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Terrasses parisiennes : le Conseil d’Etat condamne la Ville de Paris

Les cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Paris et d’Ile-de-France contestent les droits de voirie excessifs de la Ville de Paris devant les juridictions administratives. Le Conseil d’Etat vient de leur donner raison.

Les terrasses parisiennes contestent les prix de voirie (Photo Wikimédia Commons)
Les terrasses parisiennes contestent les prix de voirie (Photo Wikimédia Commons)

Aux côtés d’autres organisations partenaires (SNRTC, SNARR, SNEG & CO), l’Union des Métiers de l’Industrie Hôtelière (UMIH) de PARIS – Ile de France mène depuis 4 ans différentes actions visant à revoir la tarification des droits de voirie sur le territoire de la Ville de Paris, en hausse constante depuis une décennie.
Dans un communiqué le président de l’UMIH, Franck Delvau et leur conseil, Me Philippe Meilhac, avocat à la Cour, rappellent le long parcours judiciaire des professionnels qui vient d’aboutir à l’arrêt du Conseil d’Etat de ce 29 juin 2020. Un arrêt qui reconnaît le bien-fondé de leur action et condamne la Ville de Paris. Rappel des épisodes précédents.

Chauffages, écrans, parasols

De 30 millions d’euros en 2010 (cf. le rapport d’audit de l’inspection générale de la Ville de Paris d’avril 2016), le montant total des droits de voirie réclamés aux occupants du domaine public viaire est passé à 60 millions d’euros en 2020 comme le rappelle la délibération votée lors du récent Conseil de PARIS du 18 mai 2020.
Rappelons que les tarifs qui résultent de « grilles » votées par délibération au Conseil de Paris aujourd’hui anciennes (2003 s’agissant des droits ordinaires, 2011 s’agissant des droits additionnels) sont révisés chaque dernière semaine de l’année civile, la Maire de Paris déléguant au directeur de l’urbanisme le soin d’édicter un arrêté fixant les tarifs des droits de voirie applicable au 1er janvier suivant.

Au fil des années, non seulement le montant des tarifs, exprimé au m²/an à l’instar d’un loyer, n’a cessé d’augmenter, la Ville rehaussant systématiquement de 1% ou 2%, voire 5% le montant de l’ensemble des droits au 1er janvier de chaque année, mais aussi leur nombre (il en existe ainsi près de 300 tarifs, comme le rappelle le rapport d’audit de la ville de Paris précité)

En mars 2011, la Ville de Paris a-t-elle créé un système unique en France, la conduisant à réclamer aux exploitants non seulement des droits pour l’emprise occupée au sol, qualifiés « d’ordinaires » (installation d’une terrasse fermée, terrasse ouverte, contre-terrasse, étalage, contre-étalage), mais en outre (ils se cumulent) de nouveaux droits dits « additionnels », pour l’installation d’accessoires sur ladite emprise : chauffage, écrans (sur terrasses ouvertes uniquement) ou parasols de plus de 3 m² (sur terrasses ouvertes et contre-terrasses).

Les tarifs de ces droits additionnels étant 4 à 6 fois supérieur aux tarifs des droits ordinaires, a conduit à une hausse brutale du montant réclamé aux exploitants, en l’absence de toute explication donnée par la Ville de PARIS a conduit les exploitants et leurs organisations à engager de nombreux recours.

Recours de l’UMIH

Au début de l’année 2016, dans le contexte difficile engendré (déjà) par les attentats du 13 novembre 2015 ayant endeuillé les terrasses parisiennes, l’UMIH a engagé un premier recours visant à contester certaines dispositions de l’arrêté pris le 21 décembre 2015 fixant le tarif des droits de voirie au 1er janvier 2016, à savoir :

– le relèvement de 1% des tarifs de l’ensemble des droits (ordinaires comme additionnels) au 1er janvier 2016,
– la majoration systématique des droits de voirie ordinaire au-delà d’une certaine surface qui différent suivant le type d’emprise (pour les terrasses ouvertes de 5% à 40% appliqué sur le total de la surface),

– les tarifs des droits additionnels pour l’installation de dispositifs de chauffage ou d’écrans de protection.

