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PLUi de Metz Métropole : Troisième plainte, cinq nouveaux maires épinglés

L’association anticorruption AC !! a déposé une nouvelle plainte contre X au parquet de Metz visant les élus de cinq communes mosellanes : Jussy, Gravelotte, Vany, Nouilly et Féy pour des infractions pénales présumées alors que la juridiction administrative a annulé le PLUi de Metz Métropole le 24 juillet 2025.

Le PLUi de Metz métropole concerne 45 communes (rapport commission d'enquête publique)
Le PLUi de Metz métropole concerne 45 communes (rapport commission d’enquête publique)

C’est un pavé de 153 pages lesté de plus de 200 pièces jointes qui vient d’atterrir sur le bureau du procureur de Metz. L’expéditeur, Me Vincent Poudampa, avocat de l’association anticorruption AC !! dépose ainsi une troisième plainte liée à l’élaboration du Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi) de Metz Métropole adopté le 3 juin 2024.
Cette nouvelle plainte contre X vise des élus et maires de cinq communes : Pierre Fachot, maire de Jussy, Michel Torloting, maire de Gravelotte, Vincent Dieudonné, maire de Vany, Claude Valentin, maire de Nouilly, Michel Dumont, maire de Féy. Un seul a daigné répondre à nos questions : Vincent Dieudonné marie de Vany. On lira plus loin son point de vue.

Jussy : le maire soupçonné de conflit d’intérêts

Pierre Fachot, maire de Jussy et conseiller métropolitain (photo Metz métropole)
Pierre Fachot, maire de Jussy et conseiller métropolitain (photo Metz métropole)

Pierre Fachot, maire de Jussy (458 habitants) depuis 2020 et membre du bureau métropolitain, est propriétaire d’une parcelle de 911 m2 classée 2AU1 (urbanisation différée) située rue de Metz, à proximité immédiate de son domicile. Dès 2021, dans le cadre de l’élaboration du PLUi, cette zone a été requalifiée en 1AUC, soit directement urbanisable, avant d’être finalement maintenue en zone à urbaniser sous la dénomination « 2AUC Rue de Metz » dans la version adoptée du PLUi, le 3 juin 2024.

Un processus opaque et contesté

L’association AC !! reproche à ce maire d’avoir orienté seul les choix urbanistiques de la commune, sans consultation ni délibération du conseil municipal. Il n’aurait convoqué le conseil qu’en juin 2023, pour rendre un avis sur le PLUi, sans mentionner son intérêt personnel. Quatre conseillers municipaux, dont sa première adjointe, avaient pourtant démissionné en mars 2023 pour protester contre ce qu’ils considèrent comme un manque de transparence.

Des alertes ignorées

Lors de l’enquête publique menée en fin 2023, une contribution anonyme a alerté sur un conflit d’intérêts manifeste, dénonçant une urbanisation limitée à la seule parcelle du maire, au détriment d’autres zones pourtant mieux desservies. La commission d’enquête, dans son rapport de mars 2024, a émis un avis défavorable global au PLUi, reprochant notamment une ouverture à l’urbanisation incohérente avec les objectifs de modération foncière et de préservation des terres agricoles.
Malgré cela, la zone d’habitat individuel portée par M. Fachot a été maintenue, avec un simple changement de temporalité (passage de 1AUC à 2AUC). Le maire a participé au vote final d’approbation du PLUi au conseil métropolitain du 3 juin 2024.

Un faisceau de responsabilités politiques

Pierre Fachot, en plus de ses fonctions locales, est membre du bureau métropolitain, de la conférence intercommunale sur l’urbanisme (CIMU), mais aussi de la commission urbanisme et il est président de l’agence d’urbanisme (AGURAM) : des rôles clés dans l’élaboration du PLUi. Pour ses détracteurs, cela fait de lui l’un des principaux artisans d’un zonage controversé, soupçonné d’avoir été façonné à son avantage.

