L’une des lignes jumelles du réseau de pipelines Nord Stream 2 est désormais achevée, malgré la forte opposition des États-Unis, a annoncé le président russe Vladimir Poutine.
Par Robert Harneis
S’exprimant lors d’un forum d’affaires à Saint-Pétersbourg, Poutine a déclaré que le pompage du gaz pourrait commencer d’ici 10 jours. « Les travaux de pose des tuyaux de la première ligne Nord Stream 2 sont terminés avec succès. Les travaux sur la deuxième ligne sont en cours », a-t-il déclaré. La deuxième ligne est à environ 55 milles nautiques (102 km) de son achèvement, selon le Kremlin.
M. Poutine a déclaré que la Russie serait disposée à accepter des euros pour le paiement du gaz naturel. « L’euro est tout à fait acceptable pour nous en termes de paiement du gaz », a-t-il précisé. « Cela peut être fait, bien sûr, et devrait probablement être fait ». Jusqu’à présent, tous les paiements de gaz russe à l’UE ont été libellés en dollars.
Le Donbass sous la protection de la Russie
Une fois achevé, le nouveau gazoduc jumeau doublera la capacité de la ligne existante Nord Stream sous la Baltique, pour atteindre 110 milliards de mètres cubes par an, ce qui pourrait augmenter les ventes de Gazprom en Europe occidentale.
Cela donne à la Russie et à ses clients de l’UE la possibilité d’abandonner le réseau de gazoducs qui traverse l’Ukraine. Les relations russo-ukrainiennes sont dans un état de tension élevé en raison du retour de la Crimée à la Fédération de Russie en 2014 et de la sécession d’une partie du Donbass sous protection russe.
Dépendance à la Russie
Les États-Unis se sont opposés au nouveau gazoduc au motif qu’il accroît la dépendance de l’UE vis-à-vis de la Russie en tant que fournisseur de gaz. Ils ont également exhorté l’UE à bloquer le projet afin de conserver le transit de gaz par l’Ukraine, qui représente des frais de 2 milliards d’euros.
La Russie et l’Allemagne ont toujours affirmé que le projet était purement économique. L’Allemagne a besoin d’acheter du gaz pour remplacer l’énergie nucléaire et la Russie a besoin de le vendre. Les sources traditionnelles de gaz de l’UE, à savoir le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Norvège, sont en train de s’épuiser.
Le gazoduc appartient à Gazprom, la compagnie gazière nationale russe, il est financé conjointement par les sociétés allemandes Wintershall Holding et E.ON Ruhrgas, la société néerlandaise United Gas et la société française Suez.
Son père est mort avant sa naissance.
Selon Moscou, la véritable motivation des États-Unis est d’obliger l’UE à acheter du GPL américain issu de la fracturation hydraulique, bien qu’il coûte en moyenne 30 % de plus.
Les États-Unis se sont opposés à ce que les alliés de l’OTAN envoient de l’argent pour le gaz à la Russie, ce qui, selon eux, permet à la Russie de s’armer contre l’Europe.
La réaction de l’Allemagne a été une persistance patiente. Ils ont besoin du gaz et ce serait un suicide politique pour tout gouvernement allemand de céder aux États-Unis sur cette question. Berlin a du mal à prendre au sérieux les objections de Washington, alors que les États-Unis importent eux-mêmes du gaz GPL de Russie. Ils ont également acheté des hélicoptères à Moscou pour les utiliser en Afghanistan et ont coopéré dans le domaine spatial. L’Europe achète du gaz russe depuis l’époque soviétique.
Bonnes relations russo-allemandes
Depuis 2004, date à laquelle la Pologne et les États baltes, profondément anti-russes, ont rejoint l’UE, la Commission européenne est paralysée par les divisions au sein de ses membres. La position diplomatique de Bruxelles a été affaiblie par le fait que l’UE a en fait aidé à financer Nord Stream1.
On pense généralement que le projet initial de Nordstream a été poussé par Gerhard Schröder deux semaines avant qu’il ne perde la chancellerie allemande au profit d’Angela Merkel en 2005. Schröder, qui croit fermement aux bonnes relations russo-allemandes, est aujourd’hui président de Nordstream AG. Son père est mort avant sa naissance en combattant en Russie et il a deux enfants russes adoptifs.
« Le pipeline est presque entièrement terminé »
En fait, le président russe a demandé et obtenu de Merkel l’engagement que si elle était élue, elle irait de l’avant avec le projet, sans quoi il n’accepterait pas de commencer. Il est également important de se rappeler que Nordstream a été proposé en 1997 avant que quiconque en Europe n’ait entendu parler de Vladimir Poutine.
Les États-Unis et leurs alliés peuvent se consoler en se disant qu’ils ont retardé le projet de gazoduc d’un an par des sanctions et que, pendant ce temps, ils ont forcé le gouvernement russe à accepter un contrat de cinq ans pendant lequel le gaz continuera à transiter par l’Ukraine. Ils sont conscients que toute réduction des revenus de l’Ukraine pauvre devra être compensée par les États-Unis et l’UE.
L’achèvement imminent de l’ensemble du projet Nordstream, malgré l’extrême hostilité de Washington, est un triomphe pour Vladimir Poutine. Il complète la triple stratégie de Moscou en matière de pipelines : Nordstream, Turkstream sous la mer Noire et Power of Siberia vers la Chine.
Il ne fait aucun doute que le fait que le port de Mukran, la base logistique allemande du projet, se trouve dans la circonscription parlementaire d’Angela Merkel a facilité les choses.
Le président américain Biden a levé les sanctions contre Nordstream 2 AG « parce que le gazoduc est presque entièrement terminé ».
