France
Partager
S'abonner
Ajoutez IDJ à vos Favoris Google News

Présidence de la Commission des Finances : le véritable enjeu…

Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, rappelle ici l’importance toute particulière de la présidence de la Commission des finances, et notamment la question du secret fiscal, dévolue par le Règlement de l’Assemblée, à un député de l’opposition.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget (DR)

Par Christian Eckert

Ancien membre et ancien Rapporteur Général de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, l’ayant aussi beaucoup fréquentée comme Secrétaire d’État en charge du Budget et des Comptes Publics, j’entends parler du poste de Président de cette Commission Parlementaire et me sens autorisé à partager une analyse personnelle des enjeux liés à cette fonction.

Comme souvent, il se dit que les groupes (ou les individus) se battent pour des intérêts personnels, voire financiers. Le temps consacré par le Président à sa tâche, la complexité et l’importance de la gestion de l’argent public, les milliers d’amendements à « traiter » avant, pendant et après la Commission, les dizaines de rapports à valider, sa présence à la conférence des Présidents… tout cela fait du Président de la Commission un député « à part », et justifie la mise à sa disposition de collaborateurs, de moyens financiers et matériels pour qu’il puisse travailler et garder un peu de temps pour un minimum de présence dans sa circonscription.

Pas faire n’importe quoi

On pense aussi que son rôle est capital pour faire les lois, surtout les Lois de Finances. C’est largement exagéré. S’il organise les travaux de la commission, gère la recevabilité des amendements parlementaires et préside les réunions, il ne le fait pas seul et le bureau de la commission, élu par ses membres, participe à cela. De plus, certaines fonctions qu’il exerce le sont par délégation du Président de l’Assemblée et il ne peut faire n’importe quoi, doit motiver ses décisions dont certaines peuvent relever du Conseil Constitutionnel.

Il est élu par les membres de la Commission, elle-même composée proportionnellement à la taille des différents groupes. Les propos – y compris de Ministres en exercice – évoquant des questions constitutionnelles pour son choix confirment l’amateurisme ambiant. Seul le Règlement de l’Assemblée – et non la constitution – prévoit (article 39 alinéa 3) : « Ne peut être élu à la présidence de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire qu’un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition ». Nulle part n’est écrit qu’il doit s’agir du groupe le plus nombreux. L’usage est que les députés de la majorité s’abstiennent lors du vote. Si cela perdurait, les voix NUPES seraient plus nombreuses que celles du RN. La constitution d’un seul groupe NUPES n’est donc pas indispensable pour que cela.

Le secret fiscal

Mais la bataille pour ce poste relève selon moi d’une autre raison, sûrement plus importante : le secret fiscal, règle intangible dans notre pays, ne peut être opposé aux deux Présidents de commissions de finances et aux deux rapporteurs généraux de l’Assemblée et du Sénat. Ces quatre parlementaires sont bien sûr eux même tenus de s’y contraindre. On imagine donc que la majorité redoute que des informations sensibles puissent venir dans les mains d’un Président opposant peu habitué à être dans la mesure et dans la discrétion… J’ai moi-même, comme Rapporteur Général, demandé et pu consulter en détail des dossiers fiscaux sensibles (HSBC, UBS ou Arcelor Mittal…). La complexité, les délais et la sensibilité de ce type de sujets attisent sans doute autant les convoitises des uns que la méfiance des autres. Le soupçon règne sur le fonctionnement de l’administration fiscale et sa soumission (ou pas) à l’exécutif. Cela relève en partie du fantasme, mais mérite sûrement quelques contrôles.

Plus globalement, la question du secret fiscal (comme celle du « verrou de Bercy ») méritent débat. Le statuquo est sans doute peu acceptable, mais l’équilibre à trouver n’est pas aussi évident que les discussions « café du commerce » le disent !

France