Gravelotte : De graves dysfonctionnements

Michel Torloting, maire de Gravelotte et conseiller métropolitain (Photo Metz métropole)
Michel Torloting, maire de Gravelotte et conseiller métropolitain (Photo Metz métropole)

Michel Torloting, maire de Gravelotte (813 habitants) depuis 2008, est soupçonné d’avoir tiré profit de ses fonctions pour favoriser le classement en zone constructible de parcelles agricoles qu’il détient via le Groupement Foncier Agricole Les Genivaux.
Ces terrains, d’une surface de plus de 9 200 m², sont aujourd’hui intégrés à une Opération d’Aménagement Programmée (OAP) destinée à accueillir un centre socio-culturel supracommunal, dans le cadre du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) approuvé en juin 2024 par Metz Métropole.
Or, plusieurs instances officielles – dont la Commission d’enquête publique, la MRAE, et des citoyens lors de l’enquête publique – alertent depuis 2023 sur de graves dysfonctionnements : absence d’étude sur les besoins en équipements, atteinte à des zones écologiques sensibles, périmètre de protection de captage d’eau potable ignoré… Autant de signaux d’alerte ignorés par la métropole messine, qui a validé malgré tout le classement des parcelles en 1AUE (urbanisable immédiatement).

Des terrains appartenant au maire

Le problème majeur, selon AC!! reste le rôle central joué par M. Torloting lui-même dans ce processus : maire de Gravelotte, représentant de la commune à Metz Métropole, membre influent des instances d’urbanisme, il n’a jamais soumis la question à son conseil municipal. En particulier s’agissant de l’avis sur le projet de PLUi qui était à donner en 2023 au nom de la Commune de Gravelotte, il l’a fait réputer favorable à défaut de l’avoir inscrit à l’ordre du jour.
Plusieurs contributions à l’enquête publique ont dénoncé cette situation, soulignant aussi une zone d’ombre autour du déplacement du projet de centre socio-culturel : initialement prévu ailleurs dans les documents d’urbanisme antérieurs, il aurait été relocalisé sur des terrains appartenant au maire ou à sa famille, ce qui en multiplie leur valeur foncière.

De lourdes accusations

Dans sa décision d’annulation du PLUi du 24 juillet 2025, les juges administratifs relèvent cette carence sur les projets d’équipements comme « ayant entaché d’une insuffisance substantielle » le rapport de présentation.
Les accusations sont lourdes : conflit d’intérêts, manquement à la transparence, atteinte à l’intérêt général, risques environnementaux. Une situation qui pourrait rapidement devenir un cas d’école en matière d’éthique publique et d’aménagement du territoire.

Vany : Le maire Vincent Dieudonné dans le collimateur

Vincent Dieudonné, maire de Vany, conseiller métropolitaine (Photo Metz métropole)
Vincent Dieudonné, maire de Vany, conseiller métropolitaine (Photo Metz métropole)

La petite commune de Vany (473 habitants) n’échappe pas à la mise en cause de l’association AC !! suite de l’approbation du Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi). Au centre de l’affaire : l’orientation d’aménagement (OAP) dite « Champly », qui concerne directement les terrains agricoles de la famille du maire, Vincent Dieudonné.

Des terres agricoles reclassées… appartenant à la famille du maire

Dans l’ancien PLU de Vany, la parcelle cadastrée section 5 n°168 – appartenant en indivision au père, aux oncles, tantes et cousines de Vincent Dieudonné – était classée zone agricole (A). Le nouveau PLUi la reclasse en zone à urbaniser (AU), la rendant constructible. Cette mutation foncière touche une surface de 11 618 m². Une autre parcelle familiale (section A n°1832) passe quant à elle d’un zonage constructible à non constructible (NVj), suscitant cette fois le mécontentement d’une tante du maire, qui y voit une manœuvre en faveur d’une cousine souhaitant l’acheter à moindre coût. Ambiance !

Une pétition citoyenne et un rapport d’enquête défavorable

La mobilisation locale ne s’est pas fait attendre : 133 habitants ont signé une pétition contre le projet d’urbanisation « Champly ». La commission d’enquête publique a jugé l’OAP « non pertinente », pointant l’incohérence avec les objectifs du PADD (Projet d’Aménagement et de Développement Durable), notamment en matière de consommation foncière et de préservation de l’environnement.
La commission critique sévèrement le manque de prise en compte des logements vacants, des friches et de la densification du tissu existant. Elle souligne que la décision d’ouvrir des zones agricoles à l’urbanisation contrevient à l’article L.151-5 du Code de l’urbanisme.

