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Bouzonville (57) : Le train du Vendredi-Saint entre en gare

En 1999, Bernard Aubin lançait le projet de relation ferroviaire Sar-Lor-Lux (Saarbrücken-Dillingen-Bouzonville-Thionville Luxembourg) pour tenter de « sauver » la gare de Bouzonville. Celui-ci va peut-être enfin connaître une issue favorable au bout de deux bonnes décennies d’errements. Une étude doit être bientôt publiée. 

Le train de Bouzonville, en Moselle (DR)
Le train de Bouzonville, en Moselle (DR)

Ancien cheminot de la gare de Bouzonville, où il a débuté sa carrière en 1983, Bernard Aubin est resté attaché à cette gare. Dès les premières menaces de fermeture, en 1992, il a tout mis en œuvre pour préserver son avenir.
Située sur un axe ferroviaire double voies électrifiées entre Thionville et Béning, cette gare avait pour principale raison de vivre des trafics de fret qui empruntaient un second itinéraire : la ligne à voie unique non-électrifiée la reliant à Dillingen (Sarre-Allemagne). Les marchandises étaient principalement constituées de produits destinés à la sidérurgie. Mais en 2004, la SNCF prit la décision de détourner ces trafics via Metz et Forbach (itinéraire plus long), mettant fin à la vocation « fret » de la gare.

Du provisoire devenu définitif

En 2016, le Conseil Régional de Lorraine supprima les trains de Voyageurs entre Bouzonville et Thionville au profit de bus de substitution. Une décision provisoire, soi-disant par manque de conducteurs, qui depuis est devenue définitive.
En 2018, la gare de Bouzonville ferma définitivement, avec la suppression de son guichet. Ses installations ferroviaires demeurent opérationnelles. Elle est ponctuellement rouverte lors de travaux sur la ligne Béning-Bouzonville ou le Vendredi Saint, pour y accueillir le train spécial en provenance d’Allemagne une fois dans l’année.

Cette gare rouvrira donc exceptionnellement ce vendredi 07/04/2023

Bernard Aubin avait pris l’initiative de faire circuler ces navettes dès 1998, (grâce aux soutiens de la Ville de Bouzonville et d’une ville allemande située sur le parcours, Rehlingen-Siersburg) le jour de la Grande Braderie de Bouzonville. Le Vendredi-Saint étant férié en Allemagne et en Alsace-Moselle, ce sont plus de 15000 Allemands qui traversent la frontière ce jour, créant d’énormes problèmes de stationnement dans une ville de 4000 habitants. Une situation idéale pour promouvoir cette navette qui a donc été reconduite d’année en année (sauf Covid). A noter que ce train ne bénéficie d’aucune subvention. Il est exclusivement financé par la vente des billets à bord. Son succès n’a jamais été démenti !

Un rejet des Conseils régionaux

Comme les trains, cette idée en cachait un autre : ré-irriguer une zone ferroviaire délaissée, mais possédant un fort potentiel avec ses deux bassins de travailleurs transfrontaliers. « J’ai donc proposé dès 1999 à la Ville de Bouzonville de soutenir un projet de relation ferroviaire internationale reliant Sarrebruck à Luxembourg via Bouzonville et Thionville, explique Bernard Aubin. Mais si l’idée séduit de nombreux élus locaux de part et d’autres de la frontière, elle connut un rejet régulier des Conseils Régionaux successifs. Les wagons de promesses d’études se sont succédé, sans jamais se concrétiser. »
Fin 2019, le Président du Conseil Départemental de Moselle apporta son soutien total au projet. Bien que l’institution ne soit pas autorité organisatrice des transports, Patrick Weiten s’est engagé à mettre tout son poids pour convaincre qui de droit et obtenir les financements nécessaires à la concrétisation du projet. Et comme l’étude promise par le Conseil Régional du Grand-Est tardait, il en a fait diligenter une autre qui devrait être publiée sous peu.
Wait and see. En attendant, rendez-vous le vendredi 7 avril à Bouzonville, 9 h 30, pour assister à l’arrivée du premier train. Et si l’envie vous prend, empruntez-le pour faire un aller-retour dans la jolie vallée de la Nied !

Trois questions à Bernard Aubin

Quelle est l’historique de ce train ?

Bernard Aubin,
Bernard Aubin,

J’ai lancé cette idée en 1998 pour tenter sauvegarder l’avenir de la gare de Bouzonville, menacée de fermeture comme de nombreuses autres petites gares françaises. Avec le Maire de l’époque, nous avons dû travailler 3 mois pour obtenir enfin toutes les autorisations nécessaires.
Le premier but de cette navette était d’acheminer une partie des visiteurs allemands à la grande braderie de Bouzonville, un événement qui a lieu depuis des siècles dans cette bourgade de 4000 habitants. Entre 15 000 et 20 000 visiteurs, en majorité en provenance de l’Allemagne, sont attendus le jour du marché. Et cela pose énormément de problème de stationnement. Comme il existe une ligne ferroviaire entre l’Allemagne et Bouzonville qui n’avait plus connu de circulations Voyageurs depuis la dernière guerre, l’occasion était rêvée pour relancer ce type de trafic.
Mais pour les élus de Bouzonville et pour moi, cette relation épistolaire devait avant tout servir à braquer les projecteurs sur un projet plus ambitieux : créer une nouvelle relation ferroviaire internationale directe entre Sarrebruck et Luxembourg, via Bouzonville et Thionville.

Quel est l’intérêt de cette relation ?

Il est multiple :
Elle est plus courte et elle serait directe entre Sarrebruck et Luxembourg. Les relations actuelles imposent un changement de train soit à Metz, soit à Trêves.
Elle irrigue 2 bassins d’emplois transfrontaliers : 16 000 salariés se rendent tous les jours en Sarre pour travailler et, à l’autre extrémité de la ligne, ce sont plus de 100 000 personnes qui vont tous les jours travailler au Luxembourg. Notre desserte pourrait capter une partie de ces Voyageurs.
Elle rétablirait le train dans une zone désertée par les TER depuis 2016, et contribuerait ainsi au désenclavement et au développement des villes traversées, dont les points d’arrêt SNCF sont toujours opérationnels. La réactivation de celui de Yutz permettrait notamment le soulagement de la gare de Thionville.
Elle permettrait au client de cette navette de se rendre bien au-delà de l’origine et de la destination, grâce aux TGV en gare de Thionville et aux ICE au départ de Sarrebruck.

Pourquoi cette desserte n’est-elle pas encore sous les rails ?

Malgré 24 années d’efforts menés avec les Maire successifs de Bouzonville et des communes allemandes, le projet a toujours fait l’objet de réticences de la part des responsables des Conseils Régionaux français, autorités organisatrices des transports en France. Le Président du Grand Est avait en 2020 jugé notre projet « non-prioritaire ». Il s’est ravisé depuis, promettant qu’une étude serait menée sur cette question. L’ancien maire de Bouzonville, Denis Paysant, avait réussi à mobiliser tous les élus locaux situés dans la périphérie de la ligne, ce qui a quelque peu contribué à cette évolution. Quant au financement de la mise à niveau des installations, le Conseil Départemental de Moselle s’était déclaré prêt à y contribuer. Côté allemand, un vaste plan de remise à niveau du réseau peut aussi être mis à contribution pour moderniser l’itinéraire. Après, il n’y a plus qu’à y faire circuler des trains. Mais ça, c’est une question de volonté politique…

Etude : Bouzonville en, train

Bouzonville : Le train du Vendredi-Saint (DR)
Bouzonville : Le train du Vendredi-Saint (DR)
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