Point-de-vue-. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer participe au lancement de la 29ème Semaine de la presse à l’école. Objectif : former le jugement critique des élèves.
Comment fait-on un journal ? D’où vient l’info ? Comment travaillent les journalistes ? Faut-il croire tout ce qui est écrit dans les journaux, tout ce que l’on entend à la radio, ce que l’on voit à la télé ?
Ces questions seront posées, une fois encore, dans les écoles et les lycées de France pendant la semaine de la presse à l’école du 19 au 24 mars 2018. Il s’agit de faire réfléchir les élèves sur le fonctionnement des médias, leur apprendre à mieux connaître la façon dont les journalistes exercent leur métier, les aider à mieux décrypter l’actualité et à remonter aux sources de l’information : le thème « D’où vient l’info ? » regroupe l’ensemble des enjeux liés à l’éducation aux médias et à l’information. Bref, à former le jugement critique des élèves.
Le quatrième pouvoir
C’est une bonne chose. A condition d’expliquer aux élèves et donc aux citoyens en herbe que la presse est une industrie dont la matière première, l’information, est faite de mots, d’images, de vidéos, de codes, de symboles. C’est-à-dire d’idées. C’est-à-dire d’opinions. Voilà pourquoi on dit que la presse est appelée le quatrième pouvoir.
Pour s’en convaincre il suffit de savoir que 95% de la production et de la diffusion journalistique nationale -presse écrite, radio, télé, web- est aux mains de sept milliardaires.
Quel intérêt pour ces industriels qui font leur juteux business dans des activités très éloignées de la presse (béton, armes, téléphonie etc.) d’investir dans les médias qui, tous ou presque, perdent de l’argent ?
Mais précisément pour orienter nos choix et nos opinions. Pour nous inciter à acheter un produit plutôt qu’un autre. A penser de telle manière et non pas d’une autre. A voter pour un tel plutôt que pour une telle… C’est le règne de la pensée unique. Du formatage des cerveaux. Des émissions abêtissantes que l’on passe en boucle. Quand on a l’argent, on veut aussi le pouvoir, le vrai, celui de l’influence.
La pensée unique
Comment ça marche ? On sait que l’essentiel de l’info nationale et internationale provient des agences de presse. Ce sont les grossistes de l’information. Il y en a quatre de dimension mondiale. Elles couvrent 90% de l’info dans le monde. Lorsqu’elles traitent un sujet, national ou international, tous les médias de la planète le reprennent. Lorsqu’elles décident de ne pas traiter un événement, celui-ci n’existe pas pour l’opinion publique !
La première agence de presse en termes de nombre de journalistes et d’infos (textes, photos, vidéos) c’est la célèbre Agence France Presse. L’AFP emploie 4.000 journalistes dans le monde et publie chaque jour plus de 3.000 infos aux médias de la planète.
La deuxième est Associated Press (AP) basée à New York. Avec ses 4.000 journalistes, AP appartient aux entreprises de presse des Etats-Unis. Quelque 12.000 médias y sont abonnés.
La troisième s’appelle Reuters. Basée à Londres, l’agence a été rachetée par le canadien Thomson.
Enfin, la quatrième agence est la Deutsche Presse Agentum (ADP) à Berlin. Elle emploie un millier de journalistes dans le monde et s’est associée à l’américain AP.
La dictature de l’émotion
Résumons. En France, 7 milliardaires contrôlent 95% de l’info journalistique et, dans le monde, quatre agences internationales ‘’servent’’ tous les médias de la planète.
Il reste peu de place pour la pluralité de la presse dont on nous dit qu’elle est l’un des piliers essentiels de la démocratie, un support indispensable à la diffusion des idées et des opinions. Peu de place aussi pour des journaux indépendants des lobbies politiques et économiques.
A de rares exception près, la presse n’est plus un contre-pouvoir mais un faire-valoir.
Si quelques industriels se sont appropriés les moyens de communication de masse, c’est bien pour en contrôler les messages. Pour dire aux lecteurs/auditeurs/téléspectateurs, ce qu’ils doivent retenir de l’info, ce qu’ils doivent croire ou ne pas croire, comment il faut penser….
Et pour que le message bien dans nos cerveaux submergés d’infos, on privilégie l’émotion à l’analyse, à l’enquête, au décryptage. Nous vivons dans un monde où la dictature de l’émotion a définitivement confisqué notre liberté de penser et de juger. Cette émotion qui se consomme comme une marchandise à la télé ou dans les journaux, qui entrave la réflexion et anesthésie la pensée.
Et méfiez-vous des infos publiées sans contrôle sur les réseaux sociaux. Les fausses nouvelles, les fake-news, y pullulent pour mieux vous manipuler.
Voilà ce qu’il faut dire aux élèves de nos collèges et de nos lycées. Lisez les journaux, écoutez la radio et télé, mais gardez l’esprit critique par rapport à ce que vous lisez ou entendez. Sachez distinguer les faits des commentaires. Doutez de tout. Réfléchissez par vous-même. Informez-vous à des sources différentes, lisez la presse étrangère.
Bref, ne soyez pas des moutons de Panurge ! Restez des citoyens responsables capables de discernement dans le chaos du monde.
Marcel GAY