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Retraites : Les excès de peur comme d’insouciance nuisent au débat

Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’Etat au Budget met en doute l’information selon laquelle « De 2018 à 2030, notre système de retraites pourrait enregistrer une dette – ou un  »déficit cumulé »- de 113 milliards d’euros « . Explications.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget (DR)

par Christian Eckert

Ce passage extrait d’un article de presse est censé trouver son origine dans un document remis à la fameuse conférence de financement qui reprend ses travaux. La communication est habile, anxiogène, mais ne résiste pas à la confrontation à la réalité.
Tout d’abord, ce chiffre est établi avec beaucoup d’approximations, qui plus est sur une durée assez longue qui commande l’humilité nécessaire. D’après l’un des auteurs du rapport du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) que j’ai rencontré et d’après des économistes réputés qui l’ont confirmé à la presse, le chiffre de 12 milliards par an fixé par le Premier ministre comme objectif est une simple moyenne entre des scénarios très différents et complexes qu’il est difficile de décrire ici par le menu… Les 113 milliards évoqués ici procèdent semble-t-il de la même méthode peu rigoureuse.

5 milliards par an

De plus, le gouvernement a sciemment remis en déficit depuis deux ans notre système de retraites. Il l’assume et ne compense plus (pour quasiment 5 milliards PAR AN) les exonérations de cotisation sociales décidées par L’État et désormais supportées par la Sécurité Sociale. Les déclarations sur ce point du ministre Darmanin sont claires et se trouvent partout !
En cumulant sur une douzaine d’années ces déficits imposés à la Sécu, en les actualisant, on explique déjà plus de la moitié du montant de 113 milliards destiné à mettre la pression sur les organisations syndicales et l’opinion.
Enfin, la fin du remboursement de la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) prévue pour 2024 dégagera à elle seule 18 milliards d’euros par an AU MOINS et TOUS LES ANS à partir de 2024. En 6 ans, c’est donc quasiment autant que le pseudo-déficit cumulé annoncé qui est mobilisable.

A l’aveugle

On pourrait encore évoquer les 32 milliards du Fonds de Réserve des Retraites, qui semblent devoir être congelés pour l’éternité. On pourrait encore évoquer la baisse des recettes liées aux hautes rémunérations ou encore de celles liées aux fonctions publiques qui peut être enrayée… L’enfer de la Sécu n’est pas pavé que de mauvaises nouvelles et l’âge pivot ne s’impose pas.

Le Premier ministre a raison de se pencher sur l’équilibre d’un système qui concerne 14% de notre Produit Intérieur Brut. Il serait quand même rigoureux et intellectuellement honnête de le faire avec tous les paramètres, après expertises partagées et arbitrages. Voter la loi à l’aveugle comme l’envisage le gouvernement parait pour le moins inconvenant sinon inconstitutionnel.

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