Après avoir été rejeté par le Tribunal Administratif de Paris (jugement du 9 mars 2017) puis la Cour administrative d’appel (arrêt du 9 mai 2019), le recours de l’UMIH vient d’être accueilli par la plus haute juridiction administrative française, qui par un arrêt du 29 juillet 2020 a annulé l’arrêt de la Cour administrative et condamné la Ville de Paris à lui régler une somme de 2.500 euros à titre de frais de procédure.

Plus précisément, le Conseil d’Etat censure la Cour administrative d’appel pour :

– d’une part, avoir déclaré légal le relèvement des tarifs de 1% au 1er janvier 2016, en faisant porter son appréciation sur la seule augmentation des tarifs, sans contrôler le montant des tarifs qui résultait de cette augmentation et en retenant les motifs de bonne gestion du domaine public avancés par la Ville de Paris, qui étaient sans rapport avec un avantage susceptible d’être procuré aux occupants du domaine,

– d’autre part, avoir déclaré légal le système de majorations des droits ordinaires, en s’abstenant de rechercher, comme lui demandait l’UMIH, si le tarif ainsi défini n’était pas manifestement disproportionné au regard des avantages de toute nature susceptibles d’être procurés aux occupants du domaine en cause.

Ce faisant est également sanctionnée la Ville de Paris dont la Cour avait retenu les justifications à savoir s’agissant du relèvement général des droits de voirie « l’évolution des coûts administratifs de gestion, de vérification et de contrôle », et s’agissant des majorations des droits de voirie ordinaires « l’objectif d’intérêt général consistant à freiner l’effet d’éviction du domaine public que subissent les piétons du fait des activités commerciale qui y sont exercées ».

Réforme des redevances

S’agissant des tarifs des droits additionnels, si le Conseil d’Etat n’a pas remis en cause l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris, c’est en considération du fait que les éléments produits par l’UMIH n’étaient pas suffisants.

Précisons à cet égard que dans le cadre des recours engagés plus récemment sur ces mêmes tarifs, l’UMIH et ses partenaires le SNRTC, le SNARR et le SNEG & CO ont produit de nouveaux éléments à l’appui de leur contestation.

En définitive, si l’arrêt que le Conseil d’Etat vient de rendre ne règle définitivement la contestation puisque le dossier est renvoyé à la Cour administrative d’appel de Paris, on voit mal quels nouveaux arguments la Ville de Paris pourra trouver pour tenter de justifier la hausse systématique des droits de voirie au 1er janvier de chaque année et le système de majorations.

Cette décision doit conduire la nouvelle équipe qui s’installe à la Mairie de Paris à engager la réforme des redevances, laquelle devra être conduite avec celle du règlement des autorisations d’occupation du domaine public, dans le contexte difficile d’une crise sanitaire qui n’est pas achevée et dont les effets se feront sans dire pendant de nombreux mois.

A cet égard, pour louable que la Ville de PARIS ait décidé de soutenir les acteurs économiques, en premier lieu les cafetiers, restaurateurs et hôteliers en leur permettant d’installer provisoirement leur terrasse au-delà de leur autorisation habituelle, et de bénéficier d’un dégrèvement des droits de voirie pour l’année 2020, force est de considérer que le plan, voté lors du Conseil de PARIS du 18 mai 2020, n’apparait pas suffisant.

Ainsi, l’UMIH de PARIS Ile de France et ses partenaires demandent à la Ville de PARIS, dans l’immédiat, de renoncer à percevoir tout droit de voirie pour l’année 2020, et prolonger les modalités dérogatoires d’occupation du domaine public.

Il convient plus largement que l’ensemble des organisations représentatives de la profession, et dans un esprit constructif, aux prochaines réformes que la nouvelle équipe municipale ne manquera pas d’engager.

 

Arrêt du Conseil d’Etat du 29 juin 2020

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