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La culture scientifique a-t-elle subi la pandémie ?

Pendant la pandémie, nous n’avions jamais vu autant de chercheurs et chercheuses dans les médias. Pourtant, à force de voir des blouses blanches et d’entendre parler d’essais cliniques, comprenons-nous mieux comment marche la science, et le travail des scientifiques ? Réponse avec Factuel, l’info de l’Université de Lorraine.
Pour faire le point sur l’impact de ces 18 mois de pandémie sur notre culture scientifique, nous avons échangé avec Yvan Boude, spécialiste du désordre informationnel au Cercle des Communicants et des Journalistes Francophones, et Luisa Massarani, membre du comité scientifique de Science & You.
De nombreuses pistes encourageantes émergent pour combattre le coronavirus, mais elles doivent encore passer les essais cliniques. Shutterstock
De nombreuses pistes encourageantes émergent pour combattre le coronavirus, mais elles doivent encore passer les essais cliniques. Shutterstock

Est-il correct de penser qu’avec la pandémie, les fake news se sont multipliées et sont maintenant dans notre quotidien ?

Yvan Boude (UL)
Yvan Boude (UL)

Yvan Boude À vrai dire, le terme de fake news est souvent inapproprié. On a tendance à considérer que les fake news sont apparues avec Donald Trump, mais la vérité est que, dès qu’il y a communication, il peut y avoir fausse information. Prenez la grippe espagnole, au lendemain de la première guerre mondiale : elle n’a pas eu besoin des réseaux sociaux pour générer des rumeurs et des accusations quant à ses causes. Dans Fake news et viralité avant Internet, un collectif de spécialistes d’histoire de la presse montre qu’une bonne histoire, même sans véracité, faisait déjà le tour du monde à travers les journaux au 19e siècle, bien avant les réseaux sociaux.

 

Luisa Massarani Les fausses informations sont un énorme problème – et ce particulièrement au Brésil. Mais nous faisons face à une autre problématique : la surabondance d’informations, qu’il est très difficile de trier au quotidien. Avec l’emballement pour contenir la pandémie, il y a eu tellement de publications scientifiques, de nouvelles découvertes contredisant les précédentes et de données générées chaque jour que les médias ne pouvaient pas suivre le rythme. C’est le souci lorsque le processus scientifique, fondé sur la controverse et le temps long, rencontre le temps court médiatique.

Y. B. C’est pourquoi je préfère parler de désordre informationnel que de fake news. Le désordre informationnel, c’est l’ensemble des dysfonctionnements de l’information : il y a effectivement la fausse information, mais aussi la désinformation, et l’information malveillante – lorsqu’on utilise une information vraie, mais à des fins malveillantes.

Avec la vaccination, nous avons l’impression que la recherche s’est accélérée, et nous voyons en permanence scientifiques – médecins, ou non – décrypter la pandémie. Est-ce notre rapport à la science a évolué ces 18 derniers mois ?

Luisa Massarani (UL)
Luisa Massarani (UL)

L. M. Le coronavirus a un impact tel sur nos vies quotidiennes que, très vite, les médias ont voulu déchiffrer la progression de la pandémie et les remèdes envisagés. Pour ce faire, ils se sont tournés vers des publications scientifiques. Sauf que toutes les publications scientifiques ne valent pas vérité : c’est le principe de la recherche. Certains articles présentent des hypothèses, d’autres des études sur un petit échantillon, et petit à petit la connaissance se construit, souvent en revenant sur ce qui était tenu pour certain.

Parmi ces publications, il y en a d’un type un peu à part. On les appelle les “preprint”, ou “prépublication” : c’est la version initiale d’un article qui n’a pas encore été soumise à la relecture du comité qui décide de la publication ou non dans un magazine, mais qui est déjà disponible publiquement, à travers des archives dédiées ou le site d’un journal. En scrutant le New York Times, The Guardian et la Folha de S.Paulo, nous avons relevé 76 articles publiés sur la seule période janvier-juillet 2020 qui relaient des conclusions venant de prépublications – que ce soit sur des essais cliniques, le lien entre pollution de l’air et propagation de la Covid-19, ou encore l’hydroxychloroquine comme traitement.
Ces prépublications sont importantes pour la recherche, car elles permettent de partager rapidement des connaissances. Cependant, elles sont destinées à un public averti, et bien souvent les journalistes qui les commentent pour le grand public ne précisent pas les limites de ces articles.

Y. B. Ce qui a changé durant la pandémie, c’est qu’on a mélangé dans l’espace public science et recherche : la recherche, c’est la connaissance en train de se faire et la science, c’est la somme des connaissances sûres à un instant donné. Face aux revirements propres à la dispute académique, certaines personnes cherchent à créer leur propre vérité. C’est ainsi que naissent les théories du complot : elles répondent aux questions auxquelles on n’a pas de réponse, et permettent de créer un récit qui fait sens et un groupe social qui fait lien.

Yvan Boude interviendra lors de la session “Enjeux actuels : désinformation”, le mercredi 17 novembre 2021 à 15 h 30.

Luisa Massarani interviendra lors de la session “Enjeux actuels : médiation scientifique en temps de crise sanitaire”, le vendredi 19 novembre 2021 à 8 h 30, ainsi que dans la session « Different pathways to modern science communication: an international comparison », le mercredi 17 novembre 2021 à 8 h 30.

Retrouvez le programme complet du colloque ici

 

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