Meurthe et Moselle
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« Il faut virer tous ces incapables, le plus vite sera le mieux »

Pascal Deshayes, président de la Coordination Rurale de Meurthe-et-Moselle, est en colère contre ce gouvernement et les technocrates parisiens qui font abattre des troupeaux sains avec la bénédiction de la FNSEA. Désormais, il craint le pire chez les éleveurs qui n’ont plus rien à perdre. Entretien.

Pascal Deshayes, président de la Coordination Rurale 54 (Photo CR54)
Pascal Deshayes, président de la Coordination Rurale 54 (Photo CR54)

Que sait-on aujourd’hui de la DNC en Lorraine ?

On n’est pas à l’abri que la maladie arrive chez nous. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, personne n’est capable de déterminer comment la DNC a voyagé. Les éleveurs concernés n’ont pourtant pas bougé leurs bêtes, ni acheté d’animaux à l’extérieur. Malgré cela, le système imposé par le ministère de l’Agriculture, et cautionné par la FNSEA, prévoit l’abattage total d’un élevage dès qu’une seule vache est contaminée.

Vous remettez clairement en cause ce principe d’abattage systématique ?

Oui, complètement. Ce système est stupide. La viande est consommable. Quand on voit des gens qui crèvent de faim dans la rue, on aurait pu donner cette viande. À la place, les vaches partent à l’équarrissage. Massacrer des troupeaux entiers de vaches saines, c’est stupide, c’est même criminel.
Pour un agriculteur, un troupeau, ce sont des années de sélection, d’amélioration, de génétique. Et en plus, les éleveurs concernés seront mal indemnisés : une bête qui vaut 4 000 euros est remboursée 2 000 euros, avec un paiement six à huit mois plus tard. Vous avez le temps de mourir plusieurs fois.

Et sur le plan fiscal ?

C’est encore pire. Sur un troupeau de 200 bêtes, on peut atteindre 450 000 euros de dédommagement. Mais au-delà de 350 000 euros, c’est considéré comme un revenu : on est imposé sur les plus-values, comme s’il s’agissait d’une vente. Si on voulait supprimer la profession, on ne s’y prendrait pas autrement.

Certains parlent d’une stratégie européenne…

On soupçonne Bruxelles. Il y aurait trop de bovins en Europe, ils produiraient du méthane, donc ils pollueraient. L’idée serait de supprimer une partie de l’élevage européen.
Cela fait trois ans qu’on enchaîne les épizooties : fièvre catarrhale, grippe aviaire pour les canards et aujourd’hui la DNC. C’est impressionnant. On n’avait pas vu ça depuis des décennies. On est en train de dépeupler la France de ses animaux : bovins, ovins, volailles.

Que sait-on du vaccin contre la DNC ?

Le vaccin a été mis au point en Afrique du Sud. La logique voudrait qu’on abatte l’animal malade et qu’on surveille les autres. Un éleveur a très bien résumé la situation : si un député attrape une maladie, est-ce qu’on abat tout le troupeau de l’Assemblée nationale ?
Le problème, c’est que la FNSEA et le ministère refusent la vaccination, sous prétexte qu’on ne saurait plus distinguer un animal vacciné d’un animal malade.

Pourquoi cette opposition à la vaccination selon vous ?

Parce que le président de la FNSEA est aussi à la tête de nombreuses sociétés et coopératives qui font du business, notamment avec l’Espagne et l’Italie. Ils ont peur de perdre leurs marchés à l’export, qu’on leur reproche d’avoir un troupeau français non indemne.
Que les paysans crèvent après l’abattage de leurs 200 vaches, ce n’est pas leur problème. La FNSEA ne défend pas l’agriculture, elle défend ses intérêts dans l’agroalimentaire.

Craignez-vous une montée de la colère sur le terrain ?

Oui, très clairement. J’ai peur que des gens pètent les plombs et que ça se passe très mal. Les paysans ont du gros matériel : tracteurs, télescopiques… Il y a des gens qui n’ont plus rien à perdre.
Dans le Sud-Ouest, on arrache les vignes, ils ont subi la fièvre catarrhale, la grippe aviaire, la DNC… Ils se font démolir en permanence.

Vous évoquez aussi l’accord Mercosur…

Là, c’est le pompon. On a affaire à des menteurs. On nous dit non, non, non, on n’en veut pas. Et puis le président et le ministre de l’Agriculture vont au Brésil et ils nous expliquent que le Mercosur pourrait être un bon accord.
Nous, on attend 2027 pour foutre tout ça dehors. Il faut un autre gouvernement, avec une autre philosophie. On est dirigés par des énarques de salon, des technocrates parisiens déconnectés du terrain. Le bon sens paysan ne veut plus rien dire pour eux.
Surveiller un troupeau, ce n’est pas compliqué. Quand les vaches ne sortent pas l’hiver, en trois semaines on sait s’il elles sont contaminées ou non. Mais il y a d’autres intérêts en jeu.
On a vu une forte mobilisation en Ariège…
Oui, tous les syndicats étaient présents, sauf la FNSEA qui avait donné consigne de ne pas y aller. Tous les agriculteurs responsables, ceux qui ne se préoccupent pas de la couleur du drapeau, étaient là.

Un mot sur l’Ukraine, membre de l’UE ?

Surtout pas. Ce serait la mort de l’agriculture française. L’Ukraine, c’est 18 millions d’hectares, avec un potentiel de production supérieur à la France. Aujourd’hui, ils produisent 40 quintaux, mais demain ce sera 90 ou 100. À ce moment-là, il n’y aura plus de paysans ni en France ni en Allemagne.
Avec le Green Deal et le lobbying écologiste à Bruxelles, on ne veut plus d’agriculture en France. Il reste 400 000 exploitations. Dans dix ans, il n’y en aura plus que 250 000. Tout viendra de l’étranger.
Je l’ai dit à la préfète : « on ne mourra peut-être pas de faim, mais vous aurez peut-être des boutons sur la figure… »

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