Le maire de Thionville, Pierre Cuny, était cité comme témoin au tribunal, mardi 27 mai, à la demande de l’avocat de la défense. Il a apporté son soutien à sa première adjointe, Véronique Schmit, mise en cause dans l’affaire des #ThionviLeaks. Une audience qui révèle des tensions politiques autour des projets immobiliers de la ville.

Un maire mobilisé pour défendre son équipe
Surprise au tribunal correctionnel de Thionville : Pierre Cuny, maire de la ville et président de la Communauté d’Agglomération Portes de France Thionville, s’est déplacé personnellement pour témoigner dans l’affaire opposant sa première adjointe Véronique Schmit à Yan Rutili. Ce dernier, qui se présente comme « opposant thionvillois » et auteur des « Thionvileaks », était poursuivi pour diffamation après avoir mis en cause une élue dans l’une de ses vidéos. Véronique Schmit, absente à l’audience, réclame un euro symbolique et le retrait de la vidéo incriminée. Le maire, cité par l’avocat de Yan Rutili, lui, « a annulé plusieurs rendez-vous pour être présent », dit-il, témoignant de l’importance qu’il accorde à cette affaire.
Des accusations graves autour du promoteur « Habiter »
Yan Rutili invoque « l’exception de vérité » pour sa défense, affirmant pouvoir prouver ses accusations. Il dénonce notamment un « pacte de corruption » impliquant des élus qui auraient bénéficié des largesses du promoteur Stéphane Noël, patron du groupe Habiter : repas au restaurant « La Lorraine », dégustations de grands crus et séjour « fastueux » à Marrakech.
Le lanceur d’alerte pointe particulièrement la vente controversée de terrains Rive Droite à la société SSCV Queneau, qui dissimulerait Habiter, et le fait que Véronique Schmit soit l’épouse du directeur de la promotion chez ce promoteur. Il rappelle que cette vente avait été annulée par le tribunal administratif de Strasbourg avant d’être revalidée lors d’un nouveau vote en l’absence de l’adjointe.
Pierre Cuny dénonce un « acharnement »
Dans sa déposition, le docteur Cuny s’est montré irrité : « Pourquoi un homme s’acharne-t-il à salir une ville qui connaît une dynamique exceptionnelle ? », dit-il, contestant fermement les accusations de Yan Rutili. Il précise qu’en huit ans de mandat, « il n’y a eu aucune cession de gré à gré entre la Mairie et la société Habiter ».
Concernant sa présence au repas évoqué, le maire minimise : « On n’attire pas le maire de Thionville qui a 40 ans d’exercice médical avec un repas à une étoile. » Il reconnaît néanmoins un manque de vigilance concernant la présence illégale de Véronique Schmit au conseil municipal lors du vote sur la vente du terrain.
Un débat entre liberté d’expression et diffamation
L’avocate de Véronique Schmit, Me Virginie Tesnière, dénonce une méthode où « on annonce, on accuse et on diffame, et on essaie de trouver les preuves après ». Elle conteste la validité des preuves apportées et souligne que les vidéos, « très bien faites », donnent « l’impression d’une enquête journalistique très sérieuse » mais diffament sur le fond.
À l’inverse, Me Vincent Poudampa, défenseur de Yan Rutili, plaide que son client agit en « lanceur d’alerte » dans l’intérêt général. Il estime que « c’est un débat politique » et que « ces débats ne doivent pas être censurés ». L’avocat s’interroge sur le timing des poursuites alors qu’une enquête pénale est en cours sur les mêmes faits.
Une affaire aux enjeux politiques
Cette confrontation judiciaire révèle les tensions politiques à Thionville. Yan Rutili, ancien directeur de campagne de la liste concurrente à Pierre Cuny en 2020, se défend de tout acharnement et revendique son attachement « au bien commun ». Il finance sa défense grâce à un appel aux dons qui a rapporté 350 euros en deux ans.
L’affaire, mise en délibéré, sera jugée le 24 juin prochain. Au-delà de l’euro symbolique réclamé, elle pose la question des limites entre critique politique légitime et diffamation dans le cadre des débats sur la gestion municipale.
Compte rendu d’audience Bernard Aubin