi Darmanin… et Mélenchon qui rappelle pour sa part prudemment qu’une « peine d’inéligibilité ne doit pas être appliquée avant expiration de tous les recours prévus par la loi ».
Une autoroute pour Bardella
Propre sur lui, tenant toujours des propos pesés et mesurés, se détachant de l’arrière-garde de son parti, Jordan Bardella n’aurait pas de très gros efforts à accomplir pour briguer la place de présidentiable. Ce jeune premier pourrait même faire l’économie d’une trahison, comme celle d’Angela Merkel avec son prédécesseur Helmut Kohl en 1999, Macron avec Hollande en 2017, Le Pen fille avec Le Pen Père en 2023… Une hypothèse plausible au regard de l’ascension fulgurante du jeune premier et des pratiques impitoyables en vigueur dans le monde politique.
C’est paradoxalement la Justice qui pourrait se charger de faire le sale boulot. Si elle devait suivre le réquisitoire à la lettre, la famille Le Pen pourrait être définitivement écartée du parti qu’elle a créé. Exit le « Durafour crématoire » du père provocateur, la période de « dédiabolisation » menée par la fille, le FN devenu RN entrerait alors dans une nouvelle phase, celle d’un parti mi-droite mi-prolétaire nationaliste, mais pas trop.
Une promotion pour le parti
La volonté d’éradiquer coûte que coûte Marine Le Pen du camp des présidentiables, si elle provoque le courroux de l’intéressée, constitue paradoxalement une promotion inattendue pour son parti. Un parti déjà arrivé en tête des européennes avec près de 8 millions de voix et plus encore lors des dernières législatives. Près d’un Français sur trois, vote déjà RN.
L’ostracisation menée par les partis conventionnels, telles les alliances au second tour, l’interdiction de la promo du livre de Jordan Bardella dans les gares, et les récentes réquisitions visant à interdire la candidature de l’héritière du parti nourrissent paradoxalement la dynamique et le développement d’une structure que certains veulent anéantir à tout prix, au risque de se tirer une balle dans le pied.
Plus ils dénigreront les représentants du RN, plus ils sèmeront d’embûches pour freiner leur expression et leur expansion, plus ils nourriront auprès de leurs électeurs une conviction de magouille, de ras-le-bol et d’injustice, plus ils renforceront leur rang et leur détermination. La personnalité et l’image de Jordan Bardella, en rupture avec un poussiéreux et tonitruant FN incarné par la famille Le Pen, offre quant à elles de nouvelles perspectives au RN. Au point que la question se serait posée un jour ou l’autre au sein du parti : quel candidat engendrerait le meilleur résultat en 2027 ? Peut-être pas Marine Le Pen ! Un sondage nous éclairera-t-il un jour sur la question ?
Pour le meilleur et pour le pire
Le contexte actuel mêlant récession, augmentation des charges et autres impôts, efforts réclamés à tous les niveaux, sentiment d’injustice sociale, perte d’identité, explosion des crimes et des délits, chômage et misère… engendre chez des Français de plus en plus nombreux une volonté de changements politiques radicaux… à l’image des Américains qui se sont exprimés récemment dans les urnes, pour le meilleur ou pour le pire (notamment pour les Européens !).
La Justice française apportera-t-elle sa pierre à cette évolution ? Si Bardella devient effectivement président de la République en 2027, elle pourra se targuer d’y avoir modestement contribué…