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Ukraine : Boutcha ou la guerre des images

La communauté internationale est choquée par les images de civils massacrés par l’armée russe. Le président Zelinsky parle de génocide. Le Kremlin dénonce une manipulation par l’image. Qui dit vrai ?

Plus les jours passent et plus l’opinion publique découvre les horreurs de la guerre en direct sur les écrans télé. Emotion garantie, au 13 heures et au 20 heures. Des villes rasées par les bombardements. Des millions de femmes et d’enfants fuyant l’enfer. Des témoignages bouleversants de vieillards pris au piège d’une guerre injuste. Les mêmes images, les mêmes commentaires, le même jour, sur toutes les chaînes de télévision. Comme s’il n’y avait qu’une seule source d’information pour tous les médias de la planète.
Aujourd’hui, le choc des images vient de Boutcha, dans l’oblast de Kiev. Cette ville de 37.000 habitants a été occupée et bombardée par l’armée russe. Mais elle s’est retirée, le 3 avril, à la demande du Kremlin, laissant derrière elle un spectacle de désolation.

« Un génocide » pour Zelinsky

Le maire de la ville, Anatoli Fedorouk, comptait 287 morts dans sa commune, samedi. Dimanche, la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova a annoncé que 410 cadavres de civils dont certains auraient été torturés avant d’être abattus. Les images des rues de la ville, jonchés de cadavres, ont fait le tour des télévisions du monde.
Volymyr Zelinsky s’est rendu sur place. Il a commenté en direct pour la presse : « Ce sont des crimes de guerre et ce sera reconnu par le monde comme un génocide » dit-il.
La haute commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU, Michelle Bachelet, s’est dite « horrifiée » par les images de Boutcha. « Les informations qui se font jour de cette zone et ailleurs soulèvent des questions graves et inquiétantes sur de possibles crimes de guerres et atteintes graves au droit humanitaire international et des violations graves des droits de l’Homme », affirme-t-elle dans un communiqué. Elle appelle à « préserver les preuves ».
Emmanuel Macron a dit « [Sa] compassion pour les victimes, [sa] solidarité avec les Ukrainiens. Les autorités russes devront répondre de ces crimes. »
Bref, la communauté internationale condamne unanimement et sans réserve ces actes ignobles.

Une réunion du conseil de sécurité de l’ONU ?

Sauf, bien entendu la Russie. Le Kremlin rejette toutes les accusations qui visent les massacres de civils de son armée et, notamment, à Boutcha. « Nous rejetons catégoriquement toutes les accusations » a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov en expliquant que les images étaient le résultat de « falsifications vidéo » destinées à la presse occidentale.
Pour preuve, Moscou réclame qu’une enquête internationale soit diligentée sur ces faits. « La Russie souhaite et réclame que cela fasse l’objet de discussions internationales ». Elle demande une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pour « Provocation haineuse », en quelque sorte pour dénonciation calomnieuse.

La guerre de l’information

Qui dit vrai ? Peut-on à ce point falsifier la réalité ? Difficile à dire. Les journalistes sur place sont sous la protection de l’un ou l’autre camp. Ils ne voient et ne filment que ce que l’on veut bien leur montrer. C’est le cas pour tous les conflits.
Ce qui est certain, c’est que depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, nous sommes plongés dans une guerre de la communication. Les infos, vraies ou fausses, sont des armes redoutables qui peuvent blesser, qui peuvent même tuer. Les images aussi. Il s’agit de prendre l’opinion publique à témoin, à coups d’émotions de plus en plus fortes, pour obliger les États à prendre position.
Ce qui interroge, c’est que les Russes aient délibérément laissé autant de corps dans les rues, à la vue de tous et notamment des caméras de la presse internationale. Pour une fois, et peut-être pour la première fois depuis le début de cette guerre, les journalistes trouvent qu’il y a matière à se poser des questions sur ces crimes de guerre aussi voyants, comme s’il y avait eu une volonté de l’exhiber. Généralement, un criminel camoufle l’objet de son crime. Là, c’est l’inverse. Étonnant !
Car l’émotion suscitée par ces images a fait mouche. Mais il n’y a pas de source contradictoire. Le camp occidental a, d’emblée, interdit toute information provenant des médias d’obédience russe. On a donc un seul point de vue, cepui de l’Ukraine.
Ainsi, la chaine Russia Today, interdite de diffusion, a-t-elle saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avec l’appui du syndicat des journalistes pour entrave à la liberté d’expression.
Mais il y a pire. Les grands médias internationaux, et notamment les géants du numérique, pratiquent la censure à grande échelle des journaux et des articles qui ne collent par avec la doxa occidentale. Celle selon laquelle il y a les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Cette vision manichéenne du monde que l’Amérique veut imposer à toute la planète.
Reste à savoir qui sont les bons et qui sont les méchants. Vous avez une idée ?

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