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Thionville : Les conclusions de l’audit sur les transports en commun

Audit TeMo, syndicat en charge des transports sur la région de Thionville : pas de surfacturation, pas d’enrichissement personnel, pas de plainte, pas (encore) de recours devant le Tribunal Administratif… Mais un TeMo qui souhaite « tourner la page difficile de l’histoire du SMiTU et se tourner vers l’avenir … »

Bernard Aubin,
Bernard Aubin

Par Bernard Aubin

Lors de la conférence de presse de ce mercredi matin, 18 juin 25, devant une dizaine de journalistes, Rémy Dick, maire de Florange et président de TeMo, est revenu sur l’historique du Bus à Haut Niveau de Service, « un projet à 295 millions d’euros qui avait du plomb dans l’aile et qui a fait couler beaucoup d’encre ». « Début 2024, on s’est aperçu qu’on n’y arrivait pas en travaillant dans un grand flou…, dit-il. Nous avons décidé de protéger l’institution, et d’avancer sur l’avenir, c’est le but de l’audit » déclare le Président de TeMo qui souhaite se « sécuriser en tant qu’ordonnateur ». Il précise que le lancement de l’audit a récolté l’aval du Conseil Syndical.

Trois avocats pour examiner l’« équivalent d’une demi-pièce remplie de documents ».

Deux avocats du cabinet Olszak Lévy ont détaillé, exemples à l’appui, les errements et irrégularités relevées dans le traitement du projet. Leur audit sera prochainement mis en ligne, en partie caviardé, afin de protéger les intérêts de TeMo en cas d’action en justice. Et ceux-ci semblent prêts à franchir cette étape.
Ils évoquent des difficultés dans la passation ou l’exécution des marchés, une précipitation dans la signature des contrats par ailleurs relevée par la Chambre Régionale des Comptes.
Ils dénoncent la modification de certains contrats par avenant : « lorsque l’on retire 70 % des éléments et on en rajoute 60 %, il aurait fallu, en regard des règles en vigueur, passer un nouveau contrat ».

Les errements du délégataire Egis

Les avocats mettent en cause l’attribution d’un marché à une société qui « était meilleure financièrement, mais pas qualitativement… » : une société émanant d’une autre qui disposait d’une bonne connaissance du dossier. Mais leurs principales charges sont dirigées contre le délégataire auquel le SMiTU avait donné tout pouvoir, Egis. « Si la méthode avait été correctement appliquée, le marché aurait dû être attribué à Transamo », assènent-ils en introduction. Et dénoncent le mélange des genres « pour le dépôt, les études ont été faites par Egis et le marché attribué à Egis Rail ».
Les avocats soulignent également l’impréparation des travaux des ouvrages d’art… Et Eiffage qui réclame 23 millions d’euros supplémentaires. Ils reprochent à Egis un manque de vigilance et de conseil : « on a le sentiment qu’il y avait une enveloppe qui avait été financée et que tant qu’elle n’était pas dépassée, ce n’était pas grave ». Ce qui est grave en revanche, ce sont les surcoûts générés par des opérations qui n’avaient pas été initialement répertoriées : démolition des bâtiments SNCF (1 million d’euros), interventions SNCF non budgétées (1 million d’euros), coût de la répercussion des travaux sur les circulations ferroviaires…

Rémy Dick, maire de Florange et président de TeMo. A sa droite : Olivier Postal, maire de Terville et vice-président de TeMo. A sa gauche Lisa Lamorlette, directrice de cabinet de TeMo et les avocats du cabinet Olszak Lévy.
Rémy Dick, maire de Florange et président de TeMo. A sa droite : Olivier Postal, maire de Terville et vice-président de TeMo. A sa gauche Lisa Lamorlette, directrice de cabinet de Rémy Dick et les avocats du cabinet Olszak Lévy.

Le Département non consulté… des travaux réalisés pour le compte des collectivités.

