La cuisine électorale messine n’a rien de la haute gastronomie française. C’est une infâme popote « fait maison » où se mélangent allègrement droite et gauche, sucré et salé. Pas très ragoûtant !
Prenez un sénateur de droite, un jeune loup de gauche, une admiratrice de Jeanne d’Arc, faites mijoter pendant trois mois et demi à feux doux. Pas assez épicé ? Faites fondre une liste en perdition estampillée à gauche (6,19% au premier tour) dont la tête de liste est une adjointe au maire socialiste avec une liste de droite arrivée en tête le 15 mars 2020 (29,7%). Et voilà une mixture aux saveurs inconnues dont on ne sait pas encore si l’étrange fumet va attirer ou rebuter les électeurs à défaut des vrais gastronomes, le 28 juin prochain.
Laboratoire discret
A Metz, la cuisine politique s’invente autour de recettes occultes savamment concoctées dans un laboratoire discret du quartier de Metz-Queuleu. Là, quelques maîtres-queux s’adonnent aux plaisirs de l’expérimentation des idées neuves et de l’éloge des sens. Dans l’arrière-cuisine interdite aux amateurs, on élabore en secret les recettes futures destinées à satisfaire les clients.
Le 15 mars 2020, c’était menu à la carte. Une dizaine de plats en concurrence pour élire le meilleur cuisinier de Metz. Mais un vilain virus est venu perturber la compétition. Les clients ont boudé la table. Un grand chef à plume fut éliminé sans pitié.
La finale se jouera le 28 juin, après plus de trois mois de mise en sommeil. Et sans tournée des popotes, hélas, en raison du virus qui rode. Faut donc faire son marché autrement et vendre ses salades sur les réseaux sociaux. Les bonimenteurs occupent la place et s’en donnent à qui mieux mieux.
Trois chefs toqués restent en lice pour succéder au chef deux fois étoilé de la Place d’armes, lequel, l’âge venant, s’était retiré de la course.
La bataille est donc rude et le résultat incertain.
Jeu collectif
A gauche, Xavier Bouvet, chef de file de la liste Unis Pour Metz. Ce jeune homme de 36 ans, est un nouveau venu en politique.
Avantage : il ne traîne pas de casserole. Sa recette : jouer collectif et fuir les combines d’appareils puisqu’il n’appartient à aucun parti. Même si on sait bien qu’il est le poulain du socialiste Dominique Gros qui lui a donné sa bénédiction urbi et orbi. Au premier tour de la compet’, Xavier Bouvet est arrivé en deuxième position avec 24,97% des suffrages. Aujourd’hui, sa liste Unis Pour Metz a le soutien de Thomas Scuderi (7% au premier tour), de l’ancien ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, du député de Moselle Belkhir Belhaddad, du champion du monde de hand, Olivier Krumbholz et de quelques autres. Suffisant ? Impossible de savoir.
A droite toutes, Françoise Grolet (11,97% des voix le 15 mars) arbore les couleurs du Rassemblement National. Sa recette : rien que du traditionnel, du local, du Français, baguette et béret. Ingrédient maison : « Déconfinez vos idées et changez l’avenir ». Françoise Grolet a le soutien des élus du R.N, évidemment. On voit mal sa liste l’emporter au second tour. Mais elle va empiéter sur l’électorat de François Grosdidier.
Des casseroles
A droite encore, le sénateur François Grosdidier (LR) est arrivé en tête du premier tour avec sa liste Utile pour Metz (29,7% des voix). Ce vieux briscard de la politique a un parcours sinusoïdal. Dans les années 70, c’est un proche du maire d’Amnéville, Jean Kiffer. Il milite d’abord au CNI puis au PNF (parti des forces nouvelles) des partis classés à l’extrême droite. Grosdidier fut élu député de Moselle en 1993 sous les couleurs du RPR, le parti gaulliste. Conseiller municipal de Metz (1989-1995), conseiller régional de Lorraine (1992-2004), maire de Woippy en 2001, réélu en 2008, il redevient député en 2002, réélu en 2007, puis sénateur de la Moselle en 2011 et réélu en 2017. Du lourd.
Côté casseroles, le candidat à la mairie de Metz, François Grosdidier ne manque pas de matériel : il a été condamné pour détournement de biens publics en 2015 et complicité de prise illégale d’intérêts. Il est poursuivi (mais pas mis en examen à ce jour à notre connaissance) dans une autre affaire de détournement de fonds publics pour laquelle l’association Anticor a déposé plainte. Sa recette du jour : « Le changement pour une ville sûre, verte, innovante et solidaire ».
Le sénateur candidat à la mairie est donc un fin cuistot. Il a reçu le soutien de certains collègues et parfois anciens rivaux : l’ancien maire de Metz, Jean-Marie Rausch, le président du Conseil départemental de la Moselle, Patrick Weiten et, de façon inattendue, celle d’une vieille carne de la politique mosellane, Jean-Pierre Masseret, ex-sénateur socialiste, ex-secrétaire d’Etat de Jospin, ex-président socialiste du conseil régional de Lorraine, ex-maire d’Hayange qui, en son temps, a su faire de la démocratie locale une petite PME familiale.
Quel genre de plat peut-on faire avec tout ça ? Sans doute une sorte de potée lorraine aux relents de ratatouille niçoise et de bouillabaisse marseillaise.
Vous en reprendrez bien un peu ?