Meurthe et Moselle
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Sanzey (54) : Grosse embrouille entre le maire et un administré

La vie au village serait plutôt agréable s’il n’y avait cette querelle imbécile entre le maire, Gérald Erzen et l’un de ses administrés, Philippe Seer. Peu à peu, les habitants se déchirent. L’ambiance devient délétère.

Philippe Seer, Sanzey (54)
Philippe Seer, Sanzey (54)

Sanzey est un petit village tranquille de 150 âmes, à 15 km au nord de Toul, en Meurthe-et-Moselle. Un village-rue typique de Lorraine avec ses maisons bien alignées, ses jardins potagers, son église, son petit ruisseau, le Terrouin, son histoire de sorcière du 17ème siècle. Il n’y a plus d’école communale ni de commerce depuis longtemps. Sanzey est désormais un village-dortoir où les habitations récentes jouxtent les vieilles baraques.
Justement, Philippe Seer, un artisan de Sanzey, retape, seul, plusieurs de ces vieilles maisons dans le but de les louer à qui voudrait venir respirer l’air frais de la campagne. Seulement voilà, chaque fois qu’il entreprend des travaux, le maire lui envoie les gendarmes, l’huissier ou des courriers recommandés.

À la gendarmerie

« On n’en peut plus, c’est du harcèlement, on va déménager » expliquent Philippe Seer et son épouse qui habitent à Sanzey depuis plus de 20 ans. « Le maire, Gérald Erzen, s’oppose à tout ce que nous entreprenons. On a écrit au procureur de la République de Nancy, mais rien n’y fait. On est désespérés. »
De fait, les époux Seer reçoivent régulièrement la visite des gendarmes de Toul. À deux reprises même, Philippe Seer a été convoqué à la brigade de Toul. « On m’a pris en photo, on m’a pris les empreintes, comme un criminel ».
Outre les visites des gendarmes, Philippe Seer reçoit des courriers recommandés à répétition quand ce ne sont pas les huissiers qui sonnent à la porte. « Ça la fiche mal dans un petit village ou tout le monde connaît tout le monde. Et, forcément, cela crée des clans, des inimitiés, des disputes » déplorent les époux Seer.

« Jusqu’à décision du tribunal correctionnel »

Le dernier ‘’courrier’’ date du 21 juillet 2021 apporté par un huissier deux jours plus tard. Il s’agit d’un arrêté du maire de Sanzey N°008-2021. On lit : « Article 1er- M. Philippe Seer… exécutant des travaux de rehaussement de charpente non autorisés est mis en demeure d’interrompre immédiatement ses travaux jusqu’à décision du tribunal correctionnel qui sera saisi le l’affaire ».
Philippe Seer a acheté cette maison, située 3 chemin de la Voivre à Sanzey, il y a de nombreuses années, dans le but de la retaper et de la revendre pour déménager. Il a fait une demande de travaux en 2016, accordée par le maire. Philippe Seer qui travaille seul, a commencé par les fenêtres puis continué par d’autres travaux avant de remettre la toiture en état. Il a commencé le 21 juillet 2021. Le lendemain, les gendarmes étaient là, avec la première adjointe, Elisabeth Nigon. La maréchaussée a ordonné l’arrêt des travaux. « Comme j’ai mon permis de construire, j’ai continué » explique Philippe Seer.
En fait, le maire voit dans ces travaux un ‘’rehaussement’’ de la charpente (non autorisé) alors qu’il s’agit d’un ‘’redressement’’ de toiture, sans surélévation, évidemment.

« Depuis les élections de 2014 »

Mais cet épisode n’est que le dernier avatar d’une longue série de chicanes entre le maire et son administré. Tout a commencé lors des élections municipales de 2014. Une embrouille à propos du dossier d’inscription de Philippe Seer sur les listes électorales qui prétendait ne pas avoir été inscrit normalement comme candidat. Mais il s’est présenté et n’a pas été élu. Le maire a engagé une « protestation » devant le tribunal administratif de Nancy qui, le 3 juin 2014 l’a débouté.
Depuis, c’est la guerre. Philippe Seer souhaite retaper deux logements dans une maison qui lui appartient, rue des Mésanges. Une demande d’autorisation en mairie ne recevra jamais de réponse. Philippe Seer attend un mois et un jour et entreprend ses travaux, comme la loi l’y autorise. Il fait poser ensuite deux compteurs électriques. Puis, il demande la pose des compteurs d’eau et les numéros de voirie à la mairie. Ils sont refusés. Sans motif. « Je ne peux pas louer » se désole Philippe Seer.

