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La SNCF parie sur l’énergie renouvelable : à tempérer au regard de l’histoire

Après les annonces successives de la SNCF de recourir à l’achat, par filiales interposées, de parcs photovoltaïques et éoliens, il convient de rappeler le passé écologique bien réel de cette entreprise, rogné par une recherche écervelée de fonds, notamment pour éponger une dette qui n’était pas la sienne.

Bernard Aubin,
Bernard Aubin

Par Bernard Aubin

L’énergie propre, la SNCF l’utilisait bien avant que l’écologie ne devienne une mode et que le « greenwashing » ne masque la descente aux enfers de l’un des moyens de transport les plus propres… Elle l’utilisait et la produisait même !
Rappelons qu’en 1990, 30% de l’électricité consommée par la SNCF étaient le fait de sa propre production !

Les barrages et centrales de la SHEM

La SHEM (Société Hydro-Electrique du Midi) est aujourd’hui le 3ᵉ producteur hydroélectrique français : « nous produisons 100 % de votre électricité verte à partir de la force de l’eau. L’hydroélectricité est une énergie renouvelable et durable qui génère très peu d’émissions de gaz à effet de serre (GES) » peut-on lire sur le site de cette entreprise…
Autre précision relevée sur le Net : « les 56 usines et ses 12 grands barrages de la SHEM, répartis sur la chaîne des Pyrénées, les rivières du Lot et de la Dordogne, produisent une énergie propre et sans rejet de CO², 100 % renouvelable. Ce parc de production d’une puissance totale de 783 MW génère une production annuelle moyenne de 1 680 GWh, soit la consommation d’un million d’habitants ».

La SHEM, héritage des anciennes compagnies de chemin de fer français, sacrifiée dès 2003 par la SNCF

Wikipédia précise : « héritière de la Compagnie des chemins de fer du Midi, de la Compagnie du Paris-Orléans et des Voies et chemins de fer basques, créée en 1929, elle exploite 56 centrales hydroélectriques situées dans les Pyrénées, dans le Massif central et sur le Lot, soit une puissance installée de 783 MW. La SHEM fournissait à la SNCF une part notable de sa consommation en courant de traction »
Effectivement, de 1929 à 2003, la SHEM appartenait au ferroviaire et était au service du rail.

La descente aux enfers de la production « verte » de la SNCF

En 1991, la SNCF filialise tous ses moyens de production électrique au sein de la Société hydro-électrique du midi (SHEM), à l’époque filiale à 99% de la SNCF. Celle-ci exploitait déjà 19 centrales. Se sont ajoutées 11 autres héritées de l’ex-compagnie de chemin de fer Paris-Orléans-Midi. Des unités gérées précédemment par le département Énergie de la direction du Matériel. À l’époque, la SNCF démentait toute intention de vouloir se dessaisir à terme de cette activité très rentable et écologique.
En 2003, SNCF et Electrabel, compagnie d’électricité belge appartenant au groupe Suez, concluaient un premier accord prévoyant la commercialisation de la production de la SHEM par Electrabel pour une durée de cinq ans à compter du 1ᵉʳ mai 2003, une option de vente portant sur 80 % du capital.

En 2005, le groupe SNCF céda pour commencer 40 % du capital de la SHEM.

En 2007, Electrabel en prit le contrôle, détenant 99,6 % de son capital. C’est ainsi que dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, la SNCF se sépara de bijoux de familles rentables et surtout cohérents avec un mode de transport « écologique » qui ne portait pas encore son nom.

Les récentes annonces de la SNCF sont à examiner à l’aune de ce passé peu glorieux

Prochaine annonce de l’entreprise publique, le rachat de « ses » anciennes centrales ? Ou alors d’autres projets en faveur de transports propres comme le retour du wagon isolé (desserte fret porte-à-porte, ruinée par des réorganisations successives du service sous les contraintes de Bruxelles), l’acheminement des colis et du courrier par trains de Voyageurs (supprimé dans les années 90), le retour à un grand service marchandises national (Fret SNCF vit ses derniers instants, attaqué par Bruxelles après sa récente filialisation), le retour à un maillage ferroviaire Voyageurs capillaire du territoire (des milliers de km de lignes ont été supprimés au fil du temps) ?

En résumé, la réhabilitation de concepts réellement écologiques anéantis au fil de temps par des politiques technocratico-libérales ?

Comme quoi l’on se doit de relativiser, sans toutefois condamner, les annonces récentes du Président de la SNCF en faveur des énergies renouvelables. On était bien meilleur lorsqu’on parlait moins d’énergie propre, tout simplement parce que la SNCF la produisait sans s’en vanter. Et, que cela se fondait sur un bon sens élémentaire et non sur un effet de mode. La mémoire est volatile.
L’histoire n’est-elle pas un éternel recommencement ?

 

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