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Mourir en méditerranée, et retomber dans l’oubli….

Point-de-vue. Le naufrage récent d’un bateau de migrants en Méditerranée montre qu’aucune barrière ne peut arrêter l’immigration. Mais, la France et l’Europe, peuvent-elles accueillir toute la misère du monde ? Éléments de réponse avec Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget (DR)

Par Christian Eckert

Le naufrage d’un bateau en Méditerranée a entrainé la mort probable de plusieurs centaines de personnes fuyant qui la misère, qui la persécution, tous cherchant un monde meilleur en Europe. Quelques jours plus tard, le silence se fait autour de ce drame, entrainant son oubli jusqu’à une prochaine fois…

La banalisation de ces horreurs s’installe

Notre confort, relatif certes, mais globalement acquis comparé aux affres subies dans certains pays du sud, nous ferait-il oublié que beaucoup de nos aïeux ont fui aussi pour que nous vivions mieux. Certains chassés par des pouvoirs totalitaires, d’autres par la faim, la guerre ou les difficultés quotidiennes.

Tous n’ont pas toujours été bien accueillis par les autochtones de leur lieu d’arrivée. Beaucoup ont cherché leur intégration, cachant parfois leurs cultures, leurs religions, évitant, mais pas toujours le communautarisme.

Globalement, pour la tranche de siècle que j’ai connue, là où j’ai vécu, l’intégration s’est faite beaucoup au travail quand les industries se nourrissaient de main d’œuvre. Elle s’est faite aussi par l’école de la République, tenue par les hussards noirs dont la soif d’éduquer a forgé des générations de citoyens éclairés.

La peur de l’immigration

La multiplication des mouvements migratoires, dont on prévoit l’amplification, trouve des conditions moins favorables : la désindustrialisation de nos pays a un temps rendu la main d’œuvre moins vitale pour l’économie et le travail n’assure donc plus toujours un confort de vie suffisant. L’école est à l’évidence devenue plus un lieu de formation fait pour l’employabilité de ceux qui en sortent. L’ascenseur social un temps assis sur la seule performance est aujourd’hui conditionné à l’argent ou à la classe sociale d’origine.

La peur de l’immigration est donc devenue assez générale, traversant les échiquiers politiques. Elle est même plus intense dans certains territoires ruraux où elle n’est pas encore arrivée que dans les centres urbains où elle est plus palpable.

La peur n’est pas à combattre par le rejet, car nulle muraille n’arrêtera celles et ceux qui s’arrachent de chez eux pour survivre.

L’humanisme n’est pas l’angélisme

L’immigration doit se gérer par une gestion humaniste et globale :

  • L’humanisme n’est pas l’angélisme béat. S’il s’appuie sur le respect et le souci des autres, sur l’idée de mutualiser nos moyens au service de tous, il exige aussi que chacun prenne en compte les règles communes. Ainsi, en va-t-il du respect des lois et de la laïcité qui doit se pratiquer dans l’espace et les services publics. Les signes ostentatoires religieux et la prière, dans la rue, à l’école ou dans tout bâtiment public sont à proscrire. Le respect des lois doit être une condition intangible pour acquérir ou conserver un titre de séjour.
  • La globalité passe d’abord par une approche européenne à défaut de pouvoir à ce stade être gérée mondialement. Si l’Europe a une dimension à affirmer, c’est son choix de faire de ses frontières une enveloppe d’un espace unifié où les grands principes sont de mise partout. Dans l’Union, chaque pays doit prendre sa part dans l’effort d’accueil de celles et ceux qui justifient du besoin d’être ailleurs que là où ils sont nés. Il n’est pas possible que certains pays européens assument seuls ce rôle et que d’autres s’entourent de barbelés pour s’en dispenser.
  • L’une des difficultés est de distinguer entre les demandeurs d’asile, les situations d’absolue nécessité et les autres qui cherchent parfois plus à trouver ailleurs, simplement mieux que ce qu’ils connaissaient chez eux. L’idée en vogue consisterait à favoriser l’arrivée de celles et ceux qui nous seraient utiles pour exercer des métiers dits en tension. Je n’y souscris pas. Outre que cela vide des pays de leurs populations les mieux formées, je ne peux croire que notre ouverture aux autres se ferait à l’aune de notre intérêt économique. Le premier critère (quel drôle de mot parlant d’êtres humains) est celui de leur impossibilité de survivre là d’où ils fuient : la guerre, les calamités, les persécutions, les famines…

Le prochain scrutin sera l’élection européenne. La Gauche, quel que soit le nombre de ses listes, devra sortir des positions simplistes dont elle a pris l’habitude. Accueillir oui, mais ensemble, avec des priorités et une volonté partagée d’intégrer. Cela sera difficile, mais l’enjeu est énorme et l’histoire est remplie de terribles conflits qui ont surgi pour avoir mal appréhendé les différences entre les hommes, les besoins des populations pour trouver des territoires de vie et les moyens de s’y développer. Que cela nous serve de leçon…

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