Les données récentes, au Royaume-Uni, montrent une contagiosité équivalente et une mortalité bien inférieure que le virus historique. Entretien avec le Dr Jean-Michel Wendling, consultant scientifique pour infodujour.fr
Quelles sont les dernières informations concernant le variant Delta qui envahit petit à petit la France ? Est-il si redoutable ?
Bonne nouvelle, le variant Delta semble beaucoup moins virulent et sa létalité est bien moins importante qu’on nous le dit. Le retour d’expérience du Royaume-Uni en avance sur nous pour la vaccination via les données publiées le 9 juillet 2021 par le Public Health England (PHE) sur plus de 300.000 personnes contaminées montre une létalité près de 10 fois moins importante que le virus souche (1.9% pour le variant alpha versus 0.2% pour le delta). Par contre, il continue à générer un nombre croissant de consultations aux urgences et d’hospitalisations au point de saturer des hôpitaux comme celui de Raigmore à Inverness en Ecosse : sa capacité est dépassée du fait d’une vague « sans précédent » : « nous avons atteint la capacité maximale de l’hôpital, nous avons de longues attentes dans notre service d’urgence et nous savons que les personnes nécessitant des soins urgents vont se présenter pour un traitement » rapportent nos confrères d’Iverness Courrier.
Et le vaccin : qu’elle est son efficacité par rapport au variant Delta ?
Les vaccins n’ont pas tous la même efficacité. Les vaccins Pfizer et Moderna sont bien plus performants qu’AstraZeneca. Le ‘’terrain âgé’’ rend sans aucun doute le vaccin moins efficace du fait de l’immuno senescence.
Le vaccin montre une réduction de mortalité très significative sur les plus de 50 ans sur les données PHE avec 2.5 fois moins de décès rapportés aux cas (2.2%) pour les complètements vaccinés versus 5.6% pour les non-vaccinés. Et surtout la pression hospitalière est réduite avec beaucoup moins de consultations aux urgences (1078 vs 6253) et beaucoup moins d’hospitalisations en nombre absolu (486 vs 1915) quel que soit l’âge.
Le nombre de décès rapportés aux cas est cependant identique entre vaccinés (0.035%) et non vaccinés (0.029%) pour la tranche des moins de 50 ans moins à risque de forme létale (données disponibles du Royaume-Uni). Il est donc recommandé maintenant de prioriser les vaccins ARNm plus performants et de vacciner en priorité la totalité des personnes à risque (obèses, diabétiques, immunodéprimés, personnes âgées) et leurs contacts.
Le variant Delta est-il effectivement plus contagieux ? Circule-t-il plus facilement ?
Il était admis que le Delta était plus contagieux d’environ 60%. Les données sur la période d’observation du 5 janvier au 16 juin venant du Royaume-Uni semblent remettre en question ce postulat. En effet, les analyses venant du PHE montrent que le taux d’attaque secondaire, c’est-à-dire la capacité à contaminer ses proches est équivalente si on compare le delta au variant historique. Dans 9 cas sur 10, les proches de la famille sont préservés tant en présence du variant alpha (taux d’attaque secondaire de 10.2%) que du delta (taux d’attaque secondaire 10.9%). Cette donnée est confirmée par les taux d’attaque secondaire proche hors de la famille (5.6% pour le variant alpha versus 5.7% pour le Delta). Le variant Delta ne serait donc pas plus contagieux si on s’appuie sur ces seules données (à confirmer).
Comment faut-il faire pour préserver les autres au sein de la famille ?
Prévention et encore prévention : à partir du moment où on est testé positif, il faut éviter pendant quelques jours de manger avec ses proches, s’isoler d’autant plus qu’on a des symptômes, ne pas faire à manger pour les autres, se laver les mains autour du repas et plusieurs fois par jour surtout si on a le nez qui coule, ne pas partager le gobelet dans la salle de bains… si on tousse ou éternue, porter un masque à la maison. Ces mesures simples de bon sens permettent de réduire le risque qui est maximum dans la cellule familiale pendant quelques jours.
