Dans une lettre ouverte adressée notamment au président de la République, mais aussi aux élus et aux citoyens, l’Union nationale des élus locaux (UNEL) dénonce la concentration excessive des pouvoirs entre les mains des maires et la marginalisation des conseillers municipaux.
Voici l’intégralité du texte. « La démocratie locale en France traverse une crise profonde. Un fossé grandissant sépare les élus locaux des citoyens, et les pouvoirs publics semblent de plus en plus déconnectés des réalités du terrain. Le dernier Congrès des Maires a mis en lumière les nombreux défis rencontrés par les maires, mais il est essentiel de rappeler que la démocratie locale ne repose pas uniquement sur cette fonction. Les conseillers municipaux, eux aussi élus par les citoyens, jouent un rôle tout aussi crucial dans le fonctionnement des collectivités, pour autant leur voix reste trop souvent ignorée.
Une France à l’écart des principes démocratiques qu’elle défend à l’international
La France, qui se positionne comme défenseur de la démocratie et des droits humains sur la scène internationale, ferme cependant les yeux sur les dérives de sa propre démocratie locale. La concentration des pouvoirs entre les mains du maire, l’inefficacité des processus décisionnels locaux et l’isolement des élus municipaux illustrent un décalage préoccupant entre les valeurs que la France défend à l’étranger et la réalité interne de ses institutions.
Depuis plusieurs années, nous avons alerté sur la dégradation de la démocratie locale, en appuyant nos propos par des études, des rapports, des analyses documentées et des propositions de solutions. Ces travaux ont mis en évidence le manque de transparence et de contre-pouvoirs, ainsi que l’isolement des élus municipaux, qu’ils soient dans la majorité ou l’opposition. Pourtant, ces alertes sont restées sans écho. Le débat national sur ces sujets a été inexistant, et aucune véritable réforme n’a été engagée pour remédier à ces dérives. Les réformes en cours, souvent centrées sur le seul rôle du maire, ne prennent pas en compte la globalité du système démocratique local.
Le maire : un soliste dans une symphonie sans orchestre
Le maire, bien qu’il porte la lourde responsabilité de la gestion quotidienne de la commune, se retrouve souvent isolé. La concentration excessive des pouvoirs entre ses mains crée une forme de gouvernance solitaire. À la fois responsable administratif, politique et exécutif, il est privé de véritables contre-pouvoirs. Ce système conduit à une prise de décision unilatérale, où le maire porte seul le fardeau de la mission, ce qui nuit à l’efficacité de la gestion locale et à la transparence. La démocratie locale ne peut reposer sur une seule fonction, mais doit être le fruit d’un travail collectif, où chaque élu a sa place et sa responsabilité.
Les conseillers municipaux : réduits à des figurants
Les conseillers municipaux, qui devraient être les véritables relais des citoyens, sont aujourd’hui réduits à un rôle de figurants. Les conseils municipaux sont devenus des chambres d’enregistrement, où les décisions sont prises en coulisses par un petit groupe d’élus autour du maire. Ce système, non seulement inefficace, mais aussi antidémocratique, prive les conseillers de toute véritable capacité d’influence sur les décisions locales. Les élus de l’opposition et de la majorité n’ont ni pouvoir de débat réel, ni de prise de décision. Cela nuit gravement à la confiance des citoyens envers leurs élus et nourrit l’abstention électorale et le cynisme politique.
Le statut de l’élu : une réforme qui ignore le désengagement démocratique
L’attention accordée aux élus locaux sans délégation ne doit pas se limiter à une manœuvre électorale ponctuelle tous les six ans, dictée par la seule crainte de ne pas avoir suffisamment de candidats pour constituer les listes.
Le statut de l’élu, actuellement en discussion au Sénat et à l’Assemblée nationale, est trop centré sur la figure du maire, comme si le seul enjeu démocratique local était de renforcer ses pouvoirs. Or, cette approche ne résout en rien le véritable problème : le désengagement des conseillers municipaux et la perte de sens de leur mandat. Les réformes actuelles, bien que nécessaires, ne répondent pas aux défis structurels de la démocratie locale. Elles laissent de côté la question cruciale de la valorisation des conseillers municipaux, qui sont souvent écartés des prises de décision. Tant que le pouvoir reste concentré entre les mains du maire, l’abstention continuera d’augmenter, tout comme le désengagement, et la démocratie locale se videra de sa substance.
La solution : un renouveau démocratique local
Il est urgent de réformer la démocratie locale pour redonner du sens aux mandats locaux et renforcer la participation citoyenne. Voici quelques pistes concrètes de réforme :
- Réformer le rôle des conseillers municipaux : Les conseillers municipaux, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, doivent être véritablement impliqués dans la gestion de la commune. Les délégations doivent être redéfinies pour permettre à un plus grand nombre d’élus d’avoir des responsabilités concrètes, de participer activement aux décisions et de contribuer au débat démocratique. Les conseils municipaux ne doivent plus être des chambres d’enregistrement, mais des lieux de discussion et de décisions collectives.
- Renforcer la démocratie participative : Les citoyens doivent pouvoir s’exprimer sur les décisions importantes qui affectent leur quotidien, via des référendums locaux, des budgets participatifs ou des consultations sur des projets urbains. Ces mécanismes, déjà existants, doivent être développés afin de renforcer l’implication citoyenne et de rapprocher les élus et les citoyens.
- Revaloriser le mandat d’élu local : Les élus locaux, tous, doivent être mieux soutenus, formés et reconnus dans leur fonction. Un élu local doit disposer des moyens nécessaires pour exercer efficacement son rôle et répondre aux attentes des citoyens.
- Repenser le rôle du maire : Le maire, tout en conservant un rôle de leader dans la gestion de la commune, ne peut et ne doit pas concentrer tous les pouvoirs. Il est urgent de rétablir un équilibre des pouvoirs au sein des municipalités, en permettant au conseil municipal d’être un véritable acteur de la gestion locale.
- Réformer le statut de l’élu local : La réforme en cours doit impérativement prendre en compte l’autonomisation des conseillers municipaux. Il est essentiel de repenser la place et les pouvoirs de chaque élu, qu’il soit dans la majorité ou dans l’opposition, afin de garantir un véritable débat démocratique au sein des conseils municipaux et de redonner aux citoyens l’impulsion qu’ils attendent.
Un enjeu national
La crise de la démocratie locale n’est pas un problème isolé, elle est un symptôme d’un dysfonctionnement plus large qui touche l’ensemble de notre système démocratique. Si cette situation perdure, nous continuerons d’assister à une érosion de la participation citoyenne, à une montée de l’abstention électorale, et à une perte de confiance dans les institutions. Ce phénomène nourrit le populisme et fragilise nos fondements démocratiques.
La France, qui prône les principes démocratiques dans le monde, ne doit pas laisser sa propre démocratie se déliter. Nous demandons à créer une véritable instance de réflexion sur la démocratie locale et de mettre en place une réforme concrète et ambitieuse, afin de redonner aux élus locaux le pouvoir d’agir et d’influencer les décisions qui concernent directement les citoyens.
Il est temps de réinventer une démocratie locale où tous les élus, tous les citoyens ont une place et un pouvoir réel. »
Le bureau de l’Union Nationale des Élus Locaux.
Adhésion à l’UNEL pour les citoyens
L’UNEL : Une association pour faire vivre la démocratie locale