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D’autres leviers plutôt que le recul de l’âge de la retraite…

Point-de-vue. Il existe d’autres pistes que l’âge de départ à la retraite à 64 ans, explique l’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert. Décryptage.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget (DR)

Par Christian Eckert

Un déficit limité en volume et en durée n’imposait pas une réforme urgente des retraites mal ficelée et globalement injuste. Le Président semble néanmoins déterminé à la mener. Son choix (il déclarait encore en 2019 ne pas vouloir bouger l’âge de départ) est le plus injuste, car il frappera presque uniquement celles et ceux qui, peu formés, ont cotisé tôt, plus longtemps et souvent les plus « usés » au travail.

Il faut bien compenser la fin de l’ISF

Le clan Macron (élargi une fois de plus par une grande part de la droite) veut trouver des recettes. Un jour, il dit que c’est pour combler le déficit, le lendemain pour dégager des marges de manœuvre pour autre chose. Il faut bien aussi compenser la fin de l’ISF, la moindre imposition des dividendes, l’allègement massif des cotisations sociales pour remplacer le CICE, la baisse des impôts (dits de production) des entreprises…

Alors même sans forcément partager tous ces choix, on peut donner quelques pistes de loin préférables à ce choix injuste de reculer, pour tous, l’âge de la retraite :

Il existe des réserves : la fameuse CADES qui encaisse autour de 20 milliards par an, qui rembourse la dette sociale et qui devait s’éteindre en 2023 ou 2024… Le gouvernement l’a « rechargée » fortement en dettes suite à la crise de la COVID. Elles devraient maintenant être amorties autour de 2032. L’inflation pourrait même accélérer le mouvement. Plus de 20 milliards annuels seraient ainsi libérés. Un fonds de réserve des retraites (FRR) est encore doté de plus de 26 milliards. Son affectation est aux mains de l’État. Je connais moins la situation des organismes de type AGIRC, ARCO, mais on sait que des réserves substantielles sont évoquées régulièrement.

Des traces dans les comptes sociaux

Les allègements de cotisations sociales ont été pratiquées par tous les gouvernements pour diminuer le coût du travail. Ils sont aujourd’hui massifs. La loi Veil (1994) impose à l’État de compenser à la Sécu les allégements de cotisation. En 2020, le gouvernement s’est « assis » sur ce principe en privant les  »Sécurités Sociales » de 4 milliards de recettes annuelles (appelés à augmenter avec le temps). De même, la « bascule » sur les cotisations sociales des 20 milliards annuels de réductions d’impôts (pour un coût de 40 Milliards en 2019) a laissé des traces sévères dans les comptes sociaux.

Tous les salariés ne sont pas concernés

À rebours de l’air du temps, je trouve curieux l’exonération de cotisations sociales de nombreux revenus : intéressement, participation, primes (baptisée Macron), heures supplémentaires, … Tous les salariés ne sont pas concernés. Les fonctionnaires en sont largement exclus. Ces compléments de revenus remplacent souvent le salaire de base et sont souvent pour l’employeur un motif pour ne pas augmenter la paye. Une uniformisation des cotisations sur tous les revenus (y compris ceux du capital) serait plus juste. « Assiette large, taux faibles » est une pratique qui permet de mieux piloter les recettes, sans « à coup » et effets de seuils toujours difficiles à admettre. Un élargissement des assiettes assujetties à cotisation couplé à une baisse de leurs taux serait beaucoup plus juste.

La question des retraites « chapeau »…

D’autres pistes seraient aussi à explorer. La diminution des cotisations au-delà du plafond de la Sécurité Sociale (il est vrai assortie d’un plafonnement de l’assiette de calcul de la retraite) est une singularité rarement évoquée et qui pourrait être regardée. La question des retraites « chapeau » et leur fiscalité, la distribution et les cotisations sociales des stock-options, l’assujettissement à cotisations des dividendes qui pour certains se substituent aux salaires… Autant de sujets qui pèsent autant en milliards qu’en éléments d’équité. Sans parler des « profits » exceptionnels réalisés par certains, suite aux problèmes sanitaires, énergétiques et internationaux.

On espère que le débat à venir ouvrira ces pistes. Le gouvernement se dit déterminé, mais c’est toujours le Parlement qui vote les lois, le gouvernement ne faisant que les proposer au vote avant de devoir les exécuter après leur adoption. Il est donc important d’interpeler les parlementaires (députés, sénateurs), de leur dire haut et fort notre pensée, notre colère et nos propositions.

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