L’opposant thionvillois a été relaxé au titre de la bonne foi, ce mardi 19 novembre 2024, dans le procès en diffamation que lui a fait le maire de Thionville, Pierre Cuny. C’est la suite logique des fameux ThionviLeaks qui dénoncent les rapprochements malsains entre élus et promoteurs.
Par Bernard Aubin
Belote et rebelote. L’opposant thionvillois Yan Rutili a été relaxé, ce mardi 19 novembre 2024 par le tribunal de Thionville dans l’affaire de cornecul qui l’opposait au maire, Pierre Cuny. Voilà une deuxième relaxe en peu de temps après celle obtenue à Paris contre l’adjoint aux affaires immobilières, Roger Schreiber.
« J’ai été relaxé sur ma bonne foi », explique Rutili dans un communiqué, en précisant que le maire a « fait prendre en charge ses frais d’avocat par les contribuables ».
Rappelons que Yan Rutili avait dévoilé « un pacte de corruption » dans le cinquième épisode de ses vidéos intitulées #thionviLeaks.
« Un faux en écriture publique » ?
Il lui était reproché d’avoir évoqué un faux en écriture publique. Ce qui donna lieu à un subtil débat juridique, lors de l’audience, le 18 septembre dernier, devant le tribunal de Thionville, comme nous l’avons écrit ce jour-là.
Les plaidoiries de Me Poudampa, avocat de Yan Rutili, et Me Fittante, avocat du maire de Thionville et ex-bâtonnier de Metz, ont ferraillé à coup d’articles de lois dont ceux de la fameuse loi sur la presse de 1881.
Dans cette cinquième vidéo des ThionviLeaks, Yan Rutili évoque un repas dans un bon restaurant, réunissant des élus et des promoteurs immobiliers. Une proximité qui pourrait expliquer la vente à prix réduit de deux bâtiments situés à deux pas de la gare de Thionville. Curieusement, les débats sur la potentielle diffamation se sont concentrés, sinon réduits, qu’à un seul élément « à charge ». Il s’agit essentiellement d’une liste des projets immobiliers transmise par la Ville de Thionville à unenquêteur de la PJ suite à réquisition ordonnée par la Justice. Mais, selon Rutili, une société aurait été écartée. D’où le faux en écriture publique.
Un sursis à statuer
Au cours de l’audience, l’avocat de Yan Rutili a réclamé un sursis à statuer, voire la nullité de l’action menée. Évoquant la « rigidité du droit de la presse », Me Poudampa évoqua certaines imprécisions dans la citation : « Monsieur Rutili comprend-il ce qu’on lui reproche ? ». Le docteur Cuny a-t-il déposé plainte en tant que personne ou en tant que maire ? Cela ne renvoie pas aux mêmes articles de loi.
S’ensuivent d’autres arguments plus techniques. Puis, Me Poudampa rappelle qu’une plainte a été déposée par une association, en l’occurrence AC anticorruption, et demande un sursis à statuer en attente de son instruction : « une fois qu’on saura ce qu’il advient de cette plainte, ce sera plus confortable pour tous ».
« Les accusations sont graves »
Réponse de Me Fittante : « Bien sûr que M. Cuny est visé en tant que maire ! Ma qualification est la bonne. Le sursis à statuer ? Envisageable uniquement « si la plainte émane du parquet ou du plaignant. Selon un arrêt de la Cour de cassation, il appartient au prévenu d’établir la véracité de ses propos et sans attendre un éventuel jugement ». « Il m’appartient de démontrer qu’il y a diffamation et qu’elle ne peut être contestée sans offre de preuves. Celle-ci doit être parfaite, concrète, fondée sur des critères cumulatifs ».
Et l’avocat de Pierre Cuny entra dans une démonstration visant à démontrer qu’il n’y a pas eu de faux dans le document adressé à la police.
« Un débat politique »
Me Poudampa a affirma que « Yan Rutili est une personnalité politique et pas un lanceur d’alerte. Nous sommes dans un débat politique, dans lequel deux personnes peuvent débattre. Il n’y a pas d’animosité personnelle contre Pierre Cuny, ni de manque de respect. M. Rutili a fait preuve de prudence et de sérieux lors de son enquête, mais il n’est pas journaliste. Il a toutefois veillé au respect du contradictoire.
En apprenant sa relaxe, ce mardi, Yan Rutili a tenu à rappeler dans son communiqué qu’il agit dans l’intérêt général. « C’est pour mes concitoyens que je me bats, écrit-il. Ils méritent la vérité, tout comme notre territoire mérite l’intégrité de ses représentants, au bénéfice du bien commun…. Le combat continue ».
On ne sait pas encore si Pierre Cuny va interjeter appel.