Le côté spontané du mouvement de mobilisation des Gilets jaunes et son aspect protéiforme laissent planer bien des incertitudes sur la manifestation de samedi à Paris.
Six jours après la mobilisation des Gilets jaunes, le 17 novembre 2018, et les barrages bloquant ou filtrant sur les routes et autoroutes, le bilan est lourd : deux morts, plus de 600 blessés côté manifestants, plus de 130 blessés côté forces de l’ordre, près de 800 interpellations, 600 garde à vue et, déjà, de nombreuses condamnations.
C’est cependant sur l’ile de la Réunion que les manifestations ont été les plus violentes : destructions en tout genre, pillage de magasins, incendies de voitures, heurts avec les forces de l’ordre : les Gilets noirs ont pris le relais des Gilets jaunes. A tel point que le préfet, Amaury de Saint-Quentin a décrété un couvre-feu dans les principales villes.
De son côté, le président Emmanuel Macron a annoncé que les autorités seraient « intraitables » face aux violences. Aux renforts de policiers et de gendarmes Paris a envoyé des militaires chargés sinon de rétablir l’ordre, du moins d’apporter un appui logistique aux gendarmes sur place.
Il est vrai que dans ce département de l’Océan indien, la vie est beaucoup plus chère qu’en Métropole. 42% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté et le chômage y est de 23% (contre 9,7% en Métropole).
A Paris et en province
Dans ce contexte extrêmement tendu, l’exécutif a de quoi être inquiet. Car bien des interrogations subsistent sur la mobilisation des Gilets jaunes prévue samedi 24 novembre à Paris. Le mouvement étant spontané, sans chef, sans leader, sans porte-parole, les autorités n’ont pas d’interlocuteur direct pour maîtriser la manifestation.
Selon une note de la Direction du renseignement de la préfecture de Paris révélée par Le Parisien, ce sont environ 30.000 Gilets jaunes qui devraient faire le déplacement dans la capitale. Et trois rassemblements seraient organisés : l’un place de la Concorde, qui n’est pas autorisé, un autre place de la Bastille, et un troisième sur le Champ-de-Mars, sous la Tour Eiffel.
Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a précisé que le Champ-de-Mars était un « lieu offrant les conditions de sécurité nécessaires pour accueillir les manifestants ».
On ignore évidemment ce qui va se passer. Mais il y a tout lieu de penser qu’il va y avoir de la baston. Les Gilets jaunes pourraient être rejoints par les black-blocs et autres casseurs, de droite, de gauche et d’ailleurs.
« Jusqu’au bout »
Car le ras-le-bol des Français, notamment des classes les plus modestes, est à son paroxysme. L’augmentation du prix des carburants n’est que l’étincelle qui a provoqué l’explosion de colère. La non réponse de l’État à leur malaise ajoutée à l’arrogance de Macron ont fait le reste.
Tout le monde se souvient de ces mots inutilement blessants, ces petites phrases qui font de gros dégâts. Pour mémoire, et en vrac : « Je traverse la rue, je vous trouve un travail », « les Gaulois réfractaires au changement », « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux », « je ne cèderai rien ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes », « le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler », « Il y en a beaucoup qui sont illettrés », « une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ».
Ces gens qui ne sont rien, justement, iront se faire entendre, samedi à Paris. Et ceux qui ne pourront pas faire le déplacement, par manque d’argent (à quatre semaines de Noël), manifesteront leur mécontentement sur place, dans les villes et les régions de France. Ils continueront à bloquer les routes et les centres villes, les commerces.
Ils l’ont dit tout au long de la semaine, sur leurs barrages, ils iront « jusqu’au bout ».
On peut les croire.