Menacé d’un « mandat d’amener », l’ancien président de la République a opposé un méprisant silence aux questions du président de la 32ᵉ chambre du tribunal judiciaire de Paris.
Nicolas Sarkozy n’avait pas le choix. Il est donc venu, contraint et forcé, témoigner devant la 32ème chambre du tribunal correctionnel de Paris qui juge depuis le 18 octobre 2021 cinq proches collaborateurs de l’ancien président dans l’affaire des sondages. Une affaire vieille de dix ans.
300 sondages pour 9,4 M€
Au départ, un rapport de la Cour des comptes de 2009 qui épingle l’Élysée pour une kyrielle de sondages passés sans appel d’offres. En février 2010, l’association de lutte contre la corruption, Anticor, dépose une première plainte pour « favoritisme » et « détournement de fonds publics ». Il est question de quelque 300 sondages entre 2007 et 2012 pour un total de 9,4 M€.
Cette première plainte est classée sans suite. D’où une deuxième plainte avec constitution de partie civile en 2011. Le juge Serge Tournaire estime alors que cette plainte doit prospérer. Mais le parquet fait appel et la cour d’appel considère que l’immunité dont bénéficiait le président de la République doit être étendue à ses proches collaborateurs.
Anticor va en cassation. Le 19 décembre 2012, la haute juridiction précise que l’immunité présidentielle ne s’étend pas aux collaborateurs du président et ordonne une information judiciaire.
En novembre 2018, le Parquet national financier (PNF) demande le renvoi devant le tribunal correctionnel pour plusieurs proches de Nicolas Sarkozy : Patrick Buisson, Pierre Giacometti, Claude Guéant, Emmanuelle Mignon et Julien Vaulpré et de quatre sociétés ou instituts de sondages (Publifact, Publi-Opinion, Giacometti Peron et l’institut Ipsos) pour délit de favoritisme, détournement de fonds publics et recel de ces délits.
Un témoin silencieux
Protégé par son immunité, l’ancien président sait qu’il ne peut pas être poursuivi. Mais Anticor demande qu’il soit interrogé comme témoin. Sarkozy s’est fait excuser. Pourtant, le tribunal a considéré qu’il était un témoin important dans cette affaire et l’a sommé de se présenter à la barre, ce mardi 2 novembre 2021 à 13 h 30 sous peine de recours à la force publique.
Le président pose une série de questions au témoin. Dont celle-ci, la toute dernière :
– « Claude Guéant affirme avoir agi sur vos instructions, cela pourrait être le cas d’Emmanuelle Mignon et de Julien Vaulpré Est-il exact que ces trois personnes n’ont fait qu’exercer vos instructions ? ».
Silence du témoin à la barre.
Nicolas Sarkozy avait le choix entre deux attitudes. La première, était de reconnaître qu’il avait demandé à ses collaborateurs d’effectuer ces sondages dont il avait besoin pour nourrir sa pensée et orienter ses choix politiques. Ce faisant, il dédouanait les cinq prévenus qui, partant, devenaient de simples complices des délits qui leur sont reprochés.
La seconde étant de garder le silence. Un silence méprisant pour le tribunal, pour la justice et pour ses anciens collaborateurs de l’Elysée.
C’est cette attitude qu’a adoptée Nicolas Sarkozy. Une attitude qui, finalement, lui ressemble bien.