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Retraites : L’âge d’équilibre, il sort d’où ?

Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’Etat au Budget revient sur le flou qui entoure la réforme des retraites présentée par le Premier ministre. Edifiant.

par Christian Eckert

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget (DR)

Les faits, rien que les faits : Édouard Philippe a parlé au CESE pendant une heure pour préciser son projet de nouveau système des retraites. J’ai attentivement écouté son propos. J’ai beaucoup vécu ce genre d’exercice, souvent comme auditeur et même quelques fois dans le rôle de l’orateur.
Le raisonnement du Premier des ministres est assez simple et peut séduire : on vit plus longtemps et nous ouvrons de nouveaux droits. Par conséquent, il faut introduire un système qui incitera (voire obligera) les actifs à travailler plus longtemps.
Lorsqu’on construit un projet, on bouge des curseurs et on modifie des règles. La première question qu’on se pose pour chaque modification envisagée est : « combien ça coûte ? ».

Petits boulot

Par exemple : fixer une retraite minimale à 1000 Euros (pour ceux qui auront eu une carrière complète au SMIC selon le Premier ministre) est évidemment présenté comme un gros progrès social. Il me semble qu’actuellement c’est déjà presque le cas, mais personne ne sait combien de personnes seront concernées et encore moins quel est le coût de cette mesure.
On nous dit que les périodes de « petit boulot » compteront systématiquement et donneront des droits. Pourquoi pas… Mais combien de personnes seront concernées et quel est le coût de cette mesure ?
On nous dit qu’au lieu d’avoir 8 trimestres par enfant comme beaucoup aujourd’hui, les femmes auront 5% de points de plus et que c’est mieux pour elles. Je n’en suis pas sûr, mais en tout cas : combien de personnes seront concernées et quel est le coût de cette mesure ?
On nous dit que les hauts salaires cotiseront (un tout petit peu) pour rien dès 10 000 euros par mois. C’était à partir de 27 000 aujourd’hui. Mais on oublie de dire que cette cotisation « pour rien » s’appliquera à tous et personne ne sait combien de cotisations seront ainsi perdues à l’avenir.
Je pourrais continuer longtemps comme cela.

Nouvelle méthode

Dans son discours d’une heure, le Premier Ministre N’A DONNE AUCUN CHIFFRAGE. J’ai cherché aussi en vain les « tableaux d’équilibre » dans le rapport de Monsieur Delevoye… Et pourtant.
Pour avoir été trois ans secrétaire d’Etat en charge du Budget et des comptes publics (qui incluent les retraites), je ne crois pas une seconde que ces chiffrages n’ont pas été faits. Je suis sûr que, année par année, mesure par mesure, les services ont fourni tous les chiffres, toutes les simulations et toutes les prévisions pour calculer les économies engrangées ou les dépenses supplémentaires engendrées ! Un gouvernement serait fou de ne pas procéder ainsi pour faire ses choix en toute connaissance de cause.
Sans avoir donné le moindre chiffrage des mesures annoncées, le seul point précis du discours du Premier ministre a été de dire qu’il faut, dès 2022, prévoir un malus sur la retraite de celles et ceux qui exerceraient leur droit de partir à 62 ans, avant l’âge pivot.
Voilà une nouvelle méthode : vous mettez des articles dans un caddie. Vous ne connaissez aucun prix et d’ailleurs, vous ne choisissez même pas les articles. Mais vous passez à la caisse et on vous jure que le prix est le bon et que vous avez fait une affaire !

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