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Le photo call, un dispositif de co-construction de marque

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Photocall Lancement Marque Lorraine.
Lorraine Tourisme – PRO Ⓒ P.Defontaine

Violaine Appel, Université de Lorraine

Le 6 septembre 2018, a été dévoilée la nouvelle marque territoriale « Lorraine, vous révéler ». À la fois marque de destination et marque économique, cette initiative, co-portée par la région Grand Est, Lorraine Tourisme et Agria Grand Est, répond à la stratégie touristique régionale « qui a fait le choix innovant de s’appuyer sur des marques de destination afin de renforcer son attractivité » (Grandest.fr, 7 septembre 2018). Les autres marques régionales identifiées sont l’Alsace, L’Ardenne, La Champagne et le Massif des Vosges. Enjeu de cette démarche : « fédérer les acteurs du territoire, pour porter ensemble les richesses et atouts de la Lorraine » (Grandest.fr, 7 septembre 2018).

Révélation et révélateurs

En partant de la signature « Lorraine, vous révéler », nous avons fait le choix de ne pas développer, dans cet article, une analyse de la stratégie globale mise en œuvre dans le cadre de ce lancement mais de tenter de comprendre les enjeux liés à la présence d’un des éléments du dispositif à l’œuvre en situ, au moment du déroulement de l’événement : le photo call.

Issu du milieu cinématographique et marque commerciale déposée, que l’on peut traduire littéralement par « appel photo », il s’apparente à un dispositif par lequel on invite les participants à poser, à s’exposer, telles des stars, devant un décor supportant les éléments d’identification de l’événement. Les clichés ainsi produits s’avèrent à la fois :

  • être la résultante métaphorique du processus chimique photographique indispensable à tout développement argentique afin de rendre visible, de donner à voir l’image latente enregistrée sur le film
  • mais aussi de révéler les enjeux « d’une marque partagée au cœur d’un projet commun » (guide de marque, p. 3).

Il ne s’agit donc pas des photos sur lesquelles figurent les invités participant à un événement et prises plus ou moins à leur insu mais bien de celles délibérément voulues par les acteurs.

Lorraine Tourisme 2018.

À travers cet exemple, nous allons chercher à mettre en l’épreuve d’un cas concret la typologie du dispositif élaborée et présentée dans des travaux précédents (Appel, Heller, 2010) et qui peut être envisagé « comme instrument de captation et de compréhension des processus de médiation et des situations de communication, en identifiant les composants en jeu et leurs articulations » (Appel, Boulanger, Massou, 2010).

Figure 1 : Typologie du dispositif Appel, Heller, 2010.

Un dispositif de traces et de sens

Si l’on considère le dispositif photo call comme un agencement d’éléments en relation, il a pour objectif d’impliquer les invités dans un processus de projection de leur image. Séduits par la démarche, ces derniers servent les enjeux de l’organisation communicante. La marque Lorraine est le sujet de l’interaction. Les clichés attestent de la présence simultanée des acteurs. Ils existent comme des traces laissées, formes de témoignages de son passage. J’y suis, j’y étais et éventuellement je donne à voir que j’y étais en postant sur les réseaux sociaux individuels et institutionnels de chacun.

Mais ce premier niveau de compréhension semble insuffisant au regard des enjeux « d’une marque (collective) co-construite » (guide de marque, p. 4) qui introduit clairement un engagement favorisant une complicité avec l’individu dont on cherche à mobiliser les compétences et expériences. Cette logique participative (analytique) engage l’individu comme acteur dans une démarche d’implication et de responsabilisation. La marque Lorraine est considérée comme participante de cette interaction.

La photo s’inscrit alors dans une série qui lui donne dès lors un autre sens. Ce n’est plus simplement de la trace que je laisse mais de l’ensemble des traces laissées par le collectif des personnes présentes et impliquées. Je m’inscris dans le dispositif qui permet d’associer mon image à celle des autres participants, à celle de l’événement et aux valeurs associées. Dès le 13 septembre, il était proposé aux invités de revivre la soirée de lancement de la marque Lorraine via des retours en images dont un book spécifique dédié au photo call et distinct du book des autres photos.

La connivence va ajouter du sens à la construction collaborative par les parties qui à la fois produisent et vivent une expérience pensée comme un acte sociétal, une activité sociale. La communication se veut alors organisante en ce qu’elle co-produit un sens commun. La marque Lorraine devient constitutive de la construction symbolique d’une réalité sociale et de l’accomplissement d’une communauté.

Les photos apparaissent comme des éléments identitaires forts du lien qui unit les personnes. Elles fonctionnent davantage comme empreintes (accéder à une lecture par soi-même de ce que l’on a fait) que comme traces (rendre possible une lecture par les uns de ce que font les autres), comme des preuves de l’appropriation d’une démarche, comme des éléments intrinsèquement constitutifs de « la Lorraine avec audace, excellence, ouverture et sincérité », pour reprendre les 4 valeurs de la marque.

Car, si le guide de la marque affirme (p. 12) qu’il s’agit de « donner du sens à la marque pour créer un mouvement collectif », nous postulons qu’il s’agit davantage de créer un mouvement collectif pour donner du sens à la marque.

À l’instar d’un individu, la marque est constituée « d’un ADN », développe « une personnalité » et s’exprime au travers de valeurs. Si ces dernières sont « inspirées des racines et de l’ambition de la Lorraine » (guide de marque, p. 12), elles prennent corps à travers la capacité des acteurs engagés à les incarner, à les « révéler à eux-mêmes et aux autres ». Le dispositif photo call s’avère alors être un élément de ce processus… révélateur !The Conversation

Violaine Appel, Enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, centre de recherche sur les médiations, Université de Lorraine

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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