Point-de-vue. Il est temps de revoir les articles 40, 48 et 49.3 de notre constitution, explique l’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert. Voici pourquoi.
Par Christian Eckert
La Constitution de notre République correspondait à son époque. Après la guerre, il fallait reconstruire autour d’un pouvoir fort, pour ne pas dire autour d’un homme fort. Ainsi, notre régime se dit parlementaire, mais se révèle en fait presque Présidentiel. La personnalité de l’actuel locataire « bravache » de l’Élysée renforce encore ce constat.
Les vrais démocrates
Bien des dispositions sont à revoir, si tant est que l’on souhaite – c’est mon cas – vivre dans une vraie République parlementaire :
L’article 49-3 est maintenant (tristement) connu de la plupart de nos concitoyens. Observons toutefois que c’est son application sur la réforme des retraites qui a fait fortement réagir l’opinion. Il avait déjà été utilisé plusieurs fois dans l’indifférence générale fin 2022 pour faire adopter le budget 2023 !
- L’article 40 est en passe de rejoindre le 49-3 dans le rejet de l’opinion, et il est grand temps. Les parlementaires sérieux le connaissent et leur capacité d’initiative pour élaborer les lois (en particulier financières) en a considérablement été entravée. Il est complexe et souvent mal interprété, y compris dans les nombreux articles de presse du moment. Les plus accros au droit trouveront plus de détails ici.
- Les vrais démocrates pointent aussi très souvent l’article 48 de la constitution. Il détermine le mode de fixation de l’ordre du jour des Assemblées. Même amélioré en 2008, il confie quasiment au Gouvernement le soin d’imposer au Parlement le contenu de ses travaux. Ainsi, hormis quelques jours par session de 9h à 24h (appelés « niches parlementaires »), les seuls textes examinés sont ceux que le Gouvernement décide.
Les Parlementaires se font plaisir
Ainsi, 99 % des très nombreuses propositions de loi que les parlementaires déposent ne sont jamais débattues et encore moins votées. Les parlementaires se font plaisir en déposant des textes, montrent à leurs électeurs qu’ils sont actifs, mais ils savent bien que ces textes n’ont, en général, aucune chance d’être adoptés !
Et même un texte voté dans une niche devra attendre son inscription hypothétique dans l’autre chambre pour poursuivre son chemin de croix vers l’adoption… Il en va ainsi par exemple du texte voté récemment (contre l’avis du Gouvernement) à l’Assemblée Nationale sur la nationalisation d’EDF ! De même, si par un heureux concours de circonstance, le texte LIOT était adopté le 8 juin par l’Assemblée, son passage au Sénat n’est pas acquis et son adoption définitive hautement improbable.
Les urgences sociales, économiques, internationales et environnementales ont occulté fort logiquement l’idée d’une réforme constitutionnelle. Pour autant, tirons les enseignements des dysfonctionnements politiques de cette séquence et n’oublions pas, le moment venu, de revoir – et ce sont loin d’être les seuls – les articles 40, 48 et 49-3 de notre constitution.
Bertrand Pancher, président du groupe Liot à l'Assemblée: "Élisabeth Borne rêve peut-être d'un pouvoir autocratique" pic.twitter.com/e2PD0Plwua
— BFMTV (@BFMTV) May 18, 2023