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Pour les retraites, les dépenses comptent, mais aussi les recettes…

Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, se félicite du réexamen de la réforme des retraites. Mais ses pertinentes « remarques » sur les recettes et les dépenses, mériteraient d’être prises en compte par nos dirigeants actuels.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'État au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget (DR)

Par Christian Eckert

Peu importe grâce à qui, mais le dossier des retraites reprend force et vigueur et c’est tant mieux. Entre la tentative avortée mal conduite par monsieur Delevoye et le passage en force contre les Français de Madame Borne, les injustices comme les besoins de financement se multiplient.

Une analyse reprenant des principes simples me parait nécessaire et je m’y risque avec humilité.

D’habitude, lorsque les finances d’un secteur dérivent, on décide de jouer sur les deux volets pour améliorer les comptes : les recettes et les dépenses. Curieusement, à quelques exceptions près, la plupart des propos entendus se focalisent sur les dépenses. Il y aurait pourtant beaucoup à réfléchir sur les recettes !

Trois remarques sur les recettes

  • Les exonérations de cotisations sociales sont « légions » et se sont beaucoup développées dans les dernières années : qui se souvient que le CICE (peu importe sa légitimité) n’a pas été supprimé par le Président Macron, mais transformé en allègement de cotisations sociales (20 Milliards par an quand même…). Qui se souvient qu’après la crise des Gilets jaunes, Monsieur Darmanin a fait supprimer des cotisations salariales sans les compenser au budget de la Sécurité sociale (quelques Milliards aussi) !
  • Les nombreuses exonérations de cotisations, instaurées au fil du temps par presque tous les gouvernements, devraient être compensées au budget de la Sécurité sociale par l’État qui les a décidées. Ces reversements existent, mais leur calcul relève à la fois de l’exploit et de l’escroquerie. J’ai connu à Bercy leur évolution et leur difficile indexation, parfois des dizaines d’années après leur création, et c’est complexe. Je confesse pudiquement que ces montants (très élevés) constituaient plus « une variable d’ajustement du budget de L’État que de celui de la Sécurité sociale ». Il est vital que la Cour des comptes analyse ce point dans sa « mission flash ».
  • Enfin, sur le niveau des cotisations elle-même, on doit réfléchir à leurs taux, sachant qu’ils varient suivant le niveau et la nature des revenus. Concernant les salaires, le dépassement de certains plafonds entraine des modulations de cotisations dont les effets restent – c’est un euphémisme – obscurs. Concernant les revenus du capital, la confusion entre l’impôt et les cotisations instaurée par le Président actuel permet toutes les optimisations du monde. Il faut savoir que les dirigeants de société gagnent beaucoup en se payant en dividendes plutôt qu’en se versant un salaire.

Trois remarques aussi sur les dépenses

  • L’allongement de l’âge dit « pivot » est le péché originel de la dernière réforme : une personne qui a fait de longues études et a commencé à travailler tard n’a pas été impacté par le report de l’âge légal. Le nombre d’annuités de cotisation nécessaire été déjà un frein à son départ plus tôt. Bien que les « carrières longues » (acquis de la gauche) aient été quasiment préservées, la réforme a donc pénalisé principalement les salariés moins formés, par nature souvent plus modestes. Au lieu de l’âge, le critère des annuités ou des trimestres cotisés doit être le principal point d’appui du droit au départ.
  • Évidemment, le cas des femmes doit faire l’objet d’une attention particulière. Celui des carrières hachées aussi. C’est une solidarité nécessaire, car la maternité, l’interruption d’activité professionnelle pour s’occuper des enfants comme le travail à temps partiel sont souvent des caractéristiques des carrières féminines. S’appuyer sur les trimestres cotisés nécessitera d’accorder à des mères de familles des bonus tant sur le droit au départ que sur le calcul des montants de la retraite.
  • Tenir compte de la pénibilité, souvent évoquée, mais peu pratiquée, est une évidence lorsqu’on regarde les durées de vie des membres des différentes catégories professionnelles. Les critères votés en 2014 se sont heurtés à l’opposition frontale du MEDEF et le Président Macron les a enterrés ensuite. Aujourd’hui, il semble que la nature de l’activité et ses contraintes redeviennent d’actualité et l’occasion est à saisir par exemple pour le travail posté ou les conditions de travail difficiles.

Le dossier est à l’évidence complexe au vu de la diversité des situations. Il est également essentiel par les volumes financiers mis en jeu. Il ne faut rien s’interdire, mais opposer les situations (régimes spéciaux, privé-public…) ne servira pas la cause et bloquera les volontés de progrès qui se dessinent. Gommer au mieux les injustices peut redonner crédibilité et confiance aux acteurs publics, qui en ont tellement perdu.

retraites
Le système actuel se caractérise par de nombreux régimes dont les populations couvertes, les modes de financement et les règles de calcul des pensions diffèrent.
Dragana Gordic/Shutterstock
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