Les mesures barrières sont-elles toujours d’actualité ?
L’hygiène des mains est une vraie catastrophe en France : un article récemment publié dans la revue « Hygiènes » fait le point de la situation sur l’espace public et autour du repas et des pauses café en entreprise. Cette simple mesure, nous le rappelons, est associée à une réduction de risque de 98% selon les chercheurs de l’Université de Macao et du CDC chinois. En l’absence d’hygiène des mains, et malgré la vaccination du personnel soignant, le virus Delta se disperse et entraîne des clusters comme au Royaume-Uni où 57% de l’ensemble des résidents et du personnel de cette maison de retraite a été contaminée malgré la vaccination en cours. Le soignant cas-index était pourtant dûment primo-vacciné. Heureusement, cet événement n’a entraîné que 4 hospitalisations et aucun décès.
L’expérience de Nivelles en Belgique avait été plus inquiétante avec 12 résidents décédés, pourtant doublement vaccinés Pfizer, quatre mois plus tôt. Le vaccin réduit, mais n’empêche en rien le portage et la transmission à des tiers vulnérables, fragilisés par l’âge. Le port du masque est également essentiel notamment autour de la préparation du repas (cuisiniers), sur toute la chaîne alimentaire (producteurs, livreurs, clients de supermarchés…) et par les serveurs des bars et restaurants. Ces mesures barrières, le retro traçing, le testing, l’isolement, mesures fortement surveillées à Singapour ont permis de limiter la mortalité à 36 décès. C’est comme si en France nous avions 400 décès de la COVID19 à cette date, de quoi faire réfléchir….
Qu’en est -il des traitements préventifs face au Delta ?
73 experts francophones et six sociétés savantes nationales réunis autour du Pr Cédric Annweiler, chef du service de Gériatrie au CHU d’Angers, et du Pr Jean-Claude Souberbielle, tous deux spécialistes de la vitamine D, appelaient en janvier 2021 à supplémenter en vitamine D la population française dans son ensemble (et pas uniquement les personnes âgées ou à risque de forme grave de COVID-19). Le statut vitaminique D est également selon le Pr Jean-Marc Sabatier un facteur essentiel de bon fonctionnement du système de défense immunitaire, outil utile pour mieux répondre au vaccin. Ces experts et l’Académie de Médecine appellent depuis longtemps à une supplémentation large de la population carencée ou insuffisante (70% des Français), ce que le Royaume-Uni a réalisé auprès de plus de 2 millions de personnes fin 2020 et que la Norvège est en train de réaliser sur une cohorte de 150 000 personnes par le biais de la consommation d’huile de foie de morue.
Et les traitements en curatif ?
Grande nouvelle, suite à la publication d’une étude ce mardi dans le Journal of the American Medical Association, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pris la décision de recommander l’utilisation de deux traitements pour soigner les malades atteints de formes sévères de la Covid. Le Tocilizumbab fabriqué par le laboratoire bâlois Roche et le Sarilumab de son concurrent français Sanofi, tous deux associés à des corticostéroïdes, réduisent « les risques de mortalité et le besoin de ventilation mécanique » estime l’OMS dans un communiqué.
D’autres candidats traitement ?
Certains médicaments candidats comme un anti-hypertenseur, le Telmisartan (étude publiée dans le Lancet), l’Ivermectine soutenue par le Ministère de la Santé de Mexico, la Quercétine ou le protocole pakistanais HNS ou « Honey Nigella Sativa » font l’objet d’études publiées ou en cours avec des résultats encourageants.
Enfin, l’institut Pasteur de Lille (IPL) a enfin lancé la phase de test de son traitement par suppositoires à base de Clofoctol contre la Covid-19. Une quarantaine de médecins vont pouvoir prescrire le produit à 692 patients des Hauts-de-France. Les premiers résultats sont attendus pour septembre 2021….
À suivre donc à la rentrée en espérant que tout le monde passe de bonnes vacances sans mauvaises surprises !
Le Dr Jean-Michel Wendling, spécialiste prévention santé au travail à Strasbourg, est consultant scientifique pour infodujour.fr.