Refoulé samedi des Pays-Bas, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a été accueilli à Metz où il a tenu une réunion publique en faveur du référendum constitutionnel visant à renforcer les pouvoirs président Erdogan.
La Turquie organise en avril un référendum constitutionnel dont le but est de renforcer le pouvoir exécutif mais aussi judiciaire du président Recep Tayyip Erdogan. Après le coup d’Etat manqué contre le président turc, en juillet 2016, la répression a été d’une ampleur et d’une sauvagerie inouïes : 40.000 personnes emprisonnées, 125.000 fonctionnaires suspendus, des dizaines de journalistes poursuivis…
Mais cette purge sauvage ne suffit pas au dictateur d’Ankara. Il veut désormais tous les pouvoirs. C’est ce qu’il demande au peuple lors d’un référendum qui se tiendra le 16 avril prochain.
D’où la campagne menée en Turquie mais aussi dans plusieurs pays européens qui accueillent une forte diaspora turque. Ainsi, plusieurs meetings délocalisés ont été interdits en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suisse pour des raisons de sécurité.
Samedi, Mevlut Cavusoglu, a été empêché d’atterrir à Rotterdam. Son avion a été redirigé vers Metz où un meeting était prévu ce dimanche.
Fallait-il interdire le meeting ?
Invité par l’association lorraine de l’Union des démocrates turcs européens (UETD) Mevlut Cavusoglu est donc arrivé en Moselle avec une délégation turque parmi laquelle la ministre de la Famille. La préfecture de la Moselle n’a pas jugé utile d’interdire cette manifestation, prévue au palais des Congrès de Metz. Pour le secrétaire général de la préfecture, Alain Carton : « Il n’y a pas de menace à l’ordre public avérée. Le risque c’est comme dans toute manifestation, qu’il y ait des contre-manifestations, mais là, ce n’est pas prévu. Donc il n’y a pas de risques pour le moment » a-t-il expliqué.
Point de vue que ne partage pas tout à faire l’association des travailleurs de Turquie de Moselle, qui milite en faveur du « non » au référendum. Son porte-parole Yokur Djemil s’est exprimé sur France Bleu Lorraine : « J’aurais souhaité qu’ils interdisent cette manifestation car leur politique n’est pas démocratique. Je ne comprends pas, dit-il, parce que la France est au cœur de la démocratie en Europe. Elle aurait dû se positionner comme les autres pays européens ».
Réactions en France
L’interdiction des meetings pro-Erdogan en Europe a suscité une violente polémique, notamment entre Les Pays-Bas et Ankara.Le président Erdogan a tenu des propos excessifs accusant La Haye d’entretenir des « vestiges du nazisme ». Des propos qualifiés de « fous » et « déplacés » par le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.
La polémique s’est déplacée en France, ce dimanche.
Nicolas Dupont-Aignan a déclaré au Grand Jury RTL/Figaro/LCI : « J’ai honte pour la France. Honte qu’on laisse organiser un meeting politique pour un apprenti dictateur qui méprise les Européens ».
Même son de cloche du député Pierre Lellouche (Les Républicains) : « Le gouvernement de la Haye a été bien inspiré en interdisant l’atterrissage du ministre turc, et j’ai apporté mon soutien personnel à Bert Koenders, ministre des Affaires étrangères néerlandais… Dans ce contexte, il est incompréhensible que le gouvernement Hollande-Cazeneuve ait autorisé le meeting électoral prévu à Metz ce dimanche. Ce manque de solidarité des démocraties européennes n’est pas à l’honneur du gouvernement socialiste. »
« Irresponsable » pour Florian Philippot, vice-président du Front National.
De plus en plus de voix s’élèvent contre l’accueil du ministre turc par les autorités françaises. La crise diplomatique entre la Turquie et l’Europe risque de dégénérer dans les jours qui viennent.
Emilien LACOMBE