ITER, ou réacteur thermonucléaire expérimental international, actuellement en construction à Cadarache, dans le sud de la France, s’apprête à recevoir le plus grand aimant du monde.
Par Robert Harneis
Personne ne sait combien coûtera ITER. Le budget initial était de 5,9 milliards d’euros et certaines estimations indiquent que la facture finale sera de 55 milliards d’euros. Partagé entre 35 pays, ce n’est pas si douloureux. Commencé en 2007, il a pris, sans surprise, six ans de retard et est aujourd’hui achevé à 78 %. Sa mise en service est prévue pour 2035.
Un aimant de 1.000 tonnes
General Atomics a annoncé que l’aimant géant conçu par Magnet Technologies a commencé son voyage depuis San Diego, en Californie, aux États-Unis. L’aimant pèsera 1000 tonnes, mesurera 18 mètres de haut et 4,2 mètres de large. Il sera capable d’une induction électromagnétique de 13 teslas, soit 280 000 fois le champ magnétique mondial. Il sera théoriquement capable de soulever un porte-avions. Connu sous le nom de solénoïde central, il est un élément clé du réacteur expérimental tokamak.
La mission d’ITER est de prouver que l’énergie issue de la fusion de l’hydrogène peut être créée et contrôlée sur terre. L’énergie de fusion est sans carbone, sûre et économique.
Au cours des 15 derniers mois, des composants massifs et inédits ont commencé à arriver en France en provenance de trois continents. Une fois assemblés, ils constitueront le tokamak ITER, un « soleil sur terre » pour démontrer la fusion à l’échelle industrielle.
Les pays partenaires qui collaborent au projet sont : l’Union européenne (plus le Royaume-Uni et la Suisse), la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis. La majeure partie du financement d’ITER se fait sous la forme d’apports de composants.
Une source inépuisable d’électricité propre
Sa force magnétique est suffisamment puissante pour soulever un porte-avions de deux mètres dans les airs. En son cœur, il atteindra un champ magnétique de 13 tesla, soit environ 280 000 fois plus puissant que le champ magnétique terrestre. Les structures de support du solénoïde central devront résister à des forces égales à deux fois la poussée d’une navette spatiale au décollage.
Le solénoïde central jouera un rôle essentiel dans la mission d’ITER, qui consiste à faire de l’énergie de fusion une source pratique, sûre et inépuisable d’électricité propre, abondante et sans carbone.
Les modules du solénoïde central sont fabriqués au Magnet Technologies Center de GA à Poway, en Californie, près de San Diego, sous la direction du projet américain ITER, géré par Oak Ridge National Laboratory (ORNL). Cinq autres modules de solénoïde central, plus un de rechange, sont à différents stades de fabrication. Le module 2 sera expédié en août.
Comment fonctionne la fusion ?
- Une petite quantité de deutérium et de tritium (hydrogène) gazeux est injectée dans une grande chambre à vide en forme de beignet, appelée tokamak.
- L’hydrogène est chauffé jusqu’à ce qu’il devienne un plasma ionisé, qui ressemble à un nuage.
- Des aimants supraconducteurs géants, intégrés au tokamak, confinent et façonnent le plasma ionisé, le tenant éloigné des parois métalliques.
- Lorsque le plasma d’hydrogène atteint 150 millions de degrés Celsius – dix fois plus chaud que le noyau du Soleil – la fusion se produit.
- Dans la réaction de fusion, une infime quantité de masse est convertie en une énorme quantité d’énergie (E=mc2).
- Des neutrons à très haute énergie, produits par la fusion, s’échappent du champ magnétique et frappent les parois métalliques de la chambre du tokamak, transmettant leur énergie aux parois sous forme de chaleur.
- Certains neutrons réagissent avec le lithium présent dans les parois métalliques, créant ainsi davantage de tritium comme combustible pour la fusion.
- L’eau qui circule dans les parois du tokamak reçoit la chaleur et se transforme en vapeur. Dans un réacteur commercial, cette vapeur actionnera des turbines pour produire de l’électricité.
- Des centaines de tokamaks ont été construits, mais ITER sera le premier à réaliser un plasma « brûlant » ou largement autochauffant. « Le projet ITER est la collaboration scientifique la plus complexe de l’histoire », déclare le Français Bernard Bigot, directeur général d’ITER Organization. « Des composants inédits très exigeants sont fabriqués sur trois continents pendant près de dix ans par des entreprises de premier plan telles que General Atomics. Chaque composant représente une équipe d’ingénieurs de haut niveau. Sans cette participation mondiale, ITER n’aurait pas été possible ; mais dans le cadre d’un effort combiné, chaque équipe tire parti de son investissement grâce à ce qu’elle apprend des autres. »
Le transit terrestre vers l’ITER
ITER sera le premier dispositif de fusion à produire une énergie nette à travers le plasma, ce qui signifie que la réaction de fusion produira plus d’énergie thermique que l’énergie nécessaire pour chauffer le plasma. ITER sera également le premier dispositif de fusion capable de maintenir la fusion pendant de longues périodes. ITER produira 500 mégawatts d’énergie de fusion thermique, soit plus de trente fois le record actuel atteint par le tokamak JET de Culham, au Royaume-Uni.
Ensemble, les aimants d’ITER créent une cage invisible pour le plasma qui se conforme précisément aux parois métalliques du tokamak.
La construction d’ITER implique plus d’un million de composants, fabriqués dans le monde entier. Nombre de ces composants sont très volumineux et les modules de l’aimant central comptent parmi les plus lourds. Le processus d’expédition des aimants massifs nécessite des véhicules de transport lourds spécialisés. L’ensemble du processus de chargement et de fixation en toute sécurité du module sur le camion, y compris les préparatifs de levage, prendra environ une semaine.
« Un avenir énergétique brillant »
Après le chargement, le module sera expédié à Houston, au Texas, où il sera placé sur un navire pour être transporté jusqu’au site ITER. Le premier module prendra la mer fin juillet et arrivera en France fin août. Le transit terrestre vers le site ITER aura lieu début septembre.
« La fusion a le potentiel de fournir une énergie sûre et respectueuse de l’environnement en remplacement réaliste des combustibles fossiles au cours de ce siècle », déclare Bernard Bigot. « Avec un approvisionnement mondial quasi illimité en combustible, elle a également le potentiel – en complément des énergies renouvelables – de transformer la géopolitique de l’approvisionnement énergétique. Je ne peux penser à une meilleure illustration de cette action transformatrice que le projet ITER, où nos partenaires américains travaillent en étroite collaboration avec des contributeurs de Chine, d’Europe, d’Inde, du Japon, de Corée du Sud et de Russie, comme une seule et même équipe dédiée à la réalisation de l’objectif commun d’un avenir énergétique brillant ».