L’ancien secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert, se demande, dans un papier plein de sous-entendus publié sur son blog, si le gouvernement ne va pas profiter de cette période de vacances pour vendre quelques meubles….
Par Christian Eckert
Je peux évidemment me tromper, mais je sens que le gouvernement risque de profiter de cette période pour justifier certains mauvais coups…
J’ai déjà expliqué que la mise en scène de l’audit de la Cour des Comptes n’était que prétexte à reculades pour mettre en œuvre un programme présidentiel non financé.
Mais si je décode bien les propos des membres du gouvernement, on nous raconte que pour combler le déficit, un des moyens serait de vendre une partie des participations de l’Etat dans des entreprises où elle est actionnaire.
Ceci pourrait paraitre séduisant : on vendrait 4 milliards d’actions, et on réduirait le déficit de la même somme ! Mais ceux qui nous tiennent ces raisonnements méconnaissent la logique comptable qui prévaut pour les Etats. La comptabilité « maastrichtienne », celle qui calcule le fameux déficit public qui doit être inférieur à 3%, est bien plus fine que cela.
La Française des Jeux
La comptabilité « maastrichtienne » ne prend en compte que les recettes et les dépenses qui sont pérennes, durables et assurées. Ainsi, la vente ou l’achat de titres de propriétés de sociétés ne sont pas comptées comme des recettes ou des dépenses de l’année budgétaire, dans la mesure où ce sont des opérations ponctuelles, réversibles, qui correspondent à une variation du patrimoine de l’Etat.
Quand j’entends dire que la situation des finances publiques conduirait l’Etat à céder des participations, je crains que ce ne soit là un prétexte pour céder à « quelques amis » des parts de sociétés… Si cela améliore la trésorerie de l’Etat (qui n’est pas un problème compte tenu des taux négatifs !), diminue -en fait très peu- la dette publique, cela ne diminuera en rien le déficit de la France du point de vue de la Commission.
Un exemple me vient à l’esprit : il y a un peu plus de deux ans, le ministre de l’Economie de l’époque (chacun l’aura identifié…) poussait à la vente d’une société possédée presque en totalité par l’Etat : la Française Des Jeux (FDJ).
Pour bien comprendre : la FDJ gagne peu d’argent, et ne vaut donc pas très cher. L’essentiel de l’argent qui alimente les caisses de l’Etat vient des taxes perçues sur les mises : plus de 3 milliards d’euros. Cet argent est versé à l’Etat en amont des recettes de la FDJ. Celle-ci ne gagne donc que quelques dizaines de millions d’euros, qu’elle reverse d’ailleurs en impôts et en dividendes.
L’Etat touche donc plus de 3 milliards de recettes maastrichtiennes. Vendre la FDJ rapporterait une seule fois une recette exceptionnelle de quelques centaines de millions, mais priverait l’Etat de sa capacité à imposer toutes les règles de prévention à l’addiction, de lutte contre le blanchiment, d’interdiction de jeu pour les mineurs…
« Théâtralisation »
Certains pervers (si vous insistez je dirai qui…) avaient même imaginé diminuer les taxes sur les enjeux, pour maximiser les profits de la société et décupler sa valeur boursière… Beaucoup moins de recettes maastrichtiennes, un beau coup de bourse « one shot » et quelques intérêts privés gavés en toute discrétion ! Toute ressemblance avec les sociétés d’autoroute serait purement fortuite !
Un modeste Secrétaire d’Etat s’était opposé à cela. Son Premier ministre de l’époque, après avoir entendu les arguments des « différents étages » de Bercy, a arbitré en faveur du statu quo… Ce fut, en toute modestie, une de mes satisfactions pendant ces trois années à Bercy.
La théâtralisation de l’audit de la Cour, certains propos de membres du gouvernement et mon esprit soupçonneux, me laissent à penser que, pour la FDJ ou pour d’autres, les grandes manœuvres ont commencé.
J’espère avoir tort !
C.E.