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Covid-19 : l’embrouille européenne

Pourquoi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, refuse-t-elle de révéler le contenu de ses échanges avec le patron de Pfizer pour l’achat des vaccins ? Une enquête est ouverte.

Vaccins Europe (Flickr)
Vaccins Europe (Flickr)

On savait que l’Union européenne n’était pas un exemple de démocratie. On sait désormais que certaines de ses décisions sont d’une opacité totale. Exemple avec l’achat des vaccins anti-Covid-19 aux grands labos pharmaceutiques.
Le 16 septembre 2021, Emily O’Reilly, Médiatrice de l’Union Européenne a adressé un courrier à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour lui demander quelques explications sur les messages qu’elle a échangés avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla, échanges révélés par le New York Times en avril 2021. Et dont la Commission refuse de révéler le contenu.
« J’ai reçu une plainte de X contre la Commission européenne. Elle concerne l’accès du public aux messages “textos” relatifs à la conclusion d’un accord d’achat pour un vaccin COVID-19 au début de cette année, comme l’a rapporté le New York Times. En cas de refus d’accès du public aux documents en vertu du règlement 1049/2001, les demandeurs peuvent se tourner vers le Médiateur. Dans ce contexte, j’ouvre une enquête sur cette plainte (…) Je serais reconnaissant aux représentants de la Commission concernés de bien vouloir contacter Mme Michaela Gehring qui est l’enquêtrice chargée de cette enquête, afin de convenir des modalités de la réunion qui doit avoir lieu avant le 8 octobre 2021, si possible. »

Combien de doses précommandées ?

Rappelons que la Commission européenne a engagé près de trois milliards d’euros pour réserver 4,5 milliards de doses de vaccins auprès de six laboratoires. À la mi-juin 2020, en pleine pandémie, l’Union européenne a mis en place une stratégie vaccinale contre la Covid-19. Il s’agissait d’assurer « une production suffisante de vaccins » aux européens et « d’accélérer la mise au point, l’autorisation et la disponibilité de vaccins, dans le respect des normes de qualité, d’innocuité et d’efficacité applicables aux vaccins. »
La stratégie repose sur le principe du contrat d’achat anticipé (CAA). Autrement dit, il s’agit d’argent frais mis à disposition des laboratoires. En contrepartie, ceux-ci s’engagent à livrer les doses nécessaires aux 27 Etats européens.
Ainsi, la Commission européenne a-t-elle signé des contrats avec sept laboratoires ou groupes pharmaceutiques, pour un total de 4,575 milliards de doses potentielles. En voici le détail rappelé par le site toute l’Europe.

  • 27 août 2020 : contrat avec AstraZeneca (dont le candidat vaccin est efficace à 70 %) pour 300 millions de doses (plus 100 millions de doses supplémentaires si besoin).
  • 18 septembre 2020 : deuxième contrat avec Sanofi-GlaxoSmithKline (GSK) pour 300 millions de doses.
  • 8 octobre 2020 : contrat avec Janssen Pharmaceutica, la filiale belge du laboratoire américain Johnson & Johnson pour 200 millions de doses, avec une éventuelle deuxième livraison de 200 millions de doses supplémentaires.
  • 11 novembre 2020 : nouveau contrat avec Pfizer/BioNTech (candidat vaccin alors efficace à 90 %) pour 200 millions de doses, plus 100 millions en option. Le 8 janvier, pour assurer l’approvisionnement des États membres, la Commission européenne leur a à nouveau précommandé 200 millions de doses, plus 100 millions optionnelles.
  • 17 novembre 2020 : contrat avec le laboratoire allemand CureVac pour 235 millions de doses et jusqu’à 180 millions de doses additionnelles si besoin.
  • 25 novembre 2020 : contrat avec l’Américain Moderna (dont les tests cliniques indiquent une efficacité à 94,5 %) pour 160 millions de doses.
  • 20 mai 2021 : nouveau contrat avec Pfizer/BioNTech pour un stock supplémentaire de 1,8 milliard de doses pour les années 2022 et 2023
  • 4 août 2021 : nouveau contrat avec le laboratoire américain Novavax, pour un stock de 100 millions de doses, plus 100 millions supplémentaires.

    Pas de responsabilité juridique

    A quels prix ? La Commission ne souhaite pas communiquer là-dessous. Pourtant, quelques indiscrétions ont permis de connaître le prix d’achat d’une dose de ces différents vaccins :

  • AstraZeneca : 1,78 euro
  • Johnson & Johnson: 7 euros
  • Sanofi/GSK: 7,56 euros
  • Curevac: 10 euros
  • Pfizer/BioNTech: 12 euros
  • Moderna : 14,70 euros
  • Novavax : prix inconnu

On sait aujourd’hui que quatre vaccins seulement sont autorisés sur le territoire européen : Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson. Ils ont fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché conditionnelle (AMMC).
Quant aux négociations sur la responsabilité juridique en cas d’effets délétères de ces vaccins, c’est le grand flou. Les grands laboratoires ont refusé d’endosser toute responsabilité liée aux effets secondaires des vaccins. L’Europe n’est pas davantage responsable de phénomènes qu’elle ne contrôle pas.

Aucune transparence

Les contrats signés entre la Commission européenne et les labos pharmaceutiques passés au mépris des procédures d’appel d’offres, sont entourés de la plus parfaite opacité. Au nom du sacro-saint secret des affaires sans doute, on ne sait rien des brevets déposés par les labos.
Pourtant, certains pays s’inquiètent de ces pratiques anti-démocratiques de l’Europe. En Roumanie, par exemple, la Direction nationale anticorruption (DNA) a ouvert des enquêtes liées aux circonstances dans lesquelles Bucarest a acheté ses vaccins anti-Covid.
L’eurodéputée Michèle Rivasi s’offusque de cette opacité des institutions européennes : « Mon travail à la commission de contrôle budgétaire du Parlement, c’est de contrôler ce qu’on fait de l’argent public. S’il n’y a pas la transparence des contrats, je ne peux pas faire mon boulot, constate l’élue écologiste. Je suis une marionnette ! »
Quant à Manon Aubry, élue de la France insoumise, elle tape encore plus fort :

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