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Les inégalités sociales à l’épreuve de la crise sanitaire

Le 17 mars 2020 à midi, la France était confinée afin d’enrayer l’épidémie de Covid-19. Celle-ci a servi de révélateur des  inégalités sociales, territoriales, entre hommes et femmes que l’Insee met en lumière.

Portrait sociale de la France
Portrait social de la France

En France, en mars‑avril 2020, un surcroît de 27 000 décès (+ 27 %) est survenu, toutes causes confondues, par rapport à la même période en 2019, essentiellement en raison de la surmortalité provoquée par la Covid‑19. L’Île‑de‑France (+ 91 %) et le Grand Est (+ 55 %) ont été les régions les plus affectées. Les personnes les plus âgées, celles nées à l’étranger et celles habitant dans les communes les plus pauvres et les plus denses ont été les plus touchées.

715.000 emplois détruits

Le risque d’exposition au virus varie selon les milieux sociaux : ouvriers et employés ont plus souvent continué à se rendre au travail à l’extérieur, les personnes les plus modestes vivent plus souvent dans des communes denses et des logements surpeuplés. De plus, ces dernières souffrent plus souvent d’obésité ou d’une pathologie associée à un risque élevé de développer une forme grave de Covid‑19.
715 000 emplois ont été détruits au premier semestre 2020, en premier lieu dans l’intérim. Cependant, la chute de l’activité économique provient essentiellement des personnes restées en emploi : leur temps de travail s’est réduit de 34 % en moyenne du 16 mars au 10 mai par rapport à la même période en 2019. Le chômage partiel a concerné principalement les ouvriers (54 %) et les employés (36 %), tandis que les cadres ont plus largement travaillé à leur domicile (81 %). Un quart des ménages estime que sa situation financière s’est dégradée avec le confinement, plus particulièrement ceux qui ont réduit leur activité, ceux ayant des enfants et ceux dont les revenus étaient initialement bas. Pour l’avenir, un quart des personnes pensaient, fin avril, rencontrer des difficultés pour payer leur loyer, leur crédit immobilier ou leurs charges dans les douze prochains mois.

Disputes fréquentes

Les personnes vivant seules ont, plus souvent que les couples, trouvé le confinement pénible (31 % contre 24 %). L’accès à un espace extérieur privatif et la taille du logement ont également pesé sur ce ressenti, plus particulièrement sur les ménages modestes ou avec enfants.
En confinement, les femmes ont continué d’assumer l’essentiel des tâches domestiques et parentales, même quand elles travaillaient à l’extérieur : 19 % des femmes et 9 % des hommes de 20 à 60 ans ont consacré au moins quatre heures par jour en moyenne aux tâches domestiques ; 43 % des mères et 30 % des pères ont passé plus de six heures quotidiennes à s’occuper des enfants. 13 % des personnes en couple se sont disputées plus fréquemment
que d’habitude.

Pratiques culturelles

Un tiers des élèves du second degré ayant des difficultés scolaires ont consacré trois heures ou plus à leur scolarité, contre la moitié des bons élèves. Les élèves de milieu modeste ou en difficulté scolaire ont plus souvent rencontré des difficultés matérielles ou pour se faire aider par leurs parents.
Durant le confinement, plus de personnes ont pratiqué la musique, la danse, le dessin, la peinture et la sculpture, le montage audio ou vidéo ou encore des activités scientifiques ou techniques. Les écarts sociaux dans les pratiques culturelles en amateur se sont réduits.
(Meriam Barhoumi (Depp), Anne Jonchery, Philippe Lombardo (Deps), Sylvie Le Minez, Thierry Mainaud, Émilie Raynaud (Insee),
Ariane Pailhé, Anne Solaz (Ined), Catherine Pollak (Drees).

 Se confiner : une difficulté singulière pour les sans‑domicile

Par Thierry Mainaud et Émilie Raynaud

La mise en place d’un confinement nationala soulevé la question particulière des personnes sans domicile. La dernière enquête Sans‑Domicile, menée par l’Insee et l’Ined en 2012, estimait cette année‑là à 143 000 personnes le nombre d’adultes et d’enfants sans domicile, vivant dans la rue, hébergés en urgence ou pour des durées plus longues par des associations, y compris dans les centres de demandeurs d’asile [Mordier, 2016]. À périmètre constant, le nombre de sans‑domicile présents dans les agglomérations de 20 000 habitants ou plus et utilisateurs des services d’hébergement ou de distribution de repas s’était accru de 58 % par rapport à 2001, une hausse qui a pu se poursuivre après 2012, notamment du fait de la crise migratoire. Ainsi, fin 2016, les structures d’hébergement comptaient 140 000 places permanentes 1 , en hausse de 40 % par rapport à fin 2012, avec un taux de remplissage de 96 % [Pliquet, 2019].
Si une part probablement importante des sans‑domicile a pu bénéficier des places permanentes dans les centres d’hébergement pour se confiner, ce n’est pas le cas des personnes sans‑abri, c’est‑à‑dire passant la nuit dans un lieu non prévu pour l’habitation (rue, métro, gare, hall d’immeuble, etc.), ou de celles hébergées dans une structure collective qu’il faut quitter le matin.
En 2012, elles représentaient respectivement 10 % et 12 % des adultes sans domicile dans les agglomérations de 20 000 habitants ou plus
[Mordier, 2016]. Afin de leur permettre de trouver un abri durant le confinement, les 14 000 places hivernales ont été prolongées et des places d’urgence supplémentaires ont été progressivement ouvertes (21 000 au 4 mai selon le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales [2020]), notamment par la réquisition de chambres d’hôtel et l’ouverture de centres  d’hébergement spécialisés pour les malades de la Covid‑19. Dans le même temps, les conditions sanitaires ont cependant pu restreindre les capacités d’accueil de certains établissements.
Les services d’aide alimentaire ou d’accompagnement aux démarches administratives habituellement fournis par ces établissements, comme par d’autres structures ou associations qui dépendent de la présence des bénévoles, ont aussi été perturbés par la restriction des déplacements et le contexte de crise sanitaire. Cependant, ceux qui ouvrent habituellement pour la seule période hivernale ont souvent prolongé leur activité.
1. Y compris les 14 000 places en maisons relais, non prises en compte dans l’enquête Sans‑Domicile.

dossier inégalités-Insee

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