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« Le Rouet de Jeanne » de Gilles Laporte

Avec son nouveau roman, Le Rouet de Jeanne*, Gilles Laporte rend un vibrant hommage aux artisans lorrains du bois et du verre. Explications et entretien.

Le Rouet de Jeanne de Gilles Laporte (couverture)
Le Rouet de Jeanne de Gilles Laporte (couverture)

Fruit du talent des ébénistes locaux, Le rouet des Mangeon aurait appartenu à Jeanne d’Arc. Rien d’étonnant, puisque la famille habite à Greux, au pays de Jeanne. Conservé en secret, il est adoré comme une véritable relique, surtout après 1870 et l’annexion de l’Alsace et de la Moselle. Le rouet devient pour cette famille un symbole de résistance face à l’occupant prussien. Mais un jour, le rouet a disparu. Hermance, qui l’avait dessiné lorsqu’elle était jeune, propose à son mari sculpteur sur bois de le reproduire à l’identique…

Le rouet de Jeanne a-t-il existé ?

Gilles Laporte
Gilles Laporte (DR)

Autrefois, les ébénistes et artistes du bois de la région de Liffol-le-Grand étaient spécialisés dans la fabrication de rouets. Il s’agissait d’une fabrication délicate puisque cet objet, familier à l’époque, se compose d’une roue actionnée par des pédales reliées par des bielles, entrainant une bobine grâce à une courroie… Sa fabrication demandait beaucoup de savoir-faire. J’ai imaginé que, dans une famille, survit un rouet qui aurait appartenu à Jeanne d’Arc. Pour savoir s’il a existé, il faudra attendre la fin du livre.
Ce roman est un hommage aux Vosges, au Pays de Jeanne, à la Lorraine, mais aussi, et peut-être surtout, aux gens qui y vivent…
Le rouet de Jeanne est un prétexte pour entrer dans ce monde du 19ᵉ et du début du 20ᵉ siècle, ce monde des magiciens du bois qui, depuis le moyen-âge et peut-être avant, travaillent ce matériau et en font des choses extraordinaires. Aujourd’hui encore, des meubles de grand style, vendus par de grandes marques, proviennent de Liffol-le-Grand. Ils équipent de grands hôtels ou des palais, un peu partout dans le monde, de l’Élysée à la Maison-Blanche en passant par le Kremlin ou les États du Golfe.
Ce roman a aussi un aspect documentaire : on suit pierre à pierre et dans tous ses décors (peintures, mosaïques, vitraux…) la construction de la basilique du Bois-Chenu. Avec un clin d’œil à tous ces artistes connus ou méconnus qui ont contribué à sa splendeur.

D’où vient le lien avec le Tarn ?

J’ai fait en sorte que l’un de mes personnages, Germain, quitte cette région, pour mille et une raisons, notamment familiales, pour aller à Baccarat où il apprend à travailler le verre. C’est un dur, un rebelle, au caractère difficile. Après le traumatisme de la Première Guerre mondiale, il décide de quitter la Lorraine, et il va dans une verrerie-coopérative qui existe toujours à Albi. C’est le pays de Jaurès, de la dignité ouvrière, de gens qui travaillent dans l’esprit du partage fraternel, de la solidarité. Partant du verre et du cristal de Baccarat, on suit cet homme qui, dans sa chair, porte une grande partie des misères dues aux guerres en Lorraine et va s’installer dans le Tarn.

Le rouet est aussi un symbole de résistance. Pourquoi ?

C’est un livre-hommage à la résistance sous toutes ses formes, résistance incarnée très souvent par les femmes. D’où l’ancrage de cette histoire dans le pays de Jeanne qui est l’une des plus grandes résistantes de France. C’est l’esprit de Jeanne qui se perpétue dans ce pays, dans les comportements, dans les pensées et les actes des personnages de mon roman.

Cet hommage aux femmes n’est pas rare dans vos romans…

J’ai depuis toujours deux fils rouges dans mon travail d’auteur : le respect nécessaire dû à la Femme, la promotion de notre patrimoine, et… L’ÉCOLE. Et Dans ce roman, je mets en scène des personnages qui transmettent un savoir-faire, un esprit de création. Ici, c’est dans le domaine du bois et de la sculpture sur bois de ce précieux matériau issu des splendides forêts de l’ouest vosgien. Un jeune garçon arrive dans cette histoire. Sa mère est l’une des domestiques de l’hôtel Ferbus à Greux. Un jour, ce gamin est ébloui par la voiture que l’ébéniste voisin vient de se payer. Ils deviennent inséparables. Ce bel artisan du bois finit par lui transmettre son savoir, son art, son regard sur le matériau noble qu’est le bois et l’esprit qui s’en dégage. Il ira jusqu’à lui donner ses outils : le maillet, le compas, l’équerre. Des symboles qui accompagnent ce roman, de 1884 à 1950, de l’ermitage de Bermont au Bois-Chenu, en passant par Liffol-le-Grand, l’héroïque Maquis résistant de la Délivrance en 1944, le fier château de Bourlémont… au Pays de Jeanne.

* Le Rouet de Jeanne de Gilles Laporte aux Presses de la Cité/ Terres de France
448 pages 23 euros.

Gilles Laporte, né dans les Vosges, a publié de nombreux romans dont Le Loup de Métendal (prix de Littérature des conseils généraux de Lorraine en 2010), La Fontaine de Gérémoy, Des Fleurs à l’encre Violette et tant d’autres romans historiques ou biographies. Ardent défenseur de la laïcité, Gilles Laporte reste aussi fidèle à son engagement en faveur des femmes.

Il sera présent à la 47ᵉ édition du Livre sur la Place (espace du Hall du Livre) à Nancy du 12 au 14 septembre.

Guillaume Gallienne, président du Livre sur la Place de Nancy

 

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