Un poulailler, des épaves, une palissade

Ce n’est pas tout. Philippe Seer construit une petite palissade en bois sur le muret d’enceinte de sa maison d’habitation, parcelle cadastrée AD 140. Inacceptable, pour le maire qui adresse une nouvelle lettre recommandée du 25 février 2021 dans laquelle on lit : « Sans enlèvement effectif des matériaux, encombrants, déchets et palissade que vous avez entreposés sur le domaine public, je saisirai le juge des référés du TA de Nancy ». Il énumère une kyrielle d’articles de loi et même « la jurisprudence administrative’’ (!) pour faire peur. Nouveau courrier recommandé avec AR le 29 mars, nouvelles menaces.
Comme le maire n’est pas très sûr de son coup, il ‘’mandate’’ l’ancien maire de la commune voisine de Royaumeix, Patrick Flabat, en tant que médiateur. Ce dernier ne peut que constater que la palissade n’est pas sur le domaine public (lire ci-dessous sa réaction).

Lettre au Proc

En 2020, le maire a fait détruire un poulailler de M. Seer, comme il en existe d’autres dans le village, se trouvant « sur un terrain naturel ». Il fait enlever aussi quatre carcasses de voitures de collection considérées par le maire comme épaves.
Voilà six ans que ça dure. « Je ne sais plus que faire. J’ai écrit au procureur de la République, le 9 juin et le 6 juillet 2021 pour l’alerter sur cette situation impossible. » Philippe Seer écrit : « Aucun dialogue n’est possible, je ne reçois que du courrier recommandé de sa part ainsi que des convocations à la gendarmerie. Je me sens harcelé et cela a une incidence sur ma vie de famille. Nous nous sentons contraints de déménager ».
Pas de réponse, pour l’instant, du procureur de Nancy. La situation s’envenime chaque jour un peu plus.
Jusqu’au drame ?

Gérald Erzen : « Il ne respecte pas les règles ! »

Nous avons joint le maire de Sanzey pour avoir son point de vue. D’emblée, Gérald Erzen prévient dans une phrase sibylline : « Attention à ce que vous publiez, vérifiez bien vos sources ». Sage précaution.
Puis, en précisant qu’il n’a pas beaucoup de temps à nous consacrer, le maire ajoute : « Si je n’étais dans mon droit, si j’avais abusé de mon autorité, la sous-préfecture de Toul n’aurait pas donné un avis favorable [à mes démarches]. Il y a des procédures à respecter et M. Seer ne les respecte pas. Il essaie de resquiller. On lui demande de faire les choses dans les règles. C’est pour ça qu’il pense qu’il est harcelé. Il faut faire les choses comme la règlementation l’exige. »

Mandaté ou pas mandaté ?

Nous demandons au maire pourquoi il a envoyé les gendarmes faire interrompre les travaux de la toiture entrepris par Philippe Seer, rue de la Voivre à Sanzey ? Réponse : « Il n’a pas fait de déclaration de rehaussement. Même si c’est de 5 cm, c’est illégal ».
S’agissant de la petite palissade érigée sur le muret de la maison d’habitation de Philippe Seer, nous demandons au maire pourquoi il a mandaté l’ancien maire de Royaumeix pour faire des constatations ?
Réponse de Gérald Erzen : « Je n’ai mandaté personne. J’ai mis en demeure M. Seer d’enlever cette palissade, car elle est sur le domaine public, il y a des procédures à respecter. »
Nous avons appelé Patrick Flabat. « Oui, le maire de Sanzey m’a mandaté » dit-il aussitôt. Quand nous lui expliquons que Gérald Erzen prétend le contraire, Patrick Flabat se reprend : « Non, il ne m’a pas mandaté, il m’a demandé de l’aide pour gérer les dossiers. J’ai accompagné l’huissier qui devait faire des constatations dans le village. J’ai donné un coup de main à titre personnel. »
Pourtant, Patrick Flabat intervient bien dans ce dossier comme une personne mandatée. Il est surpris de savoir que nous possédons une copie de son savoureux texto adressé à Philippe Seer ainsi rédigé : « Monsieur, je viens d’avoir la réponse de votre mur (sic) parce que en fait je me suis rendu compte que c’était en zone naturelle jardin, donc besoin de rien et vous faites ce que vous voulez à condition de ne pas dépasser 2m de hauteur. Bonne soirée. Patrick Flabat ».
Une palissade en bois sur un muret, fût-il sur le domaine public (ce qui n’est pas le cas selon le plan cadastral, voir ci-dessous) dans une commune rurale de 150 habitants, un rehaussement de charpente (parfaitement contesté) est-ce suffisant pour envoyer la troupe, pour payer les huissiers avec l’argent des contribuables, pour prendre des arrêtés plus que douteux, pour menacer une famille de poursuites en correctionnelle ?
Chacun appréciera.

Plan cadastral Sanzey-
Plan cadastral Sanzey- Parcelle AD 140 où l’on voit deux petits traits à l’intérieur du jardin indiquant que le mur d’enceinte est bien la propriété de M. Seer. (DR)
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