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Thionville : Yan Rutili s’explique au tribunal

Yan Rutili, lanceur d’alerte bien connu, était cité ce mardi 7 mai 2024 devant le tribunal judiciaire de Thionville pour avoir « menacé et eu recours à un acte d’intimidation à l’égard de M. Stéphane Noël ». Voici un résumé des différentes interventions.

Yan Rutili et son avocat, Me Poudampa lors d'une précédente audience à Thionville (DR)
Yan Rutili et son avocat, Me Poudampa lors d’une précédente audience à Thionville (DR)

« A Thionville, il y aurait une sorte de marigot… »

Maître Olivier d’Antin, avocat du promoteur Stéphane Noël, a expliqué pourquoi il a fait citer Yan Rutili pour « menaces, intimidation et chantage à l’égard de son client. »

« Stéphane Noël est un homme spécialement discret, dit-il. Il s’est fait lui-même et il a une bonne réussite dans l’immobilier. Il n’a jamais été publiquement exposé jusqu’au jour où il s’est trouvé être la cible de Monsieur Yan Rutili qui, dans une veine populiste qu’il semble affectionner, est à l’origine de la série des #Thionvileaks essentiellement fondée sur la vidéo de son anniversaire à Marrakech… Il cherche à asseoir l’idée qu’à Thionville il y aurait une sorte de marigot dans lequel baigneraient le maire de Thionville et un certain nombre d’entrepreneurs… Monsieur Noël s’est trouvé la victime collatérale de ce que Monsieur Rutili prétend dénoncer ».

Et l’avocat du promoteur de diffuser au tribunal un extrait d’une vidéo tournée par Yan Rutili.
« Lorsque cette vidéo est parue, M. Noël a souhaité préserver ses droits. J’ai mis en demeure M. Rutili de supprimer les passages contraires à l’honneur et portant sur la vie privée. En réponse à cette demande, M. Rutili m’a adressé une lettre stupéfiante. Je suis le conseil de M. Noël et ce qui m’est adressé à moi est adressé à lui, il n’y a pas d’équivoque… Il fait une proposition qui selon lui permettrait à mon client de sortir de cette affaire par le haut… ».

« Des choses plus croustillantes à révéler »

Dans le courrier, Yan Rutili affirme que Stéphane Noël serait mal avisé de porter plainte contre lui car il pourrait rendre publics des éléments qui pourraient lui porter un préjudice moral encore plus important que les premières vidéos. La lettre évoque aussi la possibilité qui serait offerte à son client de s’exprimer dans le cadre d’une vidéo à venir, dans le cadre d’une volonté de Yan Rutili de se recentrer sur sa véritable cible, les élus Thionvillois.

« Lorsqu’il y a quelqu’un qui déclare que si vous judiciarisez votre geste, la conséquence sera plus importante en révélant des éléments jusque-là préservés de votre vie privée… et qu’il y a encore des choses beaucoup plus croustillantes à révéler, c’est l’archétype même de la menace et de l’intimidation » tonne Me D’antin. Il rappelle la définition légale de ce délit. Au-delà de la menace, « il y a également la notion de chantage », précise l’avocat de Stéphane Noël « rentrez dans mon jeu activement, et dans ce cas je renoncerai au projet de vous nuire » résume-t-il ainsi l’objet du courrier de Yan Rutili, qu’il décrit comme étant « populiste » et « jouant la partition du petit contre les gros ».

L’intervention de Yan Rutili

« J’avais été choqué du terme complotiste utilisé par Me D’Antin à mon égard, je constate qu’il a été remplacé par populiste… J’avais programmé la diffusion de 15 vidéos, 5 ont été publiées à ce jour. Toutes ne concernent pas l’immobilier… Je souhaitais donner à M. Noël l’occasion de s’exprimer comme ça se fait dans les enquêtes journalistiques, à titre contradictoire. M. Noël n’est pas aussi discret que le prétend son conseil. On le trouve en photos aux côtés de nombreux élus dans la presse ou dans les réseaux sociaux. Les Thionvillois s’intéressent à ces événements. Je suis victime d’un harcèlement judiciaire. C’est ce que j’ai ressenti lorsque j’ai reçu le courrier de Me Dantin. J’ai trouvé les vidéos de l’anniversaire en ligne, leur présence a été constatée par huissier. Je n’ai pas montré un certain nombre de détails au titre de l’intérêt général. Ce qui m’intéresse, c’est de montrer que M. Noël entretient des liens privilégiés avec deux adjoints et le maire de Thionville ».