Les explications du maire

Vincent Dieudonné est le seul des cinq maires épinglés par l’association anticorruption AC !! qui a eu le courage de répondre à nos sollicitations. « Je suis écœuré, dit-il. La parcelle de 20 ares dont il est question est en indivision. Lorsqu’elle sera liquidée, il me reviendra deux ares et demi soit 250 m2. Il y a dans chaque conseil municipal de France et de Navarre un élu ou l’un de ses proches qui possède des terrains susceptibles de devenir constructibles un jour ou l’autre. Dans cette affaire, il s’agissait de construire une salle communale et une nouvelle mairie ( parce que l’actuelle n’est raisonnablement pas modifiable pour la metre aux normes PMR), et une liaison douce vers le village voisin. On a regardé le problème dans tous les sens. Il n’y avait pas d’autre solution compte tenu de la topographie des lieux. »
La pétition contre le projet ? « Une vieille histoire qui remonte à l’ancien mandat. On a monté une liste contre l’ancien maire, en 2020. J’étais tête de liste. Ça été la guerre. On a gagné les élections. L’ancienne maire a pourri mon mandat. Comme cette histoire de pétition. Elle a fait du porte-à-porte et les gens ont signé sans avoir lu. Ceux qui l’ont lue, ce sont les habitants du nouveau lotissement qui ne veulent pas de circulation ou de salle communale près de chez eux, mais ils en veulent bien une ailleurs. Ce secteur etait déjà retenu il y a une dizaine d’années pour faire la nouvelle école, mais  il a été abandonné car compliqué pour faire faire demi-tour au bus. »
La consultation ? « Oui, on a demandé l’avis de la population pour savoir qui était pour ou contre le projet, mais sans prendre de délibération. On aurait dû. » Il ajoute : « Dans ce contexte, ni moi ni les membres de mon conseil ne repartiront en mars 2026. On bosse sans compter. On me reproche de m’enrichir ? Je ne prends que 80% de mon indemnité, un autre terrain de la même indivision était retiré des zones constructibles. Je suis dégoûté. »

Nouilly : Le maire s’arrange dans le classement de ses propres terrains

Claude Valentin, maire de Nouilly, conseiller métropolitaine (photo Metz métropole)
Nouilly, conseiller métropolitaine (photo Metz métropole)

Maire de Nouilly (718 habitants) depuis 2020, Claude Valentin, est mis en cause pour avoir favorisé le classement constructible de parcelles agricoles… dont il est lui-même propriétaire.
Le Plan local d’urbanisme (PLU) de Nouilly classait initialement certaines parcelles en zone 2AU (urbanisation à long terme). Lors de l’élaboration du PLUi de Metz métropole, ces mêmes terrains — situés en bordure d’une zone naturelle protégée — sont passés en zone 1AU, donc directement urbanisables.
Or, six de ces parcelles, représentant 2 209 m², appartiennent au maire lui-même, M. Claude Valentin. Un changement de zonage hautement favorable à ses intérêts personnels.

Un conflit d’intérêts manifeste

Le maire n’a jamais déclaré son intérêt personnel lors des délibérations, que ce soit au sein du conseil municipal ou à la métropole, où il siège également. Pire : il a voté sur le projet de PLUi, sans s’abstenir, ni informer les élus ou la population.
Malgré l’avis défavorable de la commission d’enquête publique, qui estimait que « l’article L.151-5 du Code de l’urbanisme n’a pas été respecté », M. Valentin a maintenu le projet tel quel. La commission dénonçait notamment l’ouverture à l’urbanisation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, au mépris des objectifs de sobriété foncière affichés dans le PADD (projet d’aménagement et de développement durable).