70 % des itinéraires empruntés par le BHNS relèvent de la responsabilité du Département de la Moselle. Mais il n’a été averti que tardivement et a demandé des comptes, ce qui remet en cause le caractère définitif du projet et engendre du retard. De leurs côtés, Thionville et l’Agglo Portes de France ont programmé la mise en place des réseaux d’eau potable et d’assainissement pour l’équivalent de 1,2 million d’euros… payés par le SMiTU en dehors de tout conventionnement ou de la moindre trace écrite. Un syndicat qui peine à obtenir le recouvrement de la somme. Rémy Dick se veut cependant rassurant : « on est prêt à un accord pour sortir de cette situation improbable… »

Les points marquant soulignés par l’audit

  • Passation irrégulière d’avenants (avenants passés sans mise en concurrence).
  • Attributions de marchés viciées « dans des conditions susceptibles de heurter les principes d’égalité et de transparence ».
  • Méthode de notation biaisée : attribution d’un marché à un opérateur sans que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit retenue.
  • Régularisation illégale d’appels d’offres : une entreprise a été invitée à modifier substantiellement une offre irrégulière, en contradiction avec les règles de la commande publique.
  • Retards structurels dans la phase préparatoire des travaux… qui ont engendré des demandes indemnitaires de plus de 1,6 million d’euros.
  • Difficultés d’exécution : mauvaise anticipation des contraintes engendrées par la construction des ponts.
  • Indemnisation injustifiée engendrant un surcoût de 316 000 d’euros HT.
  • Engagement de dépenses hors compétences SMitU (eau potable…) pour 1,6 million d’euros.
  •  Défaut de conception : les bus ne peuvent se croiser. Coût des travaux de reprise : 100 000 euros.

Qu’en pense Rémy Dick ?

Rémy Dick, maire de Florange (57) photo DR
Rémy Dick, maire de Florange (57) photo DR

« Le contrat (NDRL : avec Egis) n’a pas été respecté. Il y a un manque par rapport aux obligations de conseil. Cela nous amène à une augmentation des coûts… Nous avons amorcé la phase pré-contentieuse avec Egis… Ce délégataire ne nous donnait aucune facture avant intervention de nos avocats… Il faut désormais arrêter d’en parler, les choses sont dites, passons à autre chose ».
Le Directeur de Témo précise : « toutes les actions seront mises en œuvre pour régulariser la situation, par accords ou par contentieux. L’argent public ne doit pas être perdu ».
Et sur la relative placidité du SMiTU et des représentants des communes face aux risques évidents de dérives ?
Rémy Dick : « certains Vice-Présidents avaient alerté, pendant que d’autres élus regardaient leurs pieds. Le seul à avoir demandé des éléments juridiques est le maire de Hayange. Ils lui ont été fournis. A l’époque, tout le monde voulait aller au plus vite ». On a voulu traverser l’Atlantique en pédalo, illustre le Vice-Président Olivier Postal pour décrire précipitation et impréparation.

Des suites pénales ?

« Aucun élément en notre possession ne permet d’identifier des enrichissements personnels ou des surfacturations » nous précisent les avocats de Temo. L’audit a cependant été transmis par TeMo au Procureur de la République pour toutes les suites pénales qu’il jugera éventuellement utile de lui apporter.
En ce qui concerne les surcoûts et autres dérives dûment constatées, qui s’élèvent à « plusieurs millions d’euros », les négociations se poursuivent avec Egis, le délégataire. Le tribunal administratif sera sollicité en cas de désaccord.

En conclusion (TeMo)

« Cette conférence marque un tournant. Elle ouvre une nouvelle phase de sérénité et de mobilisation au service des mobilités du territoire ». Rémy Dick souligne que TeMo recevra 12 cars pour la rentrée et que des projets ambitieux se concrétiseront en septembre. Quant à la responsabilité de ses prédécesseurs dans les dérives constatées, il laisse à chacun le loisir de se forger sa propre opinion. Un gage de sérénité ?

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