Plus de 120 000 Lorrains travaillent au Luxembourg et ce phénomène agite périodiquement la classe politique. Explications.
Par Christian Eckert
Il y a diverses positions, c’est bien normal :
Certains réclament qu’une partie des impôts payés par les frontaliers sur leurs revenus (versés au Grand-Duché) soit reversée à la France (curieusement aux communes). D’autres acceptent le fait que, comme on le fait majoritairement dans le monde entier, l’impôt soit payé dans le pays d’où vient le revenu.
Concernant les cotisations et les prestations sociales, les frontaliers les payent et les perçoivent au Grand-Duché. Cela n’est curieusement guère remis en cause, car cela favorise les frontaliers. Pour autant, deux anomalies majeures existent : les cotisations chômage profitent au Luxembourg alors que les prestations sont versées par la France. D’autre part, une cotisation « dépendance » est prélevée pour le Luxembourg alors que c’est sur la France que pèse la prise en charge.
Ces questions ont peu progressé dans les dernières années, et j’avoue m’y être cassé les dents moi-même.
Récemment, il a été question des journées de télétravail, de leur plafonnement, du traitement fiscal des salaires de ces jours-là et de l’impact sur le régime social de rattachement des télétravailleurs : le cabinet du ministre de l’Économie Bruno Le Maire aurait réuni en visioconférence les parlementaires lorrains pour leur présenter les pistes que le gouvernement va défendre en matière de télétravail lors des négociations avec le Luxembourg.
La protection sociale
L’imposition des jours de télétravail n’aura guère d’influence sur les impôts des frontaliers : le niveau de l’impôt est peu différent d’un pays à l’autre. Outre les questions techniques du paiement, c’est sur les pays que les effets se feront sentir, pas sur les gens.
C’est différent sur les questions de protection sociale. Au Luxembourg, les cotisations sont bien plus faibles et les prestations bien plus élevées. Appartenir à un régime plutôt qu’à l’autre est essentiel pour les salariés.
La récente communication sur ce dossier, notamment de la députée « Renaissance » Isabelle Rauch, est pour le moins surprenante. Elle se dit être confiante sur un accord concernant le télétravail, tant mieux… mais aucun des autres sujets n’est évoqué.
Outre les thèmes cités plus haut (partage de l’impôt entre les pays, cotisation et prestation chômage, assurance dépendance), personne n’a oublié les péripéties de l’épisode inédit des avenants à la dernière convention fiscale. Des dizaines de milliers de foyers avaient parfois vu leurs impôts très sensiblement augmenter, malgré le déni des parlementaires qui avaient soutenu et applaudi ces modifications sans en connaître les effets. Un moratoire de deux ans a été décidé sans vote du Parlement. Mais qu’en est-il des impôts sur les revenus de 2022 (nous sommes en septembre) ?
Les sujets qui fâchent
J’ai peine à croire qu’une visioconférence avec le cabinet du Ministre à trois mois de la fin de l’année fiscale n’ait pas évoqué ce point ! Excepté la députée thionvilloise, les autres parlementaires, issus de secteurs où la proportion de travailleurs frontaliers est très forte, ne se sont pas exprimés… Il reste pourtant peu de temps avant la fin du report unilatéral de la France de l’application de la convention et de l’avenant fiscal qu’elle a ratifiés par deux fois.
Pour que la confiance entre les gens et leurs élus cesse de s’effondrer, il serait bon de parler, y compris des sujets qui fâchent : Décider des conditions et du développement du télétravail doit se faire, mais il est encore plus important d’éviter les pataquès des années précédentes. Trancher la question du calcul des impôts des couples ayant des revenus issus des deux pays est urgent. Emmanuel Macron et sa majorité avaient décidé d’y toucher. Ils ont reporté de deux ans l’application de leur propre choix. Ils s’expriment avec emphase sur le télétravail, mais ne disent pas un mot sur ce sujet fiscal majeur qui reste devant nous. Cela ne peut être un oubli.