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Emportés par « Le Torrent » !

Tourné dans la région de Gérardmer, Anne Le Ny a réalisé un film « 100% vosgien », avec José Garcia et André Dussolier. « Il me fallait de la montagne », confie l’actrice et réalisatrice.

C’est dans les Vosges qu’Anne Le Ny a filmé la brume sur les forêts, une mer de nuages enveloppant la montagne, la cime des sapins pointant vers un ciel gris…

« C’est un film 100% vosgien, nous avons tout tourné ici et ça se voit », disait Anne Le Ny, avant la projection de son film « Le Torrent » (sortie le 30 novembre), aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer. Une avant-première vosgienne tout à fait logique, puisqu’effectivement l’ensemble du long-métrage a été tourné dans la région de Gérardmer, les habitants s’amusant à reconnaître sur grand écran les rues de la cité, les bords du Lac, le cimetière du Valtin, la montagne alentour, les routes sinueuses et enneigées des cols des Vosges…

« Il me fallait de la montagne, il y a quelque chose d’un peu menaçant, de mystérieux », dit Anne Le Ny, réalisatrice de « Ceux qui restent », « Les invités de mon père », « Cornouaille », « On a failli être amies »… « Je suis Bretonne, j’aime regarder loin l’océan, et la montagne ça m’angoisse, ça m’écrase. C’est pour ça aussi que j’ai écrit une histoire angoissante, un thriller à la montagne, pour moi il y a un truc anxiogène, mais ici c’est moins anxiogène, c’est une montagne plus ronde où je ne me sens pas écrasée », ajoute la cinéaste.

C’est donc dans les Vosges qu’elle a filmé la brume sur les forêts, une mer de nuages enveloppant la montagne, la cime des sapins pointant vers un ciel gris… « C’est magnifique, il y avait quelque chose dans l’ambiance », s’enthousiasme Anne Le Ny, « Le torrent est la cause du drame et à la confluence des émotions des personnages ». Le premier personnage rencontré est Lison, jeune fille jouée par Capucine Valmary, qui se réjouit de passer le weekend dans le confortable chalet de son père Alexandre (incarné par José Garcia) où il vit avec sa seconde famille, sa jeune et jolie épouse Juliette (Ophélia Kolb) et leur petit garçon.

« Le film joue sur autre chose que le suspense »

Capucine Valmary joue une jeune fille, Lison, qui va être complice d’un terrible mensonge de son père (incarné par José Garcia).

« Capucine a l’âge du rôle et une présence magnifique », précise Anne Le Ny, « Elle a un très beau visage, photogénique, et encore un truc un peu pataud de l’enfance, ça me touchait beaucoup chez elle ». Malgré elle, Lison va être complice d’un terrible mensonge de son père, et se sentir responsable d’un drame. « C’est vraiment une sorte d’apprentissage du monde des adultes, du mensonge, c’est une fille qui a tellement besoin d’avoir une place auprès de son père », estime la réalisatrice, « Finalement, avec son père elle est dans une relation qui n’est pas très saine ».

« Cela faisait longtemps que j’avais envie de travailler avec José Garcia, le personnage va vers le noir, il s’enfonce, je voulais plutôt un acteur qui vienne de la comédie, avec quelque chose de sympathique pour qu’on mette un certain temps à se dire qu’il n’aurait pas dû faire ça », dit Anne Le Ny, qui avait repéré le jeu dramatique de l’acteur dans « Le Couperet » de Costa-Gavras, aussi tourné en partie dans les Vosges. « Les acteurs qui font de la comédie n’ont pas peur du ridicule, j’adorais José quand il faisait Nulle Part Ailleurs, il n’avait peur de rien », dit-elle.

José Garcia joue ici un mari qui se découvre trompé et laisse éclater sa colère une nuit de tempête, aux terribles conséquences : Juliette quitte la maison, chute dans un ravin, et disparaît. Le lendemain matin à l’aube, on découvre les dégâts causés par les pluies torrentielles, inondations, éboulements, arbres déracinés, routes coupées… grâce notamment à d’impressionnantes images réelles de drone (tournées par le photographe vosgien Philippe Briqueleur).

Emportés par « Le Torrent », les spectateurs connaissent la vérité ; lorsque le corps de Juliette est retrouvé, ils savent que c’est un dramatique accident. Avec une structure à la « Columbo » (on sait ce qu’il s’est passé), le sujet n’est pas la recherche d’un coupable : « On peut entrer dans le vif du sujet, on parle d’autre chose, de quels choix vont faire les personnages à partir d’une situation donnée, et souvent pas les bons (…) Le film joue sur autre chose que le suspense, même si j’espère qu’il y en a », précise Anne Le Ny, qui joue la capitaine de gendarmerie, « C’est mon métier de départ, quand même, et donc un film sur deux je me mets dans un petit rôle ».

« Je pense que les vrais salauds, c’est très rare »

« J’ai trouvé dans les Vosges les décors qu’il me fallait », assure la réalisatrice Anne Le Ny.

« L’enquête, la présence de la police, ça permet d’avoir une menace forte sur les personnages, il y a quand même la pression du thriller », dit la réalisatrice, qui s’est inspirée de l’affaire Viguier : « Je m’y étais intéressée avant le procès, il y avait le fait que les enfants prennent complètement le parti de leur père ». Dans son film, un homme déchiré et soupçonneux veut connaître la vérité, Patrick, le père de Juliette, interprété par André Dussolier. « Je parle beaucoup de la trahison, je suis dans la problématique du bien, qu’est-ce que c’est faire bien ou faire mal ? », ajoute Anne Le Ny, « Je pense que les vrais salauds, c’est très rare, et que beaucoup de saloperies dans ce bas monde sont faites par des gens comme vous et moi. Souvent, les mauvaises actions ne sont pas vraiment faites avec une intention de nuire et ça m’intéresse plus ».

« Je n’avais jamais fait de film de genre, mais c’est amusant de travailler avec des contraintes en fait. Quand on écrit ses propres histoires, on sait qu’on va toujours raconter la même histoire, qu’on n’y échappera pas », estime la cinéaste, qui a tourné pendant la période du covid, l’hiver 2020, alors que tout et tous dans la cité de Gérardmer étaient confinés : « Pendant la préparation, on avait tellement peur de ne pas avoir le droit de tourner… On avait un protocole très strict, mais c’était quand même un chouette tournage ».

« Je connaissais un peu les Vosges, elles ont moins été filmées, et on aime bien se dire qu’on va montrer des images que tout le monde n’a pas déjà imprimée en tête (…) J’y ai trouvé les décors qu’il me fallait, et puis le bureau d’accueil des tournages est vraiment très efficace », assure la cinéaste, qui a reçu le soutien de la Région Grand Est. Et si le paysage de la montagne se fait oppressant pendant une grande partie du film, c’est au bord du Lac de Gérardmer qu’il se termine, lorsque « Le Torrent » s’est enfin apaisé.

Propos recueillis par Patrick TARDIT

« Le Torrent », un film de Anne Le Ny, avec José Garcia et André Dussolier (sortie le 30 novembre).

 » L’enquête, la présence de la police, ça permet d’avoir une menace forte sur les personnages », dit Anne Le Ny, qui joue la capitaine de gendarmerie, ici entre Capucine Valmary (la fille) et José Garcia (le père).
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