Féy : Urbanisme, conflits d’intérêts et démissions en série

Michel Dumont, maire de Féy, conseiller métropolitaine (photo Metz métropole)
Michel Dumont, maire de Féy, conseiller métropolitain (photo Metz métropole)

La paisible commune de Féy (741 habitants), située au sud de Metz, est secouée par une série de révélations préoccupantes autour du maire Michel Dumont et de plusieurs élus municipaux, soupçonnés d’avoir tenté d’orienter le Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi) à leur avantage personnel, en contradiction flagrante avec leur programme électoral.

Une promesse trahie ?

Élus en 2020 sur un programme affirmant la volonté de stopper toute nouvelle urbanisation pour préserver le caractère rural du village, le maire Michel Dumont et sa majorité s’étaient engagés à abandonner les projets de lotissements en zones à urbaniser (1AU et 2AU). Pourtant, les faits vont dans le sens inverse : le maire et trois autres élus sont liés à 88 % de la zone « 2AU », au cœur d’un projet d’urbanisation que la métropole a temporairement différé mais pas abandonné.

Conflits d’intérêts majeurs

Parmi les élus impliqués : Michel Dumont, maire et héritier de plusieurs parcelles stratégiques et quatre élus détiennent ou sont directement liés à la majorité des terrains concernés. La plus-value espérée si ces terres deviennent constructibles est jugée « vertigineuse » selon l’enquête publique, car un promoteur les aurait déjà contactés dès 2022.

Démissions en chaîne et climat délétère

Face à ces agissements, trois adjoints et un conseiller municipal ont démissionné en mai 2022, dénonçant un fonctionnement autoritaire, des décisions prises dans le dos du conseil et une rupture complète avec les engagements électoraux. Une cinquième démission, celle du conseiller Lucas Rémy en octobre 2024 et ayant provoqué des élections anticipées début 2025, souligne à son tour le manque de transparence et l’opacité du processus d’élaboration du PLUi.

L’enjeu environnemental sacrifié ?

Malgré la consommation foncière déjà excessive à Féy par rapport aux objectifs du SCOTAM, Metz métropole a accepté de supprimer plusieurs trames environnementales sur la zone 2AU en 2024 – ouvrant une brèche pour une future constructibilité. Une décision qui illustre un recul inquiétant sur les engagements en matière de protection des espaces naturels.

La tension monte à l’approche des élections municipales. Ce que beaucoup à Féy décrivaient comme un village rural préservé est devenu le théâtre d’un feuilleton politico-foncièrement explosif.

Deux premières plaintes et le PLUi annulé par le T.A.

PLUi de Metz-Métropole : deux associations ont porté le combat (DR)
PLUi de Metz-Métropole : deux associations ont porté le combat (DR)
Cette troisième plainte fait suite à une première plainte de l’association AC !! en juillet 2024 visant Jean-François Losch, maire de Lessy, puis une deuxième plainte ciblant cette fois Anne Stemart, conseillère métropolitaine et adjointe au maire de Metz. Ces deux plaintes initiales pour « prise illégale d’intérêts et favoritisme », reprochaient à ces élus d’avoir privilégié leurs propres intérêts lors de l’élaboration du PLUi (45 communes, 288 000 habitants). Comment ? En changeant l’affectation de certaines parcelles protégées en terrains constructibles, ce qui change singulièrement leur valeur.
Précisons que deux associations, « Sauvons les Terres du Pays Messin » et « Air Vigilance » ainsi que des habitants de Jury (57245) ont également déposé un recours devant le T.A. de Strasbourg sur le fond et un référé-suspensif pour bloquer les projets les plus impactants pour l’environnement. En effet, ce document ne semblait respecter ni le Code de l’urbanisme ni celui de l’Environnement. Il est vrai que le PLUi a fait l’objet d’un rare avis défavorable de la commission d’enquête publique et de nombreuses réserves du préfet de la Moselle.
Finalement, par une ordonnance du 8 novembre 2024, les juges des référés du tribunal administratif de Strasbourg ont partiellement suspendu le plan local d’urbanisme intercommunal de Metz Métropole. La suspension concerne toutes les zones 1 AU et 2 AU, ainsi que les secteurs couverts par des orientations d’aménagement et de programmation (OAP). Le 24 juillet, le T.A. se prononçant sur le fond a purement et simplement annulé le PLUi.
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