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« Le martyre d’une chrétienne d’Irak »

La putain du Califat
La putain du Califat

Le récit est glaçant. Sara Daniel, grand reporter à l’Obs et l’Universitaire Benoit Kanabus, retracent dans « La Putain du Califat » (Grasset) le calvaire subi par «Marie », une chrétienne d’Irak enlevée en 2014. Violée par des jihadistes de Daesh.

Passée de mains en mains. Vendue au plus offrant. Comme des centaines d’autres. Deux ans plus tard, la jeune femme a la vie sauve notamment grâce à Yohanna Towaya un humanitaire irakien que nous avons pu interroger.
Il parle un français impeccable. Il faut dire qu’une partie de ses études se sont déroulées à l’Université de Clermont Ferrand. « Marie » ? Il la connaissait d’avant l’horreur. Le père de la jeune femme avait un lopin de terre juste à côté du sien, sur la route entre Khidir et Qaraqosh, bastion chrétien au nord de l’Irak. C’était avant l’invasion de cette enclave par l’Etat Islamique.
Contrairement à « Marie », Yohanna et sa famille ont réussi à échapper au pire. Ils se réfugient à Ankawa quartier chrétien d’Erbil au Kurdistan irakien. C’est là que cet ancien professeur choisit de s’engager dans l’organisation humanitaire Hammurabi. Celle-ci défend les droits des minorités. Non seulement les Chrétiens, mais aussi les yezidis, shabake ou autre kakaie. Son lot quotidien désormais : sauver des vies humaines.

Aucune limite, aucune règle

« Il y a eu des centaines de femmes chrétiennes qui ont été kidnappées par Daesh » explique-t-il sans se départir d’un calme olympien. Des Chrétiennes mais aussi des Yezidies considérées comme des sous-êtres par les jihadistes. « Ceux-ci échangeaient souvent deux femmes yezidies pour le prix d’une chrétienne. Les » sabiya », véritables esclaves sexuelles, étaient traitées d’une manière abominable. Elles s’échangeaient parfois pour quelques dollars.
Pour Yohanna « Daesh » ne compte que des sauvages en son sein. « Ils ont toujours vécu dans l’obscurantisme, sans ouverture, sans éducation. Ils n’agissent que par idéologie. Et la violence n’est que leur unique moyen d’expression. Le mâle est tout puissant et a droit de vie et de mort sur la femme. Après leur départ nous avons retrouvé des documents absolument terrifiants comme ce « manuel d’esclavage sexuel », une sorte de mode d’emploi à l’usage des « sabiya ».
Mais dans la pratique il n’y a aucune limite ni aucune règle. Le jihadiste fait de sa « pute » ce qu’il veut. Dans leur livre Sara Daniel et Benoit Kanubus livrent cette tranche d’horreur, parmi d’autres, dans la vie quotidienne de « Marie ».

L’espoir malgré tout

A la limite de l’impensable et de l’insoutenable. Un jour « Marie » tente d’échapper à l’un de ses propriétaires en se jetant du toit d’un immeuble. La cheville brisée elle est transportée à l’hôpital. Sur son lit, incapable de bouger, elle assistera à un défilé incessant dans sa chambre et continuera de subir les assauts sexuels des proches de celui à qui elle appartenait.
Aujourd’hui Yohanna estime que la plupart des femmes kidnappées ont été exfiltrées. Les autres ont disparu ou sont mortes.
« Désormais nous allons essayer de reprendre un semblant de vie normale ». Pour Yohanna l’affaire est loin d’être simple. « Auparavant la communauté chrétienne de la région comptait un million et demi de personnes. Aujourd’hui on n’en compte plus qu’à peine 250 000. A Qaraqosh (1) où je vis il ne reste plus que 23 000 personnes contre 54 000 auparavant. Beaucoup ont préféré s’exiler à l’étranger. Le problème c’est que le gouvernement ne fait pas grand-chose. La situation économique est très mauvaise il n’y a pas de travail. Mais surtout la menace vient des milices chiites qui aimeraient bien récupérer notre terre et y installer leurs familles nombreuses. »
Malgré tout Yohanna garde l’espoir. Il continue au sein de son association (2), en compagnie d’autres bénévoles, de faire respecter les droits de l’homme en Irak. Avec entre autres préoccupations d’empêcher l’islamisation des mineurs et la discrimination des minorités.

(1) Qaraqosh devrait être l’une des villes visitées par le Pape lors de son déplacement en Irak en mars prochain.
(2) http://www.hhro.org/en

Extrait de « la Putain du Califat » Grasset
« Marie » confond souvent les semaines et les mois de son asservissement. Mais elle n’a pas oublié le 9 septembre 2014. Ce jour-là, la vie a quitté mon corps », m’a-t-elle-dit. « Est-ce qu’on oublie le jour de sa mort ? »

Yohanna Towaya un humanitaire irakien(credit B.Kanabus)
Yohanna Towaya un humanitaire irakien(credit B.Kanabus)
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