« Jusqu’à 15 recommandés »

Yan Rutili évoque un repas à Zoufftgen rassemblant élus et promoteur, précédé d’un apéro durant lequel un élu aurait bu un grand cru au goulot… Il s’interroge : « est-ce que je le mets ou pas ? Je me pose la question de l’intérêt général » … J’ai reçu des courriers en plusieurs exemplaires des avocats de M. Noël et de Véronique Schmit (adjointe au maire de Thionville), j’ai reçu jusqu’à 15 recommandés dans ma boite aux lettres. Mon conseil n’était pas disponible, et c’est dans ce contexte que j’ai décidé de répondre moi-même au courrier de Me D’Antin. J’ai commis une maladresse. M. Noël, ce n’est pas mon sujet. J’ai déposé plainte à la JIRS de Nancy. La juge d’instruction de Thionville a fait un article 40 au Procureur parce qu’elle a trouvé des faits de prises illégales d’intérêts et de corruption. L’idée est de ne pas laisser des intérêts privés faire une prédation sur nos biens collectifs. Suite au courrier que j’ai reçu, j’ai proposé de sortir par le haut en supprimant des vidéos à venir des passages et lui laisser la possibilité de s’exprimer ».

Me Poudampa, avocat de Yan Rutili

« C’est la deuxième fois que nous venons en audition devant vous pour les mêmes faits. Me D’Antin était déjà intervenu au civil pour atteinte à la vie privée. La justice avait considéré que les images de M. Noël étaient suffisamment explicitées par un commentaire. Nous avons remporté le jugement. Le débat d’aujourd’hui est connexe au vrai débat sur la diffamation. La question qui se pose aujourd’hui, en droit, c’est celle d’un échange entre un avocat et la partie adverse non représentée par un conseil. Si M. Rutili avait pris un avocat, au lieu de répondre directement à Me D’Antin, il n’y aurait pas de procès parce qu’il y aurait confidentialité des échanges. La seule erreur de M. Rutili est de ne pas avoir pris d’avocat. Sur le fond, M. Rutili écrit à M. D’Antin parce que M. D’Antin lui a écrit par une mise en demeure. S’il avait eu la volonté de menacer, jamais il n’aurait répondu à l’avocat. Le vrai débat aujourd’hui, c’est quelle valeur vous accordez à une réponse faite à un avocat par quelqu’un d’autre ? Il n’y a pas de jurisprudence là-dessus. La tentative de chantage, c’est lorsqu’il a menace ou intimidation. À entendre au sens physique. Il n’y en a pas eu. Pour moi la question porte sur la menace : peut-on menacer quelqu’un en écrivant à son conseil en réponse à un courrier de sa part ? La lettre était adressée à M. D’antin, peut-on menacer un grand avocat ? C’est un courrier à un conseil, cela ne peut constituer une menace. M. Rutili aurait écrit directement à M. Noël, ça n’aurait pas été la même chose… Si Monsieur Noël n’a pas été victime de diffamation, il n’est pas victime d’un délit… Monsieur Rutili écrit qu’il faut sortir par le haut et qu’il faut éviter de judiciariser l’affaire. Il tend le micro parce que s’il veut éviter la diffamation, il se doit de faire une enquête journalistique sérieuse. C’est pour cela qu’il veut qu’il témoigne. Ce n’est pas une menace, c’est pour donner l’occasion à M. Noël d’exercer ses droits.
Vous n’avez pas d’autre option que de relaxer M. Rutili. Le grand procès sera celui de la diffamation, c’est là le cœur du dossier : est-ce que Monsieur Noël a été diffamé ou pas ? Il y a eu constitution de partie civile abusive, je demande une condamnation de M. Noël au titre de l’article 472 du Code Pénal ».

Une certaine conception de la République

Yan Rutili détaille ses divers engagements associatifs et politiques, souligne l’absence de M. Noël et les conséquences des multiples procédures dirigées contre lui sur sa situation financière. « Mes actions représentent une conception de la République et de l’intérêt général, ce n’est pas une démarche personnelle », précise Yan Rutili. « La question, ce n’est pas M. Noël ni le maire de Thionville, ce sont les valeurs de la République que je tente de sauvegarder ».
Ni le Président du tribunal, ni le Procureur de la République ne sont intervenus dans les débats. L’affaire a été mise en délibéré. Jugement le 2 juillet.

Compte rendu d’audience
Bernard Aubin

Moselle : Yan Rutili convoqué au